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son danger m'épouvante ; j'en fais part au général par un mot d'écrit, que Fabre de l'Aude va porter. Peu après un détachement de grenadiers paraît, qui entraîne Lucien. Lui, dès qu'il est libre, monte aussi à cheval, revêtu de son costume de président, et d'une voix forte parle aux bourgeois et à la troupe en ces termes :

« CITOYENS ET SOLDATS,

» Le président du Conseil des Cinq-Cents vous » déclare que l'immense majorité de ce Conseil » est en ce moment sous la terreur de quelques » représentants du peuple à stylets, qui, assiégeant la tribune, présentent la mort à leurs collègues et » enlèvent les délibérations les plus affreuses.

» Je vous déclare que ces brigands audacieux, » soldés, sans doute, par l'Angleterre, se sont » mis en rébellion contre le Conseil des Anciens » et ont osé parler de mettre hors la loi le géné»ral chargé de l'exécution de son décret, comme » si nous étions à ces temps affreux de leur règne, » où ces mots: hors la loi, suffisaient pour faire >> tomber les têtes les plus chères à la patrie.

» Je vous déclare que ce petit nombre de factieux se sont mis eux-mêmes hors la loi, par » leur attentat contre la liberté de ce Conseil. Let » nom du peuple français est le jouet de ces » misérables. Je confie aux guerriers le soin de » délivrer la majorité des représentants, afin que,

» délivrée des stylets par les baïonnettes, elle » puisse délibérer sur le sort de la République.

» Général, vous soldats et vous tous citoyens, vous ne reconnaîtrez pour législateurs de la » France que ceux qui vont se rendre autour de » moi; quant à ceux qui resteront dans l'oran»gerie, que la force les expulse; ces brigands ne » sont plus les représentants du peuple, mais les » représentants du poignard! Que ce titre leur reste, qu'il les suive partout, et que, lorsqu'ils ose>>ront se montrer au peuple, tous les doigts les » désignent sous ce nom mérité de représentants » du poignard! Vive la République!!! »

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» Les citoyens, la ligne, la garde du Conseil approuvent, applaudissent. Tous jurent obéissance au général, qui, voulant par un acte décisif profiter des événements, donne à Murat l'ordre impérieux de disperser un Conseil en délire.

» Murat et Leclerc partent ensemble, suivis de soldats; un roulement de tambours les annonce. Les Cinq-Cents, livrés à l'anarchie depuis que Lucien les a quittés, se taisent à ce son menaçant. Murat en profite et leur dit :

« Le général en chef ne pouvant plus répon» dre de la sûreté du Conseil, invite ses membres » à se retirer. »

» Étonnés d'une telle injonction, les députés se récrient, quelques uns vont parler et l'agitation renaître ; mais Leclerc, d'un ton plus élevé, ajoute :

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