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Une vertu parfaite a befoin de prudence,
Et doit confidérer pour fon propre intérêt
Et les tems où l'on vit & les lieux où l'on eft.
La grandeur du courage en une ame Royale
N'eft fans cette vertu qu'une vertu brutale.

Nicomede de Corn.

Image de la noble fierté & de la grandeur d'ame que conferve un Souverain. même après avoir été vaincu par fes ennemis. C'eft Mithridate qui parle.

Je fuis vaincu: Pompée a faifi l'avantage
D'une nuit qui laiffoit peu de place au courage.
Mes Soldats prefque nuds, dans l'ombre inti-
midés;

Les

rangs

dés;

de toutes parts mal pris & mal gar

Le défordre par-tout redoublant les allarmes, Nous-mêmes contre nous tournant nos propres

armes,

Les cris que les rochers renvoyoient plus affreux,

Enfin toute l'horreur d'un combat ténébreux.
Que pouvoit la vertu dans ce trouble funefte?
Les uns font morts, la fuite a fauvé tout le refte,
Et je ne dois la vie à ce commun effroi
Qu'au bruit de mon trépas que je laiffe après

moi.....

Mais pour tenter encor de nouvelles conquêtes, Quand je ne verrois pas des routes toutes prê◄

tes,

Quand le fort ennemi m'auroit jetté plus bas Vaincu, perfécuté, fans fecours, fans Etats, Errant de Mers en Mers, & moins Roi que Pi

rate,

Confervant pour tous biens le nom de Mithri date.

Apprenez (a) que fuivi d'un nom fi glorieux,
Par tout de l'Univers j'attacherois les yeux;
Et qu'il n'eft point de Rois, s'ils font dignes de
l'être,

Qui fur le Trône affis n'enviaffent peut-être
Au-deffus de leur gloire un naufrage élevé,
Que Rome & quarante ans ont à peine achevé,
Mithridate de Rac.

(4) Il parle à Monime qu'il vouloit époufer..

AMOUR DE LA PATRIE.

Idée de la vertu Romaine.

Avant que le combat célébre des trois Horaces & des trois Curiaces fe donnât, un des Curiaces fe voyant obligé de fe battre contre un des Horaces qui étoit fon beau-frere, lui adreffe ces paroles.

Le trifte & fier honneur m'émeut fans m'ébran

ler,

J'aime ce qu'il me donne, & je plains ce qu'il m'ôte;

Et fi Rome demande une vertu plus haute,
Je rend graces aux Dieux de n'être pas Romain
Pour conferver encor quelque chose d'humain.

Mais Horace lui répond:

Si vous n'êtes Romain, foyez digne de l'être, Et fi vous m'égalez, faites le mieux paroître. La folide vertu dont je fais vanité

N'admet point de foibleffe avec fa fermeté.... Contre qui que ce foit que mon Pays m'employe,

J'accepte aveuglément cette gloire avec joye.
Celle de recevoir de tels commandemens
Doit étouffer en nous tous autres fentimens ;
Qui près de le fervir confidere autre chose,
A faire ce qu'il doit lâchement fe dispose:
Ce droit faint & facré rompt tout autre lien,
Rome a choifi mon bras, je n'examine rien.
Avec une allégreffe auffi pleine & fincere
Que j'époufai la fœur, je combattrai le frere :
Et pour trancher enfin ce difcours fuperflus,
Albe vous a nommé, je ne vous connois plus.
Horaces de Corn.

Camille niéce de l'Empereur Galba vouloit infpirer à ce Prince de nommer Othon pour fon fucceffeur & de le préfé→ rer à Pifon qu'elle n'aimoit point au lieu qu'elle aimoit Othon. Il eft bon de remarquer avec quelle dignité le grand Corneille fait parler cette Princeffe fur une pareille matiere, & quelle tournure adroi-* te il prête aux raifons qu'elle allégue pour venir à fon but.

Il eft d'autres Héros (a) dans un fi vafte Empire;
Il en eft qu'après vous on se plairoit d'élire,
Et qui fauroient mêler, fans vous faire rougir,
L'art de
gagner les cœurs au grand art de régir.
D'une vertu fauvage on craint un dur Empire,
Souvent on s'en dégoûte au moment qu'on l'ad-
mire;

Et puifque ce grand choix me doit faire un
Epoux,

Il feroit bon qu'il eut quelque chofe de doux
Qu'on vit en fa perfonne également paroître
Les graces
d'un amant & la fierté d'un Maître,
Et qu'il fut auffi propre à donner de l'amour
Qu'à faire ici fous lui trembler toute fa Cour...
Je ne veux point d'un Trône où je fois leur cap-

tive, (b)

(a) Que Pifon.

(b) Des Miniftres de la Cour.

Où leur pouvoir m'éleve, & quoiqu'il en ar

rive,

J'aime mieux un époux qui fache être Empe

reur,

Qu'un époux qui le foit & fouffre un Gouver

neur.

Qthon de Corn.

Vorceftre Ministre d'Édouard III. Roi d'Angleterre, avoit été mis en prifon par un effet de la jaloufie de fes ennemis. Sa fille parle ainfi en fa faveur à un de ceux qui ofoient le calomnier.

Arrêtez, à fes mœurs votre refpe&t eft dû;
La vertu dans les fers eft toujours la vertu.
Sa probité toujours éclaira fa puiffance.
Que pour des cœurs voués au crime, à la ven
geance,

Le premier rang ne foit que le droit détesté,
D'être injufte & cruel avec impunité:
Pour les cœurs généreux que l'honneur feul
inspire,

Ce rang n'eft que le droit d'illuftrer un Empire,
De donner à fon Roi des confeils vertueux,
Et le fuprême bien de faire des heureux.
Toi qui peu fait fans doute à ces nobles maxi

mes,

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