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N'eft point pour l'homme un langage
Obfcur & mystérieux.

Son admirable structure

Eft la voix de la nature

Qui fe fait entendre aux yeux,

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REMARQUES.

On reconnoît ici la main de l'illuftre Rouffeau. Ce qui domine le plus dans ce ce Poëte Lyrique, c'eft le ton fublime qu'il fait donner aux fujets qui demandent une grande élévation. C'eft auffi là qu'il triomphe. Quelle grandeur dans les idées? Quelle richeffe, & quelle magnificence dans les expreffions? On peut dire en un fens de fes Odes,ce qu'il dit lui-même du Soleil & des Aftres: Quelle divine har

monie réfulte de leurs accords? Faites attention à la pompe de cet image: Dans une éclatante voûte il a placé de fes mains, &c. Peut-on rendre avec plus d'énergie & de beauté le verfet de ce Pfeaume, Et ipfe tanquam fponfus procedens de thalamo fuo. Comme un époux glorieux, &c.

Sur la création de l'homme.

Defcription de la création de l'homme, de l'état d'innocence de nos premiers parens, & des fuites funeftes de leur défobéiffance.

Le Soleil commençoit fes routes ordonnées: Les ondes dans leur lit étoient emprisonnées. Déjà le tendre oiseau s'élevant dans les airs, Béniffoit fon Auteur par fes nouveaux concerts, Mais il manquoit encore un Maître à tout l'ouvrage :

Faifons l'homme,dit Dieu,faifons-le à notre image. Soudain pétri de bouë, & d'un fouffle animé, Ce chef-d'œuvre connut qu'un Dieu l'avoit formé.

La nature attentive aux befoins de fon maître, Lui préfenta les fruits que fon sein faifoit naître; Et l'Univers foumis à cette aimable loi, Confpira tout entier au bonheur de fon Roi,

La fatigue, la faim, la foif, la maladie,
Ne pouvoient altérer le repos de sa vie ;
La mort même n'ofoit déranger ces refforts
Que le fouffle divin anima dans fon corps.
Il n'eut point à fortir d'une enfance ignorante,
Il n'eut point à dompter une chair infolente.
L'ordre regnoit alors, tout étoit dans fon lieu,
L'animal craignoit l'homme, & l'homme crai-
gnoit Dieu.....

Tel fut l'homme innocent, fa race fortunée
Des mêmes droits que lui devoir fe voir ornée;
Et conçu chaftement, enfanté fans douleurs,
L'enfant ne fe fût point annoncé par fes pleurs.
Vous n'euffiez vû jamais une mere tremblante
Soutenir de fon fils la marche chancellante,
Réchauffer fon corps froid dans la dure saison,
Ni par les châtimens appeller fa raison.
Le démon contre nous eût eu de foibles armes,
Hélas! ce fouvenir produit de vaines larmes.
Que fert de regretter un état qui n'eft plus,
Et de peindre un féjour dont nous fumes ex-
clus ?

Pleurons notre disgrace,& parlons des mise

res

Que fur nous attira la chute de nos peres: Condamnés à la mort, destinés aux travaux, Les travaux & la mort furent nos moindres

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Aa corps, tiran cruel, notre ame affujettie,
Vers les terreftres biens languit appefantie.
De menfonge & d'erreur un voile ténébreux
Nous dérobe le jour qui doit nous rendre heu-

reux.

La nature autrefois attentive à nous plaire,
Contre nous irritée, en tout nous eft contraire.
La Terre dans son sein refferre ses trésors;
Il faut les arracher; il faut par nos efforts
Lui ravir de fes biens la pénible récolte.
Contre fon fouverain l'animal fe révolte;
Le maître de la Terre appréhende les vers;
L'infecte fe fait craindre au Roi de l'Univers.
L'homme à la femme uni, met au jour des
coupables

D'un pere malheureux héritiers déplorables.
Aux folides avis l'enfant toujours rétif
Par la feule menace y devient attentif ;
De l'âge & des leçons fa raison fecondée,
A peine du vrai Dieu lui retrace l'idée.
Hélas! à ces malheurs par fa femme féduit,
Adam, le foible Adam, avec nous s'est réduit,
Son crime fut le nôtre, & ce pere infidele
Rendit toute fa race à jamais criminelle.
Ainfi le tronc qui meurt voit mourir les ra-

meaux,

Et la fource infectée infecte fes ruiffeaux.
Mais malgré cette nuit fur l'homme répandue

On découvre un rayon de fa gloire perdue.
C'est du haut de fon trône un Roi précipité,
Qui garde fur fon front un trait de Majesté :
Une fecrette voix à toute heure lui crie
Que la Terre n'eft point fon heureuse patrie,
Qu'au Ciel il doit attendre un état plus parfait,
Et lui-même ici bas, quand eft-il fatisfait?
Digne de pofféder un bonheur plus folide,
Plein de biens & d'honneurs, il reste toujours
vuide;

Il forme encor des vœux dans le fein du plaisir,
Il n'eft jamais enfin qu'un éternel defir.

D'où lui vient fa grandeur? D'où lui vient fa baffeffe?

Et pourquoi tant de force avec tant de foibleffe? Réveillez-vous mortels, dans la nuit absorbés, Et connoiffez du moins d'où vous êtes tombés.

Racing le fils.

REMARQUES.

On doit convenir que toute cette matiere eft traitée avec la dignité qu'elle demandoit. Les réflexions dont elle eft variée font également ingénieufes & folides. Le portrait des maux qui furent les fuites de la défobéiffance de notre premier pere, eft d'un détail que le Poëte a fu rendre

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