Quel lieu n'a point de quoi plaire Lorsqu'on y trouve le bonheur, Lorfqu'on y vit fans fpectateur Dans le filence littéraire, Loin de tout importun jafeur, Loin des froids difcours du vulgaire Et des hauts tons de la grandeur. Loin de ces troupes doucereufes Où d'infipides précieuses Ou de petits fats ignorans Viennent, conduits par la folie S'ennuyer en cérémonie
Et s'endormir en complimens, Loin de ces ignobles Zoïles, De ces enfileurs de Dactyles, Coëfes de phrases imbéciles, Et de claffiques préjugés, Et qui, de l'enveloppe épaiffe Des pédans de Rome & de Gréce N'étant point encor dégagés, Portent leur petite fentence Sur la rime & fur les Auteurs, 'Avec autant de connoiffance Qu'un aveugle en a des couleurs Loin de la gravité Chinoise De ce vieux Druyde empefé Qui fous un air fimmétrisé Parle à trois tems, rit à la toise,
Regarde d'un œil apprêté,
Et m'ennuye avec dignité.
Loin de tous ces faux Cénobites, Qui voués encor tous entiers Aux vanités qu'ils ont profcrites, Ecrans de quartiers en quartiers, Vont dans d'équivoques vifites Porter leurs faces parafites Et le dégout de leurs moûtiers. Loin de ces faufsets du Parnaffe Qui pour avoir glapi par fois Quelque Epithalame à la glace, Dans un petit monde bourgeois, Ne caufent plus qu'en folles rimes, Ne vous parlent que d'Apollon, De Pégaze & de Cupidon ; Et de telles fadeurs fynonimes Ignorant que ce vieux jargon Relégué dans l'ombre des Claffes, N'eft plus aujourd'hui de faifon Chez la brillante fiction;
Que les tendres lyres des Graces Se montent fur un autre ton; Et qu'enfin de la foule obfcure Qui rampe au marais d'Hélicon Pour fauver fes Vers & fon nom, Il faut être fans imposture L'interpréte de la nature
Et le peintre de la raison. Jugez fi toute folitude
Qui nous fauve de tous ces bruits, N'eft point l'azyle & le pourpris De l'entiere béatitude.
Que dis-je, eft-on feul après tout, Lorfque touché de plaifirs fages On s'entretient dans les ouvrages Des Dieux de la lyre & du goût? Tantôt de l'azur d'un nuage Plus brillant que les plus beaux jours Je vois fortir l'ombre volage D'Anacréon ce tendre fage, Le Neftor du galant rivage, . Le Patriarche des amours. Epris de fon doux badinage, Horace accourt à fes accens :: Horace l'ami du bon fens, Philofophe fans verbiage, Et Poëte fans fade encens.... C'eft ainfi que par la présence De ces Morts vainqueurs des deftins, On fe confole de l'absence
De l'oubli même des humains. Pourquoi dans leur foule importune Voudriez-vous me rétablir?
Leur eftime ni leur fortune
Ne me coute point un defir, .
De la fublime Poëfie
Profanant la noble harmonie; Irois-je par de vains accens Chatouiller l'oreille engourdie De cent ignares importans Dont l'ame maffive, affoupie Dans des organes impuiffans Où livrée aux fougues des fens Ignore les dons du génie
Et les plaifirs des fentimens?
Pourrois-je au char de l'immortelle M'enchaîner encor pour long-tems Quand j'aurai paffé mon printems, Pourrai-je vivre encore avec elle? Suivrois-je un jour à pas pesans Ces vieilles Mufes douairieres, Ces meres feptuagénaires Du Madrigal & des Sonnets,. Qui n'ayant été que Poëtes, Rimaillent encor en lunettes Et meurent au bruit des fifflets:
Defcriptions champêtres.
Le Poëte dans les Vers fuivans fait defcription d'une maifon de campagne où il alloit paffer quelque tems tous les ans,
de là il prend occafion de vanter le bonheur d'une vie retirée, où l'on eft à l'abri du tumulte des Villes.
Oui, Lamoignon, je fuis les chagrins de la Vil
Et contre eux laCampagne eft mon unique azile Du lieu qui m'y retient veux-tu voir le tableau. C'est un petit village ou plutôt un hameau Bâti fur le penchant d'un long rang de collines, Où l'œil s'égare au loin dans les plaines voifi-
La Seine au pied des monts que son flot vient laver,
Voit du sein de ses eaux vingt Isles s'élever, Qui partageant fon cours en diverses manieres, D'une riviere seule y forment vingt rivieres. Tous les bords font couverts de faules non plan tés,
Et de noyers fouvent du paffant infultés. Le village au-deffus forme un Amphithéâtre ; L'habitant ne connoît ni la chaux ni le plâtre ; Et dans le roc qui céde & fe coupe aisément Chacun fait de fa main creufer fon logement. La maison du Seigneur feule un peu plus ornée Se préfente au-dehors de murs environnée. Le foleil en naiffant la regarde d'abord, Et le mont la deffend des outrages du Nord.
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