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place. Il eft bon de voir une même vérité maniée par deux beaux génies. Le Poëte les a mis dans la bouche de Volceftre, Miniftre d'Edouard III. Roi d'Angle

terre.

Ignore-t-on le fort que nous devons attendre ? Et fous quels Cieux nouveaux notre esprit doit fe rendre?

Le défir du néant convient aux fcélérats.

Non, je ne puis penfer que la nuit du trépas Eteigne avec nos jours ce flambeau de notre

ame

Qu'alluma l'Immortel d'une célefte flamme.
La vertu malheureuse en ces jours criminels;
Annonce à ma raifon ces fiécles éternels.
Pour la feule douleur la vertu n'eft point née,
Le Ciel a fait pour elle une autre destinée.
Plein de ce jufte espoir, je m'éleve aujourd'hui
Vers l'Etre bienfaifant qui me créa pour lui..
Convaincu comme vous du néant de la vie,
Pourrois-je regretter de me la voir ravie ? (a)
Aveugle fur fon être, incertain, accablé
Dans ce féjour mortel le fage eft exilé.
Il voit avec tranfport la fin de fa carriere
Où doit naître à fes yeux l'immortelle lumiere,

(a) Il étoit menacé de payer de fa tête le refus qu'il faifoit au Roi d'une chofe qui lui paroiffoit contraire à la gloire de fon Prince.

Dans cette nuit d'erreurs la vie eft un fomeil, La mort conduit au jour, & j'afpire au réveil.

Sur la Loi naturelle.

Greet.

Que la Loi naturelle eft gravée dans le cœur de tous les hommes.

Je l'apporte en naiffant, elle eft écrite en moi
Cette Loi qui m'inftruit de tout ce que je doi,
A mon pere,
à mon fils, à ma femme, à moi-

même,

A toute heure je lis dans ce code fuprême
La Loi qui me défend le vol, la trahison;

Cette Loi qui précéde & Lycurgue & Solon.
Avant même que Rome eût gravé douze Tables,
Metius & Tarquin n'étoient pas moins coupa-
bles.

Je veux perdre un rival, qui me retient le bras?
Je le veux, je le puis, & je n'acheve pas;
Je crains plus de mon cœur le fanglant témoi
gnage

Que la févérité de tout l'Àréopage,

Racine le fils.

Le Lecteur fera bien aife de voir ici comment Saint Profper a exprimé la for ce de la Loi naturelle.

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Ite ipfi in veftra penetralia mentis & intùs
Incifos afpices & fcripta volumina legis,

·Infpicite, & genitam vobifcum afpicite Legem:

'Et dans un autre endroit il fait fur le même fujet la réflexion fuivante, qui eft remplie de fens.

Nam quis erit, modo non pecus agri aut bellua
Ponti

Qui vitiis adeo ftolidè oblectetur apertis,
Ut quod agit, velit ipfe pati? Mendacia fallaxi
Furta rapax, furiofum atrox, homicida cruen-

tum

Damnat, & in machum gladios diftringit adul

ter;

Ergò omnes naturali cum Lege creati Venimus, & fibris gerimus que condita libris,

Dans les Vers fuivans, Rouffeau paraphrafe quelques verfets du Pleaume 18, dans lefquels le Roi Prophete exalte la beauté de la Loi du Seigneur. Le mot de Loi doit s'entendre ici de la Loi écrite, qui contient les divers Commandémens que Dieu a fait aux hommes dans les Liyres faints. Comme le Poëte a réduit dans une forme de priere le fens du Pfeaume,

il s'eft fervi du genre temperé qui a quel que chofe de doux & d'infinuant, mais qui ne laiffe pas d'avoir fes graces, ainsi que le fublime.

Soutiens ma foi chancellante,
Dieu puiffant infpire moi
Cette crainte vigilante (a)
Qui fait pratiquer ta Loi.
Loi fainte, Loi defirable,
Ta richeffe eft préférable
A la richeffe de l'or,
Et ta douceur eft pareille
Au miel dont la jeune abeille
Compofe fon tréfor.

Mais fans tés clartés facrées
.Qui peut connoître, Seigneur, (b)
Les foibleffes égarées

Dans les replis de fon cœur ;
Prête-moi tes feux propices,

Viens m'aider à fuir les vices

Qui s'attachent à mes pas.

(a) Timor Domini sanctus permanens in feculus -faculi, &c. Judicia Dòmini vera... Defiderabitia fuper aurum & lapidem pretiofum multum, & dulciora fuper mel&favum....

me

(b) Delicta quis intelligit, ab occultis meis munda &c. Pf. 18.

Viens consumer

par ta flamme

Ceux que je vois dans mon ame,
Et ceux que je n'y vois pas.
*

Si de leur trifte esclavage
Tu viens dégager mes fens,,
Si tu détruis leur ouvrage,
Mes jours feront innocens.
J'irai puifer fur ta trace;
Dans les fources de ta grace,
Et de fes eaux.abreuvé

Ma gloire fera connoître

Que le Dieu qui m'a fait naître
Eft le Dieu qui m'a fauvé.

Sur les ordres impénétrables de la
Providence.

Le Poëte fait les réflexions fuivantes à l'occafion des maux qui arrivent dans cette vie, & dont nous ne pouvons comprendre la caufe que par les lumieres de la Foi; il fait voir que cet état d'obfcurité où nous fommes, eft un effet des profonds Jugemens de Dieu qui veut que les. hommes s'humilient fous fa main. Il donne enfuite une idée très - fublime de la grandeur & de la puiffance de Dieu. On

peut

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