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Graces au Ciel, mes mains ne font point cri

minelles ;

Plut aux Dieux que mon cœur fut innocent comme elles!

...Jufte Ciel qu'ai-je fait aujourd'hui ? Mon époux va paroître & fon fils avec lui, Il fe tairoit en vain : Je fai mes perfidies, Enone, & ne fuis point de ces femmes hardies Qui goûtant dans le crime une tranquille paix, Ont fçu le faire un front qui ne rougit jamais. Je connois mes fureurs, je les rappelle toutes. Il me femble déja que ces murs, que ces voû

tes

Vont prendre la parole & prêts à m'accufer, Attendent mon époux pour le défabuser.

Mourons. De tant d'horreurs qu'un trépas me délivre,

Eft-ce un malheur fi grand que de ceffer de vivre?

La mort aux malheureux ne cause point d'effroi,

Je ne crains que le nom que je laiffe après moi

Et ailleurs elle dit:

Mon époux eft vivant & moi je brûle encore; Rour qui? Quel eft le cœur où prétendent mes

vœux ?

Chaque mot fur mon front fait dreffer mes che

veux.

Mes crimes déformais ont comblé la mesure,
Je respire à la fois l'inceste & l'imposture. (a)
Mes homicides mains promptes à me vanger,
Dans le fang innocent brûlent de fe plonger.
Miférable! & je vis & je foutiens la vûe
De ce facré Soleil dont je fuis defcendue.
J'ai pour ayeul le pere & le Maître des Dieux;
Le Ciel, tout l'Univers eft plein de mes ayeux.
Où me cacher: fuyons dans la nuit infernale;
Mais que dis-je ? mon pere y tient l'urne fatale.
Le fort, dit-on, l'a mife en fes feveres mains.
Minos juge aux Enfers tous les pâles humains,
Ah! combien frémira fon ombre épouvantée
Lorsqu'il verra fa fille à fes yeux présentée,
Contrainte d'avouer tant de forfaits divers,
Et des crimes peut-être inconnus aux Enfers.
Que diras-tu, mon pere, à ce spectacle horrible?
Je crois voir de ta main tomber l'urne terrible;
Je crois te voir chercher un fupplice nouveau
Toi-même de ton fang devenir le bourreau.
Pardonne. Un Dieu cruel a perdu ta famille,
Reconnois fa vengeance aux fureurs de ta fille.
Hélas! du crime affreux dont la honte me fuit
Jamais mon trifte cœur n'a recueilli le fruit....

(a) Elle avoit confenti qu'Enone accufât Hyppalite auprès de fon pere Théfée, d'avoir voulu attenter à fon honneur.

. Et comme fa Confidente vouloit la calmer fur fes remords par des confeils pernicieux & impies. Elle lui répond:

Je ne t'écoute plus. Va-t'en, monstre exécrable,

Va, laiffe moi le foin de mon fort déplorable.
Puiffe le jufte Ciel dignement te payer,
Et puiffe ton fupplice à jamais effrayer

Tous ceux qui comme toi par de lâches adref-
Les

Des Princes malheureux nourriffent les foiblef

Les,

Les pouffent au penchant où leur cœur eft en

clin,

Et leur ofent du crime applanir le chemin.
Déteftables flatteurs ! préfent le plus funefte
Que puiffe faire aux Rois la colere Célefte.

Phédre de Rac.

C'est à l'occafion de cette Tragédie, dont on vient de rapporter quelques morceaux, que Boileau s'exprime ainfi dans fon Épître à l'Auteur de cette Piéce admirable contre laquelle de fots critiques & de bas envieux s'éleverent dans les commencemens qu'elle parut.

Que peut contre tes Vers une ignorance vai

ne?

Le Parnaffe François ennobli par ta veine,
Contre tous ces complots faura te maintenir,
Et foulever pour toi l'équitable avenir;
Et qui voyant un jour la douleur vertueuse,
De Phédre malgré foi, perfide, incestueuse,
D'un fi noble travail juftement étonné
Ne bénira d'abord le fiécle fortuné,

Qui rendu plus fameux par tes illuftres veilles, Vit naître fous ta main ces pompeufes merveil les.

Defcriptions.

Idoménée Roi de Créte fait le récit d'une effroyable tempête dont il fut battu, & qui lui donna lieu de faire le vœu téméraire dont il eut tant de fujet de fe repentir.

Après dix ans d'absence empreffé de revoir Cet appui (a) de mon Trône & mon unique efpoir.

'A regagner la Créte auffi-tôt je m'apprête Ignorant le péril qui menaçoit ma tête. . . . Mais le Ciel ne m'offrit ces objets raviffans

(a) Son fils Idamante.

Que pour rendre toujours mes défirs plus pref

fans.

Une effroyable nuit fur les eaux répandue
Déroba tout à coup mon Royaume à ma vûe,
La mort feule y parut... Le vaste sein des Mers
Nous entr'ouvrit cent fois la route des Enfers.
Par des vents oppofés les vagues ramaffées,
De l'abîme profond jusques au Ciel pouffées,
Dans les airs embrafés agitoient mes Vaiffeaux
Auffi prêts d'y périr qu'à fondre fous les eaux.
D'un déluge de feux l'Onde comme allumée
Sembloit rouler fur nous une Mer enflammée,
Et Neptune en courroux à tant de malheureux
N'offroit pour tout falut que des rochers affreux.
Que te dirai-je enfin... Dans ce péril extrême
Je tremblai, Sophronime, & tremblai pour moi-
même.

Pour appaifer les Dieux je priai. Je promis... Non, je ne promis rien, Dieux cruels! j'en frémis....

Neptune, l'inftrument d'une indigne foibleffe,
S'empara de mon cœur & dicta la promeffe;
S'il n'en eut infpiré le barbare deffein,
Non, je n'aurois jamais promis du sang humain,
Sauve des malheureux fi voifins du naufrage,
Dieu puiffant, m'écriai-je, & rends nous au ri-
vage;

Le premier des fujets rencontré par fon Roi,`

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