LE CHAPITRE IV. Tableaux divers de Poëfie NARRATION S. ES peintures vives font ordinaire ment étalées dans les Narrations & les defcriptions; elles font employées tantôt pour orner le récit de quelque fait important, par exemple, le récit ou la rela tion d'une bataille, d'une tempête, de la mort d'un Héros ou de quelqu'autre tragique accident; tantôt pour donner l'i-mage des différentes paffions, comme de la colere, de la vangeance, de la trahison, &c. tantôt enfin pour embellir les grands fujets & tout ce qui doit frapper l'imagination. Elles doivent préfenter des tableaux fi frappans, & dont les couleurs foient fi vives & fi naturelles, qu'on ne croye plus entendre le Poëte, mais que par une agréable illufion on fe voye tranfporté dans le lieu où la chofe dont on parle s'eft paffée, ou que l'on s'imagine voir les les perfonnes ou les chofes dont il eft queftion dans le fujet. Les objets les plus pitoyables, même les plus affreux ont de quoi plaire s'ils font bien exprimés; le plaifir qu'on a de voir une belle imitation ne vient pas précisément de l'objet, mais de la réflexion que fait l'efprit, qu'il n'y a rien en effet de plus reffemblant. Les exemples fuivans feront fentir l'effet doivent produire les peintures vives. que Cinna raconte à Émilie les progrès de la confpiration qu'il avoit formée contre Augufte. Jamais contre un tiran entreprife conçue Ceste troupe entreprend une action fi belle!.. reur, L Vous euffiez vû leurs yeux s'enflammer de fu→ reur.... Là par un long récit de toutes les miferes J'ajoûte à ce tableau la peinture effroyable De leur concorde impie, affreuse, inexorable; Funefte aux gens de bien, aux riches, au Sé nat, Et pour tout dire enfin de leur Triumvirat ; Mais je ne trouve point de couleurs affez noi res Pour en représenter les tragiques histoires. Je les peins dans le meurtre à l'envi triom phans, Rome entiere noyée au fang de ses enfans. Le méchant par le prix au crime encouragé, traits Qu'un crayon imparfait de leur fanglante paix, Vous dirai-je les noms de ces grands perfon nages Dont j'ai dépeint les morts pour aigrir leurs courages?... J'ajoûte en peu de mots : toutes ces cruautés, Le ravage des Champs, le pillage des Villes, Pour monter fur le Trône & nous donner des loix. Mais nous pouvons changer un deftin si funeste Puifque de trois tirans c'est le seul qui nous refte, Et que juste une fois, il s'est privé d'appui, Perdant pour régner feul deux méchans après lui..... A peine ai-je achevé que chacun renouvelle Par un noble ferment le vœu d'être fidele, L'occafion leur plaît, mais chacun veut pour foi L'honneur du premier coup que j'ai choisi pour moi. Corn, Cinna. L'Oracle de Calchas avoit prononcé que les Grecs faifoient de vains efforts pour prendre la Ville de Troye, & qu'ils devoient facrifier Iphigénie fille d'Agamemnon Chef des Princes Troyens, pour obtenir des Dieux un vent favorable qui les conduifit à Troye. Dans le récit fuivant Ulyffe raconte à Clytemneftre mere d'Iphigénie, comment fa fille a échapé de & comment l'Oracle a eu néan- | moins fon accompliffement. la mort, Jamais jour n'a paru fi mortel à la Gréce. te: Vous Achille, a-t-il dit, & vous Grecs qu'on m'écoute. Le Dieu qui maintenant vous parle par ma voix M'explique fon Oracle & m'inftruit de fon choix. |