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Turenne de Condé le généreux rival,
Moins brillant, mais plus fage & du moins fon

égal.

Catinat réunit par un rare affemblage

Les talens du Guerrier & les vertus du fage. Celui-ci dont la main raffermit nos remparts, C'est Vauban, c'est l'ami des vertus & des Arts. Malheureux à la Cour, invincible à la Guerre, Luxembourg de fon nom remplit toute la Ter

re.

Regardez dans Denain l'audacieux Villars
Difputant le tonnerre à l'Aigle des Céfars,
Arbitre de la paix que la victoire améne,
Digne appui de fon Roi, digne rival d'Eugene.
Quel eft ce jeune Prince (a) en qui la Majesté
Sur fon visage aimable éclate fans fierté ?
D'un œil indifférent il regarde le Trône.
Ciel! quelle nuit foudaine à mes yeux l'envi-
ronne?

La mort autour de lui vole fans s'arrêter;
Il tombe au pied du Trône étant prêt d'y mon-

ter.

O mon fils! des François vous voyez le plus juste,

Les Cieux le formeront de votre fang augufte. Grand Dieu, ne faites-vous que montrer aux humains

(4) Mr. le Duc de Bourgogne.

Cette fleur paffagere, ouvrage de vos mains?
Hélas! que n'eut point fait cette ame vertueuse,
La France fous fon Régne eut été trop heureuse.
Il eut entretenu l'abondance & la paix,
Mon fils, il eut compté fes jours par fes bien-
faits;

Il eut aimé fon Peuple. O jours remplis d'allar⚫ mes!

combien les François vont répandre de larmes Quand fous la même Tombe ils verront réunis Et l'époux & la femme & la mere & le fils. Un foible rejetton fort entre les ruines De cet arbre fécond coupé dans ses racines. Les enfans de Louis defcendus au tombeau Ont laiffé dans la France un Monarque au berceau. (a)

Henriade.

Si Mr. de Voltaire eût fait son Poëme de l'Henriade quelques années plus tard, il eût fans doute fait dire aux François par Saint Louis de fécher leurs larmes, puifque le Prince dont il parle revit glorieufement dans la facrée perfonne de notre augufte Monarque qui a hérité des vertus de fon illuftre pere, & fur-tout de fon amour pour fon Peuple.

(a) Louis XV,

Portrait de Catherine de Médicis femme d'Henri II. Roi de France, & mere des Rois François II. Charles IX. &Henri III.

Dans l'ombre du fecret depuis peu Médicis
A la fourbe, au parjure avoit formé son fils (a) ›
Façonnoit aux forfaits le cœur jeune & facile
De ce malheureux Prince à fes leçons docile...
Son époux expirant dans la fleur de ses jours,
A fon ambition laiffoit un libre cours.

Chacun de ses enfans nourri fous fa tutelle,
Devint fon ennemi dès qu'il régna fans elle.
Ses mains autour du Trône avec confufion
Semoient la jaloufie & la divifion.

Oppofant fans relâche avec trop de prudence
Les Guifes aux Condés, & la France à la Fran-

ce.

Toujours prête à s'unir avec fes ennemis,
Et changeant d'intérêt de rivaux & d'amis.
Efclave des plaifirs, mais moins qu'ambitieuse,
Infidele à fa Secte & superstitieuse,
Poffédant en un mot, pour n'en pas dire plus,
Les deffauts de son sexe & peu de ses vertus.

Henriade.

(a) Charles IX.

Portrait du Duc de Guife fous le Régne d'Henri III.

On vit paroître Guife, & le Peuple inconftant Tourna d'abord les yeux vers cet astre éclatant. Sa valeur, fes exploits, la gloire de fon pere, Sa grace, fa beauté, cet heureux don de plaire, Qui mieux que la vertu fait régner fur les

cœurs,

Attiroient tous les voeux par leurs charmes vain

queurs.

Nul ne fut mieux que lui le grand art de féduire, Nul fur fes paffions n'eut jamais plus d'empire Et ne fut mieux cacher fous des dehors trom

peurs

Des plus vaftes deffeins les fombres profondeurs.

Impérieux & doux, cruel & populaire,
Des Peuples en public il plaignoit la misere,
Déteftoit des impôts le fardeau rigoureux;
Le Peuple alloit le voir & revenoit heureux.
Souvent il prévenoit la timide indigence,
Ses bienfaits dans Paris annonçoient fa préfen

ce.

Il favoit captiver les Grands qu'il haïffoit, Terrible & fans retour alors qu'il offensoit; Téméraire en fes vœux, fouple en les artifices

Brillant par fes vertus & même par fes vices. Connoiffant les périls & ne redoutant rien, Heureux Guerrier, grand Prince & mauvais

Citoyen.

Henriade.

Portrait de l'envie & de divers
autres vices.

Le Poëte fait la peinture de l'envie & des différens vices. C'eft dans l'endroit de l'Henriade où Saint Louis transporte Henri IV. aux Champs Élifées & aux autres demeures des Enfers imaginées par les Poëtes.

Là gît la fombre envie à l'œil timide & louche, Verfant fur des lauriers les poifons de fa bou

che;

Le jour bleffe fes yeux dans l'ombre étincellans, Triste amante des morts, elle hait les vivans; Elle apperçoit Henri, fe détourne, foupire; Auprès d'elle eft l'orgueil qui fe plait & s'ad

mire,

La foibleffe au teint pâle, aux regards abbatus,
Tiran qui céde au crime & détruit les vertus.
L'ambition fanglante, inquiéte, égarée,
De Trônes, de Tombeaux, d'Esclaves entou
rée.

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