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Ils s'arrêtent. J'y cours, & me tendant la main, Il ouvre un œil mourant qu'il referme foudain, Le Ciel, dit-il, m'arrache une innocente vie. Prends foin après ma mort de la trifte Aricie. (a) Cher ami, fi mon pere un jour désabusé Plaint le malheur d'un fils fauffement accufé, Pour appaiser mon fang & mon ombre plaintive,

Dis lui qu'avec douceur il traite fa captive, Qu'il lui rende.... A ce mot ce Héros expiré N'a laiffé dans mes bras qu'un corps défiguré. Trifte objet où des Dieux triomphe la colere, Et que méconnoîtroit l'œil même de fon pere.

Rac. Phédre.

Narration célébre de la mort de Pompée.

C'eft un Officier de Cléopatre four de Ptolomée Roi d'Égypte, qui fait ce récit à cette Princeffe.

Madame, j'ai couru par votre ordre au rivage; J'ai vû la trahison, j'ai vû toute fa rage. Du plus grand des Mortels j'ai vû trancher le fort, J'ai vû dans son malheur la gloire de sa morr.

(a) Aricie étoit une Princeffe du Sang Royal d'Athénes. Elle étoit aimée d'Hippolyte qui se propofoit de l'époufer.

Monté fur fes Vaiffeaux & voyant nos Galeres Il croyoit que le Roi touché de ses miseres, Par un beau fentiment d'honneur & de devoir, Avec toute la Cour le venoit recevoir.

Mais voyant que ce Prince ingrat à fes mérites N'envoyoit qu'un Efquif rempli de Satellites... Il réduit tous ces foins dans ce preffant ennui A ne hasarder pas Cornelie avec lui.

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N'expofons, lui dit-il, que cette feule tête A la réception que l'Egypte m'apprête,

Et tandis que moi feul j'en courrai le danger,

Songe à prendre la fuite afin de me vanger. Pendant que leur amour en cet adieu conteste, Achillas à fon Bord joint fon Efquif funefte. Septime se présente & lui tendant la main, Le falue Empereur en langage Romain; Et comme Député de ce jeune Monarque: » Paffez, Seigneur, dit-il, paffez dans cette Barque,

Les fables & les bancs cachés deffous les eaux Rendent l'accès mal für à de plus grands Vaif

feaux.

Ce Héros voit la fourbe & la brave en fon ame,
Il reçoit les adieux des fiens & de sa femme,
Leur deffend de le fuivre, & s'avance au trépas
Avec le même front qu'il donnoit les Etats.
La même majefté fur fon vifage empreinte,
Entre ces affaffins montre un efprit fans crainte..

On

On l'amene, & du port nous le voyons venir, Sans que pas un d'entr'eux daigne l'entretenir. Ce mépris lui fait voir ce qu'il en doit attendre. Si-tôt qu'on a pris terre on l'invite à defcendre. H fe léve, & foudain pour fignal Achillas Derriere ce Héros tirant fon coutelas,

Septime & trois des fiens, lâches enfans de Ro

me,

Percent à coups preffés les flancs de ce grand homme.

Tandis qu'Achillas même épouvanté d'horreur,
De ces quatre affaffins admire la fureur. . . . .
Mais voyez ce que fait ce généreux courage,
D'un des pans de fa robe il couvre son visage..
Aucun gémiffement à fon cœur échapé
Ne le montre en mourant digne d'être frappé...
Sa vertu dans leur crime augmente ainfi for
luftre,

Et fon dernier foupir eft un foupir illuftre,
Qui de cette grande ame achevant les destins,
Etale tout Pompée aux yeux des affaffins.

Sur les bords de l'Efquif fa tête enfin panchée
Par le traître Septime indignement tranchée,
Paffe au bout d'une lance en la main d'Achillas,
Ainfi qu'un grand trophée après de grands com--
bats.....

La trifte Cornelie à cet affreux fpectacle

Parde longs cris aigus tâche d'y mettre,obftacle,

M.

Deffend ce cher époux de la voix & des yeux
Puis n'efpérant plus rien, léve les mains aux
Cieux,

Et cédant tout à coup à la douleur plus forte,
Tombe dans fa Galere évanouie ou morte..
Mais la mort de Pompée a produit un effet
Dont notre Roi ne peut être fort fatisfait.
Ses Vaiffeaux en bon ordre ont éloigné la Ville
Et pour joindre Céfar n'ont avancé qu'un mille.
Il venoit à plein voile, & fi dans les hafards
Il éprouva toujours pleine faveur de Mars.
Sa Flotte qu'à l'envi favorifoit Neptune
Avoit le vent en poupe ainfi que fa fortune.
Dès le premier abord notre Prince étonné,
Ne s'eft plus fouvenu de fon front couronné ;
Sa frayeur a paru fous fa fauffe allégreffe,
Toutes les actions ont fenti la baffeffe.
J'en ai rougi moi-même & me fuis plaint à moi
De voir là Prolomée & n'y voir point de Roi.
Et Céfar qui lifoit fa peur fur fon visage,
Le flattoit par pitié pour lui donner courage.
Lui d'une voix tombante offrant ce don fatal:
Seigneur, vous n'avez plus, lui dit-il, de rival;
» Ce que n'ont pû les Dieux dans votre Thef

falie,

Je vais mettre en vos mains Pompée & Corne

lie,

En voici déja l'un & pour l'autre elle fuit,

Mais avec fix Vaiffeaux un des miens la pourfuit.

A ces mots Achillas découvre cette tête,
Il femble qu'à parler encore elle. s'apprête,
Qu'à ce nouvel affront un refte de chaleur
En fanglots mal formés exhale fa douleur..
Céfar à cet afpe&t comme frappé de foudre,
Et comme ne fachant que croire ou que réfou-

dre,

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Immobile & les yeux fur l'objet attachés, Nous tient affez long-tems fes fentimens ca chés....

S'il aime fa grandeur, il hait la perfidie,
Il fe juge en autrui, fe tâte, s'étudie,
Examine en fecret fa joye & fes douleurs,
Les balance, choifit, laiffe couler des pleurs
Lâche deux ou trois mots contre cette infolen-

ce,

Puis tout trifte & penfif il s'obstine au filence,
Enfuite il fait ôter ce préfent de les yeux,
Léve les mains enfemble & les regards aux
Cieux.

Enfin ayant pris terre avec trente Cohortes,
Il fe faifit du Port, il fe faifit des Portes,
Met des Gardes par-tout & des Ordres fecretsý
Fait voir fa défiance ainfi que fes regrets,
Parle d'Egypte en Maître, & de fon Adver

faire,

Ma

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