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Avec les faux Romains elle a fait plein divorces Et comme autour de moi j'ai tous ses vrais appuis,

Rome n'est plus dans Rome, elle est toute où

je fuis.

Parlons pourtant d'accord,, &c.

Mais ces deux grands hommes fe feparent fans pouvoir convenir de leurs différends.

Après la Bataille de Pharfale que Jules Céfar gagna contre Pompée, ce Romain infortuné prit le chemin de l'Egypte pour y trouver un azile chez Ptolomée qui en étoit Roi & à qui il avoit rendu de grands fervices, mais ce Prince barbare par une politique des plus cruelles, crut qu'il falloit faire un préfent à Céfar de la tête de Pompée. Ainfi dans le moment que Pompée aborda en Égypte, il fut affaffiné par l'ordre de Ptolomée. Cé-. far arriya immédiatement après. La cruau té de Ptolomée lui fit horreur & il fut indigné de fon audace. Ce Prince lâche eflaya de le fléchir par toute forte de refpects & même de baffeffes. On verra comment Céfar lui parle ; c'eft ce qui fait le fujet de la Scéne fuivante.

PTOLOME'E..

Seigneur, montez au Trône & commandez ici.

CE'SAR.

Connoiffez-vous. Céfar de lui parler ainsi?
Que m'offriroit de pis la fortune ennemie,
A moi qui tiens le Trône égal à l'infamie?
Certes Rome à ce coup pourroit bien se vanter
D'avoir eu juffe lieu de me perfécuter...
Elle qui d'un même œil les donne & les dédai-

gne,

Qui ne voit rien aux Rois qu'elle aime ou qu'elle craigne

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Et qui verfe en nos cœurs avec l'ame & le fang Et la haine du nom & le mépris du rang..

C'eft ce que de Pompée il vous falloit apprendre,

S'il en eut aimé l'offre il eut fçu s'en deffendre,
Et le Trône & le Roi fe feroient ennoblis
A foutenir la main qui les a rétablis....
Vous n'avez pû former une fi noble envie ;
Mais quel droit aviez-vous für cette illuftre vie?
Que vous devoit fon fang pour y tremper vos
mains ?

Vous qui devez refpect au moindre des Ro

mains......

Penfez-vous que j'ignore ou que je diffimule à

Que vous n'auriez pas eu pour moi plus de fcrupule,

Et que s'il m'eut vaincu, votre esprit complai fant

Lui faifoit de ma tête un femblable présent? Graces à ma victoire, on me rend des homma ges

Où ma fuite eut reçu toute forte d'outrages: Au Vainqueur, non à moi, vous faites tout l'honneur,

Si Céfar en jouit ce n'eft que par bonheur.
Amitié dangéreufe & redoutable zéle
Que régle la fortune & qui tourne avec elle;
Mais parlez, c'eft trop être interdit & confus.
PTOLOME'E.

Je le fuis, il eft vrai, fi jamais je le fus,
Et vous-même avoûrez que j'ai fujet de l'être,
Etant né Souverain, je vois ici mon Maître,
Ici, dis-je, où ma Cour tremble en me regar

dant,

Où je n'ai point encore agi qu'en commandant. Je vois une autre Cour fous une autre Pui

fance,

Et ne puis plus agir qu'avec obéiffance;

De votre seul aspect je me suis vû surpris, Jugez fi vos difcours raffurent mes efprits?.. Dans ces étonnemens dont mon ame eft frap

pée

De rencontrer en vous le vengeur de Pompée, Il me fouvient pourtant que s'il fut notre appui,

Nous vous dûmes dès-lors autant & plus qu'à lui....

Nous avons honoré votre ami, votre gendre Jufqu'à ce qu'à vous-même il ait ofé se pren

dre;

Mais voyant fon pouvoir de vos fuccès jaloux Paffer en tirannie & s'armer contre vous...

CE'SAR.

Tout beau, que votre haine en fon fang affou vie

N'aille point à fa gloire, il fuffit de fa vie.
N'avancez rien ici que Rome ofe nier,
Et juftifiez-vous fans le calomnier.

PTOLOME'E.

Je laiffe donc aux Dieux à juger fes pensées à Et dirai feulement qu'en vos guerres paffées Où vous futes forcé par tant d'indignités, Tous nos vœux ont été pour vos profpérités. Que comme il vous traitoit en mortel adver faire,

J'ai cru fa mort pour vous un malheur nécef

faire....

Et fans attendre d'ordre en cette occafion

Mon zele ardent l'a prise à ma confufion.

Mais plus j'ai fait pour vous, plus l'action eft

noire,

Puifque c'eft d'autant plus vous immoler ma

gloire',

Et que ce facrifice offert par mon devoir,
Vous affure la vôtre avec votre pouvoir.
CE'SAR.

Vous cherchez, Ptolomée, avecque trop de

rufes

De mauvaises couleurs & de froides excuses. Votre zéle étoit faux fi feul il redoutoit

Ce que le monde entier à pleins vœux fouhai-

toit,

Et s'il vous a donné ces craintes trop fubtiles. Qui m'ôtent tout le fruit de nos guerres

les,

civi-

Où l'honneur feul m'engage, & que pour ter

miner

Je ne veux que celui de vaincre & pardonner: Ou mes plus dangereux & plus grands Adverfaires,

Si-tôt qu'ils font vaincus ne font plus que mes freres;

Ou mon ambition ne va qu'à les forcer, Ayant dompté leur haine, à vivre & m'en

braffer..

O combien d'allégreffe une fi trifte guerre
Auroit-elle laiffé deffus toute la Terre?

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