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pleins pouvoirs, j'allai, de concert avec Clarke, à Campo-Formio, où fut conclue la paix. Ce qui se passa dans ce lieu demande un plus ample détail. Je borne ici le récit de mes quatre ou cinq campagnes en Italie, et en moins d'un an ; je crois, sans vanité, avoir fait ce que jusqu'à moi aucun capitaine n'a eu le bonheur de faire. ... . Quel sera le résultat de tout ceci? »

Napoléon se tut, et la soirée fut finie.

SOIRÉE XI.

Préambule historique. Soirée à Fontainebleau.

Douze amis: Napo

léon, Duroc, Bessières, Massena, Davoust, Lannes, Vaubois, Junot, Serrurier, Berthier, Augereau, Marmont. — 1er récit : L'enfant d'Avignon. 3. Noël le Brise-Coeur ou le brave et beau bâtard. - Salvy-san-Subra ou le petit Gascon.

2. L'enfant héros.

L'Autriche, maîtresse de la Haute Italie depuis que Suwarow l'avait reconquise pour elle, avait tenté de la défendre avec le concours de ses propres armes. Mélas, maître enfin de Gênes, que Massena venait de rendre après une défense qui tenait du miracle, s'était flatté de se maintenir à la tête de sa brillante armée. Napoléon était parti, et avec la rapidité de la foudre,

ayant fait franchir le Saint-Bernard aux régiments français, était tombé sur les ennemis, qui, à Marengo, se flattaient d'envelopper nos braves, à cette journée mémorable, dans laquelle le célèbre général Desaix rencontra la mort au moment où il décidait la victoire.

Ce succès, d'autres obtenus sur le Rhin, où commandait Moreau, avaient déterminé la paix générale conclue à Luneville avec l'empereur et les Puissances continentales, et à Amiens avec l'Angleterre. Tant de victoires avaient affermi le premier consul et protégé la reconstitution de la République cisalpine. Venise n'existait plus comme capitale d'un État indépendant; ses provinces et elle-même subissaient le joug autrichien. Le duc de Parme venait d'être nommé roi d'Étrurie, et était mort presqu'en arrivant à Florence, laissant un fils et sa femme régente. Ses anciens États et le Piémont appartenaient à la France; Gênes n'y était pas encore réunie; les trois légations augmentaient la République cisalpine, dont Napoléon était le président. Le roi de Naples, chassé de ses États de terre ferme en 1798, ramené en 1799 de Sicile, régnait encore; et, successeur de Pie VI, mort en 1799 pendant sa captivité en France, Barnabé Chieramonti, élu à Venise souverain pontife sous le nom de Pie VII, possédait librement le reste des provinces non enlevées au Saint-Siége. Un concordat avec la

France avait réveillé dans celle-ci la religion catholique, devenue celle de l'État, par l'omnipotence de Napoléon.

Le Consulat temporaire était devenu décennal; on allait l'étendre à la vie de Bonaparte au moment où commença la série des événements que je vais décrire. Mais avant d'offrir ce nouveau drame, il y a des faits antérieurs que je dois signaler.

La constitution imposée à la France vers la fin de 1799, et connue sous le nom de constitution de l'an VIII, était établie sur les bases suivantes : Trois consuls, dont le premier exerçait le pouvoir souverain (car dans ses attributions il avait réuni toutes celles de la royauté défunte, même le droit de grâce); un Sénat conservateur, ayant mission de promulguer les lois et de faire celles dites organiques; un Corps-Législatif, nommé par des notables choisis dans le nombre des électeurs, celui-ci adoptant ou rejetant les lois discutées devant lui par des mandataires du Tribunat, par des commissaires pris en son propre sein, mais lui-même muet à tout jamais, et décidant au moyen d'un vote silencieux; un Tribunat, chargé d'élaborer les lois, de les mettre au net et de les présenter au Corps-Législatif. Le Sénat était à vie, les législateurs élus pour dix ans, les tribuns pour cinq; trente-six mille francs étaient alloués aux premiers, dix mille aux seconds, et dix mille aussi

aux troisièmes. La circonscription départementale maintenue, les districts supprimés et remplacés par des arrondissements, un préfet accompagné d'un conseil général, d'un conseil de préfecture, des sous-préfets, un par arrondissement, et un conseil aussi d'arrondissement, un maire, des adjoints, un conseil municipal par commune, complétaient l'organisation administrative. Des tribunaux d'appel par division militaire, des tribunaux criminels, un par département, des tribunaux de première instance, un par arrondissement, des juges de paix, un par canton, formaient le corps judiciaire. Quatre-vingts évêques, dix archevêques, voilà le spirituel. Les finances habilement établies, l'armée remise en régiments, une garde consulaire, achevaient la réorganisation de la France. Elle devait tout au premier consul: il avait pacifié la Vendée, mis fin aux dissensions civiles, écrasé les jacobins, ranimé le commerce, l'agriculture, l'industrie, restauré la religion, donné des codes excellents; chaque acte de sa vie augmentait son pouvoir, fondé sur des bases solides, et la tentative de la machine infernale avait indigné l'universalité des citoyens.

Telle était la nouvelle constitution imposée aux Français celle-ci, plus encore que celle du Directoire, ramenait directement à la monarchie. En effet, pour que la République fût entièrement

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