rables qui naiffent de cette agitation de notre ame. Ce défordre eft l'ordre-même, car il y a une fuite dans nos mouvemens comme il y en a une dans nos idées. Lorf qu'on eft agité ou cenfé devoir l'être, il fied bien d'être affujetti à ce défordre de mouvemens, & il eft fi effentiel de s'y abandonner, que fi on ne le fait point on court rifque de glacer l'efprit du Lecteur. En un mot, les Odes ayant pour objet de grandes chofes, frappent l'imagination du Poëte. Son ame forcée d'obéir au mouvement qui la tranfporte, fe porte avec agilité à plufieurs objets & les parcourt fucceffivement. Alors il n'eft plus queftion deméthode. De-là ces écarts tant vantés dans l'Ode, ces digreffions plus belles mille · fois que le fujet qu'on a quitté pour elles, ces traits de Morale devenus brillans l'éclat qui les environne, ces comparaifons tantôt déployées tantôt rapides; delà enfin ce beau défordre qui n'eft autre chofe que le langage naturel d'un Poëte entraîné par un feu vraiement digne du fujet qu'il veut célébrer; mais il faut que le fujet donne droit aux emportemens, que par la grandeur & la dignité de la matiere, l'ame ait été obligée de fortir de fon affiet Q par te, fans quoi l'enthoufiafme deviendroit puérile. Avant d'en venir aux exemples, commençons par l'idée qu'a donné de l'Ode le véritable Maître de la Poëfie Françoise. L'Ode avec plus d'éclat & non moins d'énergie Elevant jufqu'au Ciel fon vol ambitieux, Entretient dans fes Vers, commerce avec les Dieux. 'Aux Athletes dans Pife elle ouvre la barriere, Chante un Vainqueur poudreux au bout de la carriere, Mene Achille fanglant au bout du Simoïs, ge, Elle s'en va de fleurs dépouiller le rivage. Les Strophes fuivantes forment la plus: grande partie d'un Ode fur l'existence de Dieu. On fe convaincra que le ftile & les pénfées répondent à la grandeur du fujet. Etre dont l'effence Divine La Terre annonce ta puiffance, D'un caractere ineffaçable Grava les traits de ta grandeur. Mais quand de ta gloire immortelle Son cœur ne fauroit consentir; Infenfe, quel but fe propofe pure 1 Si réglée en fon mouvement, t Déployant fa magnificence Dans les campagnes, fur les flots Le Ciel & la Terre s'uniffent Fournit les eaux qui dans leur course A mes befoins tout eft fidelle, Et la nature universelle Confpire à ma félicité. Les tems futurs & révolus, Je vois ce qui n'eft pas encore, Fout me furprend dans la nature Affelin. Strophes prifes d'un Ode fur la Foi. Divine Foi dont la puiffance Quel éclat! mon ame éperdue |