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cation, accompagnée d'une Juvénale, ou satire, intitulée: 1810 et 1830, ou la double ère des géants et des nains. Cette pièce de vers nous servira d'introduction; elle tend à confondre les mauvais Français, qui, par un fol orgueil, veulent flétrir et déshonorer notre plus brillante époque de gloire; pygmées, qui, après avoir qualifié les vainqueurs de Laufeld, d'Hastenbach, de Fontenoy et de l'Amérique, du sobriquet de voltigeurs de Louis XIV, osent, sans rougir, appeler vieillards de l'Empire ce qui reste encore des invincibles soldats et des hommes de génie qui, de concert avec Napoléon, ont élevé si haut la splendeur de la France. L'aigreur de l'attaque a seule occasionné l'énergie de la réponse.

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1810 ET 1830

OU

LA DOUBLE ÈRE

DES GÉANTS ET DES NAINS.

JUVENALE.

Myrmidons insolents, dont l'audace stupide En un marais infect change un fleuve limpide; Enfants qui, bégayant le langage des dieux, Recouvrez de brouillards un soleil radieux ; Quel démon vous poursuit ? quel aveugle délire Du génie indigné vous fait briser la lire? Osez-vous comparer votre âge abâtardi Aux miracles nombreux de ce règne hardi, Où, de Napoléon la main forte et savante Nous dotait d'une part de sa gloire vivante? Échauffés comme nous à ce soleil ardent, Avez-vous de vos noms rempli tout l'Occident? Pour insulter l'Empire où sont vos droits? quels titres D'une ère de géants vous ont faits les arbitres? Quels royaumes puissants avez-vous renversés ? Quels monts devant vos pas se sont-ils abaissés ? Où sont vos Saint-Bernard, vos Iéna, vos Arcole ? Montrez-nous de vos preux la généreuse école, Vos sublimes soldats, vos modestes héros, Vos titans déchaînés, même vos grands bourreaux. Quels drapeaux suspendus et quels arcs de victoire Attachent nos regards et parent votre histoire? A-t-on couvert vos fronts de ces nobles lauriers Qu'on décerne au génie, aux savants, aux guerriers? Une profonde nuit, couvrant votre existence, Dérobe à tout jamais votre frêle importance. Qu'êtes-vous tous? beaux fils, énervés, sans couleur ;

Point chêne vigoureux, mais faible et pâle fleur. Au tir sont vos combats, au théâtre vos brigues : Des courses au clocher, quelques plates intrigues, Votre barbe de bouc, vos meubles mélangés, Vos cent brimborions sur vos murs étagés ; Chez vous comme au dehors singeant le moyen âge, Et chacun se grimant en grave personnage, Fils de bons artisans, prétendez sur vos fronts Poser le cercle d'or des gothiques barons; D'où naît en votre esprit cette manie étrange? A l'avis du bon sens que tant d'orgueil se range! Et, surtout, de cette ére, objet de vos mépris, Jugez mieux la grandeur et voyez tout le prix. Alors, on échappait aux discordes civiles; D'horribles passions troublaient encor nos villes, Et dans chaque hameau, la haine et la fureur Éveillaient la vengeance au cri de la terreur. Dans ces temps désastreux et de sollicitudes, Aux leçons du malheur nous fîmes nos études. Enfants, il nous fallait, pour sauver nos parents, Nous vieillir de prudence auprès de leurs tyrans ; Dérober sous le rire, au fort de la tempête, L'action qui d'un père eût fait tomber la tête; Et tromper des brigands à nous perdre occupés. Au Styx de l'infortune ensemble tous trempés, Homme fait à huit ans, à douze ans jeune sage, Chacun d'un grand devoir faisait l'apprentissage; Graves dans le logis, en public gracieux, Trouvant dans le travail un trésor précieux; Soumis et faits pour vivre en un salon modeste, Nous savions écouter, c'est un art qui nous reste. Sans rien de cet orgueil qui tonne en vos décrets, A côté des vieillards, attentifs et discrets, Nous attendions du temps et de l'expérience Ce savoir qui toujours manque à l'adolescence. Enfin, je dois le dire, et cela sans rougir, Nous eussions tous sifflé votre façon d'agir. Polis, respectueux, notre galanterie Chez l'étranger jaloux honorait la patrie. La femme était pour nous une divinité, Et non, comme aujourd'hui, sale nécessité. A ce culte charmant sans relâche fidèle, Notre moindre, à vous tous cût servi de modèle ; Tant l'amour dans nos cœurs n'était pas ce désir Qu'on étouffe aujourd'hui dans les bras du plaisir.

C'était notre bonheur, une idole sacrée,
Dans son temple divin sans relâche adorée.
Nous aimions en secret, et la discrétion
Était le premier nœud de notre passion.
On trouvait rarement des flammes éphémères;
Pour la fidélité, j'en appelle à vos mères.
Chacun sut bien choisir l'objet charmant et doux
Dont il voulait, un jour, être l'heureux époux.
Des calculs d'aujourd'hui dédaignant la bassesse,
Nous faisions des vertus l'appoint de la richesse.
Quand l'un de nous était en quête d'un trésor,
Il cherchait une femme, et non un lingot d'or.

Ainsi nous conduisait une honorable règle.
Là, pas de loups-cerviers; là, quelquefois, un aigle!
Point de lâche intérêt, jamais aucun de nous
Devant le vil Mammon n'a ployé les genoux.
Nous étions rococo d'une force première;
C'était pays perdu que la Grande Chaumière.
Et s'il faut compléter un aveu franc et net,
Gens faits pour les salons, point pour l'estaminet,
Loin d'aller où des Crocs la horde s'ingénie,
Nous courions, chaque soir, en bonne compagnie.
C'est un pénible aveu, j'en conviens; et pourtant,
Prêts à recommencer, nous en ferions autant.
Qui songeait à fumer? Qui, dans les tabagies,
Organisait à froid d'immorales orgies?

Si, dans nos rangs, un fat vous avait devancés,
Dans ce sentier infect il était seul laissé.
Nous lui disions: adieu ! Pourtant, notre jeunesse,
De myrthes, quelquefois, couronna la sagesse ;
De solides travaux occupaient nos instants:
Ceux qui savent beaucoup ne sont pas importants.
Nous eussions sans pitié sifflé le sot imberbe
Qui se serait vanté d'être grand homme en herbe ;
Ce vieillard de quinze ans, dont le stupide orgueil
Veut la gloire ou la mort, le trône ou le cercueil !
Sot, qui, sachant à peine énoncer sa pensée,
Déjà rêve un laurier pour sa muse insensée;
Qui, de ses devanciers, méprisant les travaux,
Croit que l'orgueil suffit à vaincre des rivaux.
Avant d'avoir produit, aucun de nous, sans doute,
Ne se serait choqué d'être encor sur la route.
Et d'Escousse et Lebas, par vous tant célébrés,
Nous les eussions dits fous, et fous dix fois timbrés.
Quoi! n'est-ce pas pitié que l'enfant ridicule,

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