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SUR L'ENVIE.

Que l'envie contre les de Lettres gens excite leur émulation, leur fait quelque fois produire leurs plus beaux ouvrages.

Le mérite en repos s'endort dans la paresse;
Mais par les envieux un génie excité,

'Au comble de fon art eft mille fois monté;
Plus on veut l'affoiblir, plus il croît & s'élance,
Au Cid perfécuté Cinna doit fa naiffance;
Et ta plume, Racine, aux cenfeurs de Pyrrhus
Doit les plus nobles traits dont tu peignis Bur-
rhus.

Sur l'équité.

Boileau.

Dans le monde il n'eft rien de beau que l'équité,

Sans elle la valeur, la force, la beauté,
Et toutes les vertus dont s'éblouit la Terre
Ne font que faux brillans, & que morceaux de

verre.

Un injufte Guerrier, terreur de l'Univers, Qui fans fujet courant chez cent Peuples di

vers,

S'en va tout ravager jusqu'aux rives du Gange, N'eft plus qu'un grand voleur, qu'un du Terte & Saint-Ange.

Même vérité.

Ibid.

C'est d'un Roi que l'on tient cette maxime augufte,

Que jamais on n'eft grand qu'autant que l'on eft jufte.

Raffemblez à la fois Mithridate & Sylla,
Joignez y Tamerlan, Genferic, Attila,
Tous ces fiers Conquérans, Rois, Princes, Ca
pitaines,

Sont moins grands à mes yeux que ce Bourgeois

d'Athénes,

Qui fçut pour tous exploits, doux, modéré, frugal,

Toujours vers la juftice aller d'un pas égal.

ESPRIT.

Sa définition.

Ibid.

Qu'est-ce que l'efprit? Raifon affaifonnée
Raifon fans fel eft fade nourriture,

Sel fans raison n'eft folide pâture;

De tous les deux fe forme efprit parfait, De l'un fans l'autre un monftre contrefait.

ESPRIT S.

Ronfeau.

Qu'il eft bon qu'il y ait de la diverfité dans les efprits, c'est-à-dire, que les hommes ne pensent pas tous de la mê

me maniere.

C'est un grand agrément que la diversité;
Nous fommes bien comme nous fommes,
Donnez le même efprit aux hommes,
Vous ôtez tout le fel de la fociété.

L'ennui nâquit un jour de l'uniformité.

La Motte, Fab.

Contre les prétendus beaux efprits qui s'érigent en Juges du Parnaffe.

Ah! mes amis, un peu moins de fuperbe ;
Vous avez lú quelqu'Ode de Malherbe,
Soit. Richelet jadis en racourci
Vous a de l'art les régles dégrofli?
Je le veux bien: vous avez fur la Scéne
En Vers bouffis fait hurler Melpomene.
C'est un grand point, mais ce n'eft pas affez
Ce métier-ci n'eft ce que vous pensez,

Minerve à tous ne départ fes largeffes;
Tous favent l'art, peu favent fes fireffes,

Rousseau, Epit.

OUVRAGES D'ESPRIT.

Que les Auteurs dans leurs Ouvrages ne doivent jamais bleffer la pudeur & étre dangereux à ceux qui les lifent.

Que votre ame & vos mœurs peints dans tous vos Ouvrages

N'offrent jamais de vous que de nobles images. Je ne puis eftimer ces dangereux Auteurs, Qui de l'honneur, en Vers infames, déferteurs, Trahiffant la vertu fur un papier coupable, Aux yeux de leurs Lecteurs rendent le vice ai mable.

Repos d'efprit.

Boileau.

C'est au repos d'efprit que nous aspirons tous, Mais ce repos heureux se doit chercher en nous. Un fou rempli d'erreurs que le trouble accom

pagne,

Est malade à la Ville ainsi qu'à la Campagne; En vain monte à cheval pour tromper fon ennui, Le chagrin monte en croupe & galope avec lui

SUR L'EXEMPLE.

Qu'il ne faut pas toujours fe régler fur l'exemple.

Mal prend aux volereaux de faire les voleurs : L'exemple eft un dangereux leurre,

Tous les mangeurs de gens ne font pas grands Seigneurs ;

Où la Guêpe a paffé le Moucheron demeure.

La Font.

Sur les Fables morales.

Les Fables ne font point ce qu'elles semblent être,

Le plus fimple Animal nous y tient lieu de Maî

tre,

Une morale nue apporte de l'ennui,

Le conte fait paffer le précepte avec lui.

En ces fortes de feinte il faut inftruire & plaire Et conter pour conter me femble peu

Fictions.

Des fictions la vive liberté

Peint fouvent mieux l'auftere vérité
Que ne feroit la froideur Monacale
D'une lugubre & pésante morale.

d'affaire.

Ibid.

Roufeam

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