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C'eft là cher Lamoignon, que mon esprit tran

quile

Met à profit les jours que la Parque me file. Ici dans un vallon bornant tous mes defirs, J'achette à peu de frais de folides plaisirs. Tantôt un livre en main errant dans les prai ries,

Foccupe ma raifon d'utiles rêveries.

Tantôt cherchant la fin d'un Vers que je conf trui,

Je trouve au coin d'un bois le mot qui m'avoit fui.

Quelque fois aux appas d'un hameçon perfide
J'amorce en badinant le poiffon trop avide;
Ou d'un plomb qui fuit l'œil & part avec l'éclair
Je vais faire la guerre aux habitans de l'air.
Une table au retour propre & non magnifique
Nous préfente un repas agréable & ruftique.
fans s'affujettir aux dogmes de Brouffain,
Tout ce qu'on boit eft bon, tout ce qu'on man-
ge eft fain,

La maifon le fournit, la Fermiere l'ordonne,
Et mieux que Bergerat l'appétit l'affaisonne.
O fortuné féjour ! ô champs aimés des Cieux!
Que pour jamais foulant vos prés délicieux,
Ne puis-je ici fixer ma course vagabonde
Et connu de vous feuls, oublier tout le monde!
Boileau Ep. 6.

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IMAGES CHAMPESTRES

Eloge d'une vie retirée.

Le célébre la Fontaine dans le mor ceau fuivant fait l'éloge de la folitude ou d'une vie retirée après laquelle il foupire

Je voudrois inspirer l'amour de la retraite.;
Elle offre à fes amans des biens fans embarras
Biens purs, présens du Ciel qui naiffent fous les
pas,

Solitude où je trouve une douceur fecrette,
Lieux que j'aimai toujours, ne pourrai-je ja

mais

Loin du monde & du bruit gouter l'ombre & le fraix?

O (a) qui m'arrêtera fous vos fombres azyles? Quand pourront les neuf Soeurs loin des Cours & des Villes,

M'occuper tout entier & m'apprendre des Cieux Les mouvemens divers inconnus à nos yeux, Les noms & les vertus de ces clartés errantes, Par qui font nos deftins & nos mœurs différentes?

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(a) Imitation d'un endroit de Virgile au 2. Livre des Géorgiques.

Que fi je ne fuis né pour de fi grands projets, Du moins que les ruiffeaux m'offrent de doux objets ?

Que je peigne en mes Vers quelque rive fleurie,

La Parque à filets d'or n'ourdira point ma vie, Je ne dormirai point fous de riches lambris, Mais voit-on que le fomme en perde de fon prix ?

En eft-il moins profond & moins plein de délig

ces?

Je lui voue au défert de nouveaux facrifices: Quand le moment viendra d'aller trouver les

morts,

J'aurai vécu fans foins & mourrai fans remords. Fables de la Font.

Éloge de la Touraine & des Pays que la Loire arrofe. C'eft le même Poëte qui en racontant un de fes.voyages, s'exprime de la maniere fuivante:

Vous croyez bien qu'étant sur ses (a) rivages,
Nos gens & moi nous ne manquâmes pas
De promener à l'entour notre vûe.
J'y rencontrai de fi charmans appas,
Que j'en ai l'ame encor toute émue,
(a) De la Loire.

C

Côteaux

Côteaux rians y font des deux côtés

353

Côteaux non pas fi voifins de la nue
Qu'en Limofin, mais côteaux enchantés,
Belles maisons, beaux parcs & bien plantés ¿
Prés verdoyans dont ce Pays abonde,
Vignes & bois, tant de diverfités,

Qu'on croit d'abord être en un autre monde.
Mais le plus bel objet c'eft la Loire fans doute,
On la voit rarement s'écarter de fa route,
Elle a peu de replis dans fon cours mesuré,
Ce n'eft pas un ruiffeau qui ferpente en un pré¿
C'eft la fille d'Amphitrite,

C'eft elle dont le mérite,

Le nom, la gloire & les bords
Sont dignes de ces Provinces,
Qu'entre tous leurs plus grands tréfors
Ont toujours placé nos Princes.
Elle répand fon cristal
Avec magnificence,
Et le jardin de la France

Méritoit un tel canal.

La Font. Qeuv. Pofthum.

Eloge de l'Italie, confidérée comme le fejour où repofent les cendres des Auteurs illuftres de la docte amtiquité.

Le Poëte adreffe la parole à un Seigneur

Gg

qui avoit été nommé Ambaffadeur pour Rome, & qui devoit bien-tôt partir.,

Vous chérirez cette contrée
Et les précieux monumens
Où leur (a) mémoire confacrée
Survit à la fuite des tems.

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Vous aimerez ces doux azyles,
Ces bois où le chant renommé
Des Ovides & des Virgiles
Attiroit Augufte charmé,

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De Tibur vous verrez des traces

Et fur ce rivage charmant

Vous vous direz, ici les Graces
De Glycere infpiroient l'amant. (6)
th

Là du Luth du galant Catulle
Lesbie animoit les doux fons,
Ici Properce, ici Tibulle

(a) Des Auteurs Latins les plus illuftres.
(b) Horace

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