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La Foi dans les tourmens fonde un regne plus

fur,

Et répand un éclat plus brillant & plus pur.
Des douleurs de la mort victime triomphante
Du fang de fes Martirs l'Eglise se cimente:
Pour les fuivre au féjour de l'éternel repos,
De leurs cendres renaît un Peuple de Héros.
Telle eft conftante Foi ta puiffance Divine
Lorsque l'homme a connu fon augufte origine,
Etranger fur la Terre & Citoyen des Cieux,
Sur des biens paffagers il n'ouvre plus les yeux;
Pour lui les faux plaifirs ne font plus qu'un phan-
tôme,

Les fiecles un inftant, l'Univers un atôme,
Les grandeurs un éclair qui s'efface en naiffant;
Dieu le montre, tout rentre en fon premier
néant. (4)

Sur le Jugement dernier.

Un point auffi effentiel de la Foi Chrétienne, que celui du Jugement dernier a paru digne aux Poëtes d'être revétu des

(a) Ce morceau eft tiré d'un petit Poëme fur la Religion, compofé par M. Affelin, Provifeur du College d'Harcourt, & Auteur de plufieurs Pieces qui ont remporté le prix à l'Académie. Comme il en faifoit un jour la lecture à M. de Voltaire, ce célébre Poëte lui témoigna qu'il étoit enchanté de tout cet endroit que nous venons de citer.

couleurs de la Poëfie. Lorfqu'ils ont travaillé à nous en faire la peinture, on doit croire qu'ils on eu pour but de jetter un falutaire effroi dans le cœur des Chrétiens, & de leur donner lieu de penser à un événement qui fera la décifion de leur bonheur ou de leur malheur éternel. On fait que les Prophetes appellent ce jour,le jour de colere & de vengeance, & qu'ils employent pour le dépeindre les expreffions les plus fortes & les plus capables de faire impreffion. (a) La peinture qu'en ont fait plufieurs Poëtes eft affez vive pour frapper les efprits, fi on veut y faire at

tention.

Déja je le crois voir, j'en frémis par avance, Ce jour de châtiment comme de récompenfe. Déja j'entends des Mers mugir les flots troublés,

Déja je vois pâlir les Aftres ébranlés.

Le feu vengeur s'allume & le fon des trompet

tes

(a) Fuxtà eft dies Domini magnus... Vox diei Domini amara... Dies tribulationis & anguftie... In igne zeli ejus devgrabitur omnis Terra. Sophon. 1... Antequam veniat dies Domini magnus horribilis. Joël 2... Ecce dies veniet fuccenfa quafi caminus & erunt omnes fuperbi & omnes facientes impietatem, ftipula. Malac, 4.

Va réveiller les Morts dans leurs fombres re

traites.

Ce jour eft le dernier des jours de l'Univers.
Dieu cite devant lui tous les Peuples divers,
Et pour en féparer les Saints, fon héritage,
De fa Religion vient consommer l'Ouvrage.
La Terre, le Soleil, le tems, tout va périr,
Et de l'Eternité les portes vont s'ouvrir.
Elles s'ouvrent: Ce Dieu fi long-tems invifi
ble

S'avance précédé de fa gloire terrible:

Entouré du tonnerre, au milieu des éclairs,
Son Trône étincellant s'éleve dans les airs.
Le grand rideau se tire, & ce Dieu vient en
Maître;

Malheureux qui pour lors commence à le con-
noître !

Ses Anges ont par-tout fait entendre leur voix,
Et fortant de la poudre une feconde fois,
Le genre humain tremblant, fans appui, fans
réfuge,

Ne voit plus de grandeur que celle de fon Juge.
Ebloui des rayons dont il se sent percer,
L'Impie avec horreur voudroit les repouffer,
Il n'eft plus tems; il voit la gloire qui l'oppri

me,

Il tombe enfeveli dans l'éternel abîme.

Et loin des voluptés où fut livré fon cœur,

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Ne trouve devant lui que Ja rage & l'horreur. Le vrai Chrétien lui feul ne voit rien qui l'é

tonne;

Et fur ce Tribunal que la foudre environne, Il voit le même Dieu qu'il a cru fans le voir L'objet de fon amour, la fin de fon efpoir. Mais il n'a plus besoin de foi ni d'espérance, Un éternel amour en eft la récompenfe.

Poëme de Racine.

REMARQUES.

Voilà un morceau de Poëfie qu'on peut appeller fini, tant il renferme de beautés. Ce font là de grandes images, s'il en fut jamais. Quel tableau! Quelle force d'expreffions! Il eft vrai que le fujet par luimême ne pouvoit que jetter le Poëte dans un enthousiasme des plus vifs, mais on peut dire qu'il rend parfaitement l'idée que les Livres faints nous donnent de ce grand jour. Remarquez ces figures. Déjà j'entends des mers mugir les flots troublés, déjà je vois palir les Aftres ébrantés, &c. Faites attention à cette expreffion: Ce Dieu fi long-tems invifible; qui fait un fi bel effet fur l'efprit & le cœur, comme s'il difoit, ce Dieu après lequel

les juftes ont tant foupiré, fe montre à eux ; ils le voyent enfin, le tems de la Foi eft fini. Il n'y a point de véritables Chrétiens qui ne fe fentent émus & touchés à la récitation d'un pareil morceau, furtout à l'endroit qui regarde les Élus, parce qu'il leur rappelle vivement le tems de leur délivrance & la fin des maux qu'ils éprouvent dans cette vie. On ne doit pas oublier cette expreffion où le Poëte parlant à l'impie, dit: Il voit la gloire qui l'opprime; c'est une application très-juste de ce paffage de l'Écriture: Scrutator Majeftatis opprimetur à gloria; & qui convient parfaitement à ces efprits téméraires qui veulent pénétrer dans les decrets éternels, & fonder la profondeur des Juge→ mens de Dieu.

Sur le même fujet.

Le Poëte fait ici une Paraphrafe du Pfeaume 96, & il y ajoûte des traits qui ont rapport au Jugement dernier.

Peuples, élevez vos concerts,

Pouffez des cris de joie & des chants de vice

toire,

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