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Et d'un fujet de joie un excès de douleur.

ILDIONE.

Eft-il orgueil plus lâche ou lâcheté plus noire? Il veut que je vous coûte ou la vie ou la gloire, Et ferve de prétexte au choix infortuné D'affaffiner vous-même, ou d'être affaffiné.

Il vous offre ma main comme un bonheur infigne,

Mais à condition de vous en rendre indigne,
Et fi vous refusez par-là de m'acquérir,
Vous ne fauriez vous-même éviter de périr.
ARDARIC.

Il est beau de périr pour éviter un crime;
Quand on meurt pour la gloire on revit dans

l'eftime,

Et triompher ainfi du plus rigoureux fort,
C'eft s'immortaliser par une illuftre mort.
Vous vengerez ma mort, & mon ame ravie,...
ILDIONE.

Ah!
venger une mort n'eft pas rendre une vie,
Le tiran immolé me laiffe mes malheurs,
Et fon fang répandų ne tarit pas mes pleurs.

Ibid.

Eurydice fille d'Artabaze Roi d'Arménie, aimoit Surena grand homme de

Guerre & Général de l'Armée d'Orode Roi des Parthes. Sa Confidente lui repréfentant qu'elle devoit faire un choix plus digne d'elle, lui difoit ces paroles:

Il n'eft pas Roi, Madame.

Eurydice répond:

Il ne l'eft pas,

Mais il fait rétablir les Rois dans leurs Etats. Des Parthes le mieux fait d'efprit & de visage, Le plus puiffant en biens, le plus grand en courage,

Le plus noble; joins-y l'amour qu'il a pour moi, Et tout cela vaut bien un Roi qui n'est que Roi. Surena de Corn.

Pacorus fils d'Orode aimoit Eurydice, il apprit qu'il avoit un rival, mais il ignoroit qui ce pouvoit être. Il parle ainfi Eurydice.

Sachons quoiqu'il en coute,

Quel eft ce grand rival qu'il faut que je redou

te?

Dites: eft-ce un Héros? eft-ce un Prince? eft

ce un Roi?

Mais Eurydice lui répond fiérement è

C'eft ce que j'ai connu de plus digne de moi.

Ibid.

Surena ayant été lâchement tué par l'ordre d'Orode ou de Pacorus, on vint apprendre cette nouvelle à Eurydice & à Palmis fœur de cet infortuné Guerrier. Comme la caufe de fa mort venoit de ce qu'il étoit aimé d'Eurydice; Palmis dans le premier mouvement de fa douleur lui reprocha la mort de fon frere; mais on verra quelle fut la réponse d'Eurydice.

PALMIS à Eurydice.

Vous qui brûlant pour lui fans vous détermi

ner,

Ne l'avez tant aimé que pour l'affaffiner; 'Allez, d'un tel amour, allez voir tout l'ouvra

ge,

En recueillir le fruit, en goûter l'avantage. Quoi vous caufez sa perte & n'avez point de pleurs?

EURYDICE.

Non, je ne pleure point, Madame, mais je

meurs.

Ormene, foutiens moi.

ORMENE.

Que dites-vous, Madame ?

EURIDICE.

Généreux Surena, reçois toute mon ame.

Ibid.

Bérénice (a) fentant qu'elle étoit aimée de l'Empereur Titus, auroit fort voulu qu'il l'époufât, & parmi les raisons qu'elle lui donnoit pour le déterminer, elle lui dit ces paroles:

N'avez-vous pas un pouvoir abfolu,

Seigneur ?

Voici la réponse de Titus.

Qui, mais j'en fuis comptable à tout le

monde,

Comme dépofitaire il faut que j'en réponde. Un Monarque a souvent des loix à s'imposer, Et qui veut pouvoir tout ne doit pas tout ofer.

Tite Bérénice de Corne

Viriate Reine de Portugal s'exprime de la maniere fuivante en parlant de Ser(a) Elle étoit Reine dans une partie de la Judée.

torius Général du parti de Marius en Efpagne. Il eft bon de favoir que la faction de Sylla l'avoit emporté fur celle de Marius, en forte que tous les partifans de ce dernier avoient été obligés de prendre la fuite & de s'exiler de l'Italie ; mais Sertorius qui étoit un grand homme de Guerre-fe foutint vaillamment en Espagne & battit fouvent Pompée qu'il appelloit un Ecolier de Sylla.

Ce ne font point les fens que mon amour confulte,

Il hait des paffions l'impétueux tumulte

Et fon feu que j'attache aux foins de ma gran

deur,

Dédaigne tout mêlange avec leur folle ardeur; J'aime en Sertorius ce grand art de la Guerre Qui foutient un banni contre toute la Terre; J'aime en lui ces cheveux tous couverts de lau riers,

Ce front qui fait trembler les plus braves Guer riers,

Ce bras qui femble avoir la victoire en partage.

L'amour de la vertu n'a jamais d'yeux pour l'â

ge;

Le mérite a toujours des charmes éclatans,

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