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JOAS.

Mais j'entends les fanglots fortir de votre bouche.

Princeffe, vous pleurez! Quelle pitié vous touche?

Eft ce qu'en holocaufte aujourd'hui présenté
Je dois comme autrefois la fille de Jephté,
Du Seigneur par ma mort appaifer la colere?
Hélas! un fils n'a rien qui ne soit à son pere.

JÓZABET.

Voici (a) qui vous dira les volontés des Cieux, Ne craignez rien, & nous, fortons tous de ces lieux.

JOAS courant dans les bras du Grand Prêtre.

Mon pere.

JOAD.

Hé bien mon fils?

JOAS.

Qu'est-ce donc qu'on prépare!

JOAD.

Il eft juste, mon fils, que je vous le déclare.
Il faut que vous soyez inftruit même avant tous

(4) Elle apperçoit le Grand Prêtre qui vient pour an nonser à Joas qu'il elt Roi de Juda.

Des grands deffeins de Dieu fur fon Peuple &

fur vous.

Armez-vous d'un courage & d'une foi nouvelle,

Il eft tems de montrer cette ardeur & ce zéle Qu'au fonds de votre coeur mes foins ont cultivés,

- Et de payer à Dieu ce que vous lui devez. Sentez-vous cette noble & généreuse envie ?

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JOAS.

Je me fens prêt, s'il veut, de lui donner ma vie.

JOAD.

On vous a lû fouvent l'hiftoire de nos Rois; Vous fouvient-il, mon fils, quelles étroites loix

Doit s'impofer un Roi digne du Diademe?

JOAS.

Un Roi fage, ainfi Dieu l'a prononcé lui-même, (a)

Sur la richeffe & l'or ne met point fon appui, Craint le Seigneur fon Dieu, fans ceffe a de vant lui

Ses préceptes, fes loix, fes jugemens féveres

Et d'injuftes fardeaux n'accable point fes freres.

(a) Déutéronom, Chap. 17. Večf. 16-M

JOAD.

Mais fur l'un de ces Rois s'il vous falloit régler, A qui choifiriez-vous, mon fils, de reffembler?

JOAS.

David pour le Seigneur plein d'un amour fideleMe paroît des grands Rois le plus parfait mo

dele.

JOAD.

Ainfi dans leurs excès vous n'imiteriez pas
L'infidele Joram, l'impie Ochofias?

JOAS.

O mon pere!

JOAD.

Achevez, dites, que vous en femble!
JO AŠ.

Puiffe périr comme eux quiconque leur reffembie. (Joad fe profternant à fes pieds.) Mon pere, en quel état vous vois-je devant moi?

JOAD.

Je vous rends le refpe&t que je dois à mon Roi. De votre ayeul David, Joas, rendez-vous di

gne,

JOAS

Joas, moi?

JOAS.

JOAD fe relevant.

Vous faurez par quelle grace infigne

D'une mere en fureur Dieu trompant le deffein, Quand déja fon poignard étoit dans votre sein, Vous choifit, vous fauva du milieu du carnage; Vous n'êtes pas encore échappé de sa rage. Avec la même ardeur qu'elle voulut jadis Perdre en vous le dernier des enfans de fon fils, A vous faire périr fa cruauté s'attache,

Et vous pourfuit encor fous le nom qui vous cache:

Mais fous vos étendarts j'ai déja sçu ranger
Un Peuple obéiffant & prompt à vous venger.
Entrez, généreux Chefs des familles facrées,
Du Ministere faint tour à tour honorées.

Roi, voilà vos vengeurs contre vos ennemis;
Prêtres, voilà le Roi que je vous ai promis......
Mais je vois que déjà vous brûlez de me suivre.
Jurez donc avant tout fur cet augufte Livre
A ce Roi que le Ciel vous redonne aujour-

d'hui,

lui.....

De vivre, de combattre & de mourir pour
(A Joas.)
Et vous à cette loi, votre régle éternelle,
Roi, ne jurez-vous pas d'être toujours fidelle,

Dd

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Pourrois-je à cette loi ne pas me conformer.

JOAD.

O mon fils, de ce nom j'ose encor vous nom

mer,

Souffrez cette tendreffe & pardonnez aux lar

mes

Que m'arrachent pour vous de trop justes allar

mes.

Loin du Trône nourri de ce fatal honneur,
Hélas! vous ignorez le charme empoisonneur,
De l'abfolu pouvoir vous ignorez l'yvreffe,
Et des lâches flatteurs la voix enchantereffe.
Bien-tôt ils vous diront que les plus faintes
loix

Maîtreffes du vil Peuple, obéiffent aux Rois;
Qu'un Roi n'a d'autre frein que fa volonté mê-

me,

Qu'il doit immoler tout à fa grandeur fuprême, Qu'aux larmes, au travail le Peuple est condamné,

Et d'un Sceptre de fer veut être gouverné.
Que s'il n'eft opprimé, tôt ou tard il opprime;
Ainfi de piége en piége & d'abîme en abîme,
Corrompant de vos mœurs l'aimable pureté,
Ils vous feront enfin hair la vérité,

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