Scénes célébres par la dignité des Perfonnages & l'élévation des fentimens. L'Empereur Augufte met en délibération s'il quittera l'Empire ou s'il le retiendra. C'est le fujet de la Scéne fuivante dans laquelle on voit que le Souverain pouvoir même n'est pas capable de mettre le cœur humain au-deffus de tous fes défirs, & qu'il renferme plus de foucis qu'on ne s'imagine. On y voit les réponfes de Cinna & de Maxime à qui Augufte demande leur avis fur un deffein de cette importance. Cette Scéne eft traitée avec toute la nobleffe & la dignité que demandoit un pareil fujet ; l'élévation y ségne dans les fentimens & l'harmonie dans les Vers; tout y eft digne du grand Corneille. On n'en a extrait que les traits les plus remarquables. AUGUSTE. Cet empire abfolu fur la Terre & fur l'Onde, Ce pouvoir fouverain que j'ai fur tout le mon de, Cette grandeur fans borne & cet illuftre rang Qui m'a jadis couté tant de peine & de fang. Enfin tout ce qu'adore en ma haute fortune Il fe ramene en foi n'ayant plus où fe prendre, mes D'effroyables foucis, d'éternelles allarmes, Comme un bon Citoyen dans le fein de fa Vil le. L'autre tout débonnaire au milieu du Sénat A vû trancher fes jours par un affaffinat Ces exemples récens fuffiroient pour m'inftrui -re, Şi par l'exemple feul on fe devoit conduire. Et l'ordre du deftin qui gêne nos pensées, ne Vous qui me tenez lieu d'Agrippa, de Mecene, Pour réfoudre ce point avec eux débattu, Prenez fur mon efprit le pouvoir qu'ils ont eu. Vous mettrez & l'Europe & l'Afie & l'Afrique Sous les loix d'un Monarque ou d'une Républi que; Votre avis eft ma régle, & par ce feul moyen Je veux être Empereur ou fimple Citoyen. CINNA. N'imprimez pas, Seigneur, une honteuse mar- A ces rares vertus qui vous ont fait Monarque; On garde fans remords ce qu'on acquiert sang crimes; Et plus le bien qu'on quitte eft noble, grandi exquis, Plus qui l'ofe quitter le juge mal acquis. Rome eft deffous vos loix par les droits de la Guerre, Qui fous les loix de Rome a mis toute la Terre; Vos Armes l'ont conquife, & tous les Conqué rans Pour être ufurpateurs ne font pas des tirans. Quand ils ont fous leurs loix affervi des Provin ces-, Gouvernant juftement, ils s'en font juftes Prin ces. C'eft ce que fit Céfar; il vous faut aujourd'hui MAXIME. Suivez, fuivez, Seigneur, le Ciel qui vous inf pire, Votre gloire redouble à méprifer l'Empire, Et vous ferez fameux chez la postérité (4) Brutus fut un de ceux qui afsaffinerent Jules Céfar Moins pour l'avoir conquis, que pour l'avoir quitté. Le bonheur peut conduire à la grandeur fuprê me, Mais pour y Rome a reçu des Rois fes murs & fa naiffance; Sous vous l'Etat n'eft plus en pillage aux Armées Les portes de Janus par vos mains font fer mées, Ce que les Confuls on n'a vû qu'une fois, Et qu'a fait voir comme eux le second de nos Rois..... Que l'amour du Pays, que la pitié vous touche, Votre Rome à genoux vous parle par ma bou◄ che; Confidérez le prix que vous avez couté, Mais une jufte peur tient fon ame effrayée..... |