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Dérobant à leurs yeux la trifte vérité ; Prêtant à leurs fureurs des couleurs favorables, Et prodigue fur-tout du fang des miférables.... Par là je me rendis terrible à mon rival, Je ceignis la Tiare & marchai son égal. Toutefois, je l'avoue, en ce comble de gloire Du Dieu que j'ai quitté l'importune mémoire Jette encore en mon ame un refte de terreur, Et c'est ce qui redouble & nourrit ma fureur. Athalie, Ras.

Portrait de Rhadamifte par lui-même. (a)

Et que fai-je, Hiéron? furieux, incertain, Criminel fans penchant, vertueux fans deffein, Jouet infortuné de ma douleur extrême,

Dans l'état où je fuis, me connois-je moi-mê♣ me?

Mon cœur de foins divers fans ceffe combattu,
Ennemi du forfait fans aimer la vertu.
D'un amour malheureux déplorable victime,
S'abandonne aux remords fans renoncer au cri

me.

Je céde au repentir, mais fans en profiter,

(a) Dans un tranfport de jaloufie il avoit poignardé fa femme Zénobie, & l'avoit jettée dans un Fleuve; mais elle fut fauvée & fa bleffure ne fut pas mortelle; il la retrouva enfuite. On verra leur reconnoiffance à la fuite de ce Recueil,

Et je ne me connois que pour me détefter.
Dans ce cruel féjour fai-je ce qui m'entraîne?
Si c'est le désespoir, ou l'amour, ou la haine.
J'ai perdu Zénobie; après ce coup affreux
Peux-tu me demander encor ce que je veux.
Défefpéré, profcrit, abhorrant la lumiere,
Je voudrois me venger de la nature entiere,-
Je ne fai quel poison se répand dans mon cœur,”
Mais jufqu'à mes remords tout y devient fureur..
Crébil. Trag. de Rhadam. & Zinob.

Attila Roi des Huns fait ainfi l'éloge de Mérouée, un des premiers Rois de la Monarchie Françoife. Le grand Corneille le fait parler en ces termes :

C'eft le plus grand des Rois, non qu'encor la victoire

Ait porté Mérouée à ce comble de gloire ;
Mais fi de nos Devins l'Oracle n'eft point faux,
Sa grandeur doit atteindre aux dégrés les plus

hauts,

Et de fes fucceffeurs l'Empire inébranlable Sera de fiécle en fiècle entin fi redoutable Qu'un jour toute la Terre en recevra des loix, Ou tremblera du moins au nom de leurs Fran

gis.

Attila,

Octar Capitaine des Gardes d'Attila parle également de Mérouée, mais plus en détail. C'est le vrai Portrait d'un grand Prince.

Je l'ai vu dans la paix, je l'ai vû dans la guerre?
Porter par-tout un front de Maître de la Terre.
J'ai vu plus d'une fois de fieres Nations
Défarmer fon courroux par leurs foumiffions.-
J'ai vu tous les plaifirs de fon ame héroïque
N'avoir rien que d'augufte & que de magnifiques,
Et fes illuftres foins ouvrir à ses sujets
L'école de la guerre au milieu de la paix.
Par ces délaffemens fa noble inquiétude
De fes juftes deffeins faifoit l'heureux prélude,
Et fi j'ofe le dire, il doit nous être doux
Que ce Héros les tourne ailleurs que contre

nous.

Je l'ai vû tout couvert de poudre & de fumée Donner le grand exemple à toute fon Armée, Semer par fes périls l'effroi de toutes parts, Bouleverfer les murs d'un feul de fes regards, Et fur l'orgueil brifé des plus fuperbes têtes, De fa courfe rapide entaffer les conquêtes. Attila de Corn.

Il y a une fi grande conformité entre ce Portrait & celui que les Hiftoriens &

les Poëtes ont fait en tant d'endroits de Louis XIV. qu'on peut conjecturer que c'eft indirectement fon propre Portrait que le Poëte a voulu tracer : c'est un tour plus délicat & plus noble qui fait un plus bel effet qu'un éloge direct & perfonnel.

Voici comment s'exprime Mr. de Voltaire dans fon Henriade au fujet de l'Angleterre, & du caractere de cette Na

tion.

En voyant l'Angleterre en fecret il (a) admire Le changement heureux de ce puiffant Empire, Où l'éternel abus de tant de fages Loix

Fit long-tems le malheur & du Peuple & des Rois.

Sur ce fanglant théâtre où cent Héros périrent, Sur ce Trône gliffant d'où cent Rois defcendi

rent,

Une femme à fes pieds enchaînant les deftins,
De l'éclat de fon Régne étonnoit les Humains,
C'étoit Elizabeth, elle dont la prudence
De l'Europe à fon choix fit pencher la balance,
Et fit aimer fon joug à l'Anglois indompté,

(a) Henri IV dans un voyage que le Poëte feint que ce Prince fit en Angleterre, n'étant alors que Roi de Navarre.

Qui ne peut ni fervir ni vivre en liberté.
Ses Peuples fous fon Régne ont oublié leurs

pertes,

De leurs troupeaux féconds leurs plaines font

couvertes,

Les guérêts de leurs bleds, les Mers de leurs Vaiffeaux ;

Ils font craints fur la Terre, Ils font Rois fur les Eaux.

Leur Flotte impérieuse afferviffant Neptune, Des bouts de l'Univers appelle la fortune. Londres jadis barbare, est le centre des Arts, Le magafin du monde & le Temple de Mars. Volt. Henriade.

Le morceau fuivant eft un tableau en racourci des Rois de France les plus célébres; il renferme pareillement celui des Miniftres & des Capitaines les plus renommés. Le Poëte feint qu'Henri IV. qui n'étoit pas encore reconnu Roi par toute la Nation, alla dans les Champs Élifées, & qu'accompagné de Saint Louis; il y apprit de lui tout ce qui étoit arrivé de plus recommandable dans la Monarchie, & en même tems ce qui y arriveroit un jour. Cette fiction eft très-ingénieufe & donne lieu au Poëte de parcou

P

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