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Sur tout ce Peuple altier qui voit fur tant de

mers,

Son commerce & fa gloire embraffer l'Univers, Mais qui jaloux en vain des grandeurs de la France,

Croit porter dans fes mers la foudre & la balance:

Tous marchent contre nous, la valeur les con

duit,

La haine les anime & l'efpoir les féduit. . . . L'Efcaut, les Ennemis, les remparts de la VilleTout présente la mort & Louis eft tranquille. Le fignal eft donné par cent bouches d'airain, D'un pas rapide & ferme & d'un front inhumain,

S'avance vers nos rangs la profonde Colonne Que la terreur dévance & la flamme environ

ne;

Tel qu'un nuage épais qui fur l'aile des vents Porte l'éclair, la foudre & la mort dans fesflancs.

Les voilà ces rivaux du grand nom de mon Maître,

Plus farouches que nous & moins vaillans peutêtre ;

Fiers de tant de lauriers, mais foumis autrefois; Bourbons, voici le tems de venger les Valois. La mort de tous côtés, la mort.infatiable:

Frappe à coups redoublés une foule innombra

ble.

Chefs, Officiers, Soldats l'un fur l'autre en taffés,

Sous le plomb expirant,par les coups renversés, Pouffent les derniers cris en demandant ven

geance.

....

Ils tombent ces Héros, ils tombent ces ven

geurs,

Ils meurent, & nos jours font cependant tran quilles.

La molle volupté, le luxe de nos Villes

Filent ces jours féreins, ces jours que nous de

vons

Au fang de ces Guerriers, au péril des Bourbons.

Couvrons du moins de fleurs ces tombes glo

rieuses,

Arrachons à l'oubli ces ombres vertueuses. Vous qui lanciez la foudre & qu'ont frappé es

coups,

Revivez dans nos chants quand vous mourez pour nous.

Mais quel brillant Héros au milieu du carnage, Renverfé, relevé s'eft ouvert un passage ? Biron, tels on voyoit dans les plaines d'Ivri Tes immortels ayeux fuivre le grand Henri; Tel étoit ce Crillon chargé d'honneurs fuprêmes

Nommé brave autrefois par les braves eux-mê

mes.

Tels étoient ces Daumonts, ces grands Montmorencis,

Ces Créquis fi vantés, renaiffans dans leurs fils. Tel fe forma Turenne au grand Art de la Guer¬

re,

Près d'un autre Saxon la terreur de la Terre, Quand la Juftice & Mars fous un autre Louis Frappoient l'Aigle d'Autriche & relevoient les Lys.....

Tout tombe devant nous, tout fuit fous notre

effort,

Et l'Anglois à la fin craint Louis & la mort. . . Déja Tournai se rend, déja Gand s'épouvante, Charles Quint s'en émeut, fon ombre gémif fante

Pouffe un cri dans les airs & fuit de ce féjour Où pour vaincre autrefois le Ciel le mit au jour. Il fuit; mais quel objet pour cette ombre allarmée ?

Il voit ces vaftes champs couverts de notre Armée.

L'Anglois deux fois vaincu, fuyant de toutes

parts,

Dans les mains de Louis laiffant fes étendarts. Le Belge en vain caché dans fes Villes trem blantes 2

Les murs de Gand tombés fous fes mains fou

droyantes,

Et fon char de victoire en ses vastes remparts Ecrafant le berceau du plus grand des Céfars.

Les portraits qu'on vient de voir dans le premier morceau font de main de Maître. La vérité a conduit le pinceau, les traits font hardis, les couleurs frappantes. L'Image que le Poëte a tracée du Combat, produit une efpéce de faififfement mêlé d'admiration, tant elle est vive & fanglante, tant elle eft décrite avec feu. Les éloges des Héros François font d'une grande élévation, la pompe, l'harmonie & l'énergie des expreffions, jettent un grand éclat fur tout cet endroit. Enfin les avantages que produifit la victoire de Fontenoi, font décrits avec une nobleffe qui fait connoître le rare génie de Mr. de Voltaire, quand animé par la grandeur d'un fujet, il fe livre à fon enthousiasme.

Peinture d'un Coeur déchiré par remords.

les

C'est Phédre qui parle à fa Confilemte, c'eft-à-dire, une Reine atteinte d'u

ne fatale paffion, qui s'exprime ainfi au milieu des agitations que lui caufe la honte d'un penchant criminel.

J'ai conçu pour mon crime une juste terreur, J'ai pris la vie en hainę & ma flamme en hor

reur.

Je voulois en mourant prendre foin de ma gloi

re,

Et dérober au jour une flamme fi noire. ... J'ai déclaré ma honte aux yeux de mon vain

queur,

Et l'efpoir malgré moi s'eft gliffé dans mon

cœur.....

Il n'eft plus tems. Il fait mes ardeurs infenfées, De l'auftére pudeur les bornes font paffées... Moi régner? Moi ranger un Etat sous ma loi? Quand ma foible raison ne régne plus fur moi, Lorfque j'ai de mes fens abandonné l'empire, Quand fous un joug honteux à peine je refpi re!....

Insensée, où suis-je ? & qu'ai-je dit ? Où laiffai-je égarer mes vœux & mon esprit? Je l'ai perdu, les Dieux m'en ont ravi l'ufage: none, la rougeur me couvre le visage, Je te laiffe trop voir mes honteufes douleurs, Et mes yeux malgré moi fe. rempliffent de pleurs.......

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