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facrifier Iphigénie pour appaifer les Dieux & que jufques là ils auroient toujours les vents contraires. Agamemnon faifi de douleur ne pouvoit se réfoudre au facrifice de fa fille, mais les raifons d'Uliffe lui firent enfin furmonter fa tendreffe. C'eft le fujet de la célébre Tragédie de Racine qui porte le nom d'Iphigénie. Dans le morceau fuivant le Poëte exprime les fentimens & les adieux d'Iphigénie à fa mere Clytemnestre pour aller au Camp des Grecs où elle devoit être immolée. Les Gardes d'Agamemnon la viennent chercher. Clytemneftre les précéde pour les empêcher de l'emmener.

CLYTEMNESTRE.

Oui je la deffendrai contre toute l'Armée. Lâches, vous trahiffez votre Reine opprimée.

EURYBATE.

Non, Madame, il fuffit que vous nous comman◄

diez,

Vous nous verrez combattre & mourir à vos

pieds;

Mais de nos foibles mains que pouvez-vous at tendre?

Contre tant d'ennemis qui vous pourra deffen dre?

Ce n'eft plus un vain Peuple en defordre affem

blé,

C'est d'un zéle fatal tout le Camp aveuglé. Plus de pitié. Calchas feul régne, feul commande,

La pitié févere exige fon offrande;

Le Roi de fon pouvoir fe voit dépofféder,. Et lui-même au torrent nous contraint de céder. Achille à qui tout céde, Achille à cet orage Voudroit lui-même en vain opposer fon cou

rage.

Que fera-t-il, Madame, & qui peut diffiper Tous les flots d'ennemis prêts à l'envelopper?

CLYTEMNESTRE.

Qu'ils viennent donc fur moi prouver leur zéle impie,

Et m'arrachent ce peu qui me reste de vie.
La mort feule, la mort pourra rompre les nœuds
Dont mes bras nous vont joindre & lier toutes
deux;

Mon corps

fera plutôt féparé de mon ame Que je fouffre jamais... Ah ma fille!

IPHIGENIE.

Ah Madame!

Sous quel aftre cruel avez-vous mis au jour
Le malheureux objet d'une fi tendre amour?

Mais que pouvez-vous faire en l'état où nous fommes?

Vous avez à combattre & les Dieux & les hommes.

Contre un Peuple en fureur vous exposerezvous ?

N'allez point dans un Camp rebelle à votre époux,

Seule à me retenir vainement obstinée,

Par des Soldats peut-être indignement traînée, Préfenter pour tout fruit d'un déplorable effort Un spectacle à mes yeux plus cruel que la mort. Allez, laiffez aux Grecs achever leur ouvrage, Et quittez pour jamais un malheureux rivage, Du bûcher qui m'attend trop voifin de ces lieux La flamme de trop près viendroit frapper vos yeux.

Sur-tout fi vous m'aimez, par cet amour de

mere,

Ne reprochez jamais mon trépas à mon pere.

CLYTEMNESTRE.

Lui, par qui votre cœur à Calchas présenté......

IPHIGENIE.

Pour me rendre à vos pleurs que n'a-t-il point tenté ?

CLYTEMNESTRE.

Par quelle trahifon le cruel m'a déçue!

IPHIGE'NIE.

Il me cédoit aux Dieux dont il m'avoit reçue. Ma mort n'emporte pas tout le fruit de vos

vœux,

De l'amour qui vous joint vous avez d'autres nœuds.

Vos yeux me reverront dans Orefte mon frere, Puiffe t-il être, hélas ! moins funeste à sa mere. D'un Peuple impatient vous entendez la voix, Daignez m'ouvrir vos bras pour la derniere fois. Madame, & rappellant votre vertu fublime..... Eurybate, à l'Autel conduisez la victime. (a)

CLYTEMNESTRE.

'Ah! vous n'irez pas feule, & je ne prétens pas.. Mais on fe jette en foule audevant de mes pas. Perfides, contentez votre foi fanguinaire.

ÆGINE.

Où courez-vous, Madame, & que voulez vous faire?

CLYTEMNESTRE.

Hélas! je me confume en impuiffans efforts, Et rentre au trouble affreux dont à peine je fors. (a) Elle s'échappe & s'en va.

On fait qu'Iphigénie ne fut point facrifiée, & que ce n'étoit point elle que l'Oracle demandoit : c'étoit une autre Princeffe, une autre Iphigénie fille d'Héléne & de Théfée, appellée de ce nom par fa mere, & connue fous celui d'Ériphile. On peut voir le dénouement de cette Tragédie dans la narration du même Poëte; on l'a inferée ci-devant parmi les Narrations.

Tendreffe conjugale.

Rhadamifte Roi d'Arménie, voyant le trouble dans fes États, & craignant que Zénobie fa femme, fille de Mithridate, ne devint la proye de Tiridate fon ennemi, la poignarda dans le transport de la jaloufie qui le tourmentoit, & la jetta dans un Fleuve. Le coup ne fut pas mortel, & Zénobie fut fauvée des flots; elle fe réfugia à la Cour de Pharafmane Roi d'Ibérie & pere de Rhadamifte: là elle y paffa plufieurs années cachée fous le nom d'Ifménie, & dans la condition d'une Étrangere plutôt efclave que libre. Elle

y

fut aimée d'Arfame fils de Pharafmane, & de Pharafmane lui-même, mais elle ai

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