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le salon qui les recevait. C'étaient Saint-Hurugues, Maillard, Hébert, Fabre d'Églantine.

Le reste ne vaut pas l'honneur d'être nommé.

» En femmes, nous eûmes madame de Staël, la comtesse de Genlis, la comtesse Agnès de Buffon, une dame appelée Olympe de Gouges, une dame d'Andelare de Viennay, la Théroigne de Méricourt, et une autre vraie fille, Rose Lacombe. En vérité, je crois que la plus honnête du groupe était mademoiselle d'Oliva, si fameuse par le procès du collier.

Lorsque nous entrâmes, presque tous les convives étaient rassemblés. Le chevalier de Saint-Georges me présenta à MM. de Genlis et de Latouche, celui-ci chancelier du prince. Peu après parut le duc d'Orléans. Je lui fis le compli ment d'usage; lui, me coupant la parole, me prit par la main, se félicita de son heureuse étoile, qui le rapprochait de moi; il se fit si humble, il me haussa tant, que je me crus très-au-dessus de lui : ses flatteries outrées dépassèrent le but. Je le savais couard, perfide, je ne le croyais pas si bas. Lui-même, me prenant par la main, me présenta à madame de Buffon, sa maîtresse ; je rougis pour le prince de voir la bru du grand naturaliste souiller par sa turpitude un nom aussi beau. » Je me sentais là mal à mon aise, j'entendais propos à faire frémir. Déjà ouvertement on

des

parlait de se défaire de Louis XVI par un jugement juridique, si quelque bon hasard n'en débarrassait pas la nation. Je répète le propos que j'entendis, mais je tairai la bouche qui le proféra.

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Laissez venir les Marseillais, dit Fabre d'Églantine; si ceux-là ne répètent pas en nature la leçon des pavots du roi Tarquin, je veux être pendu.

-Mon très-cher ami, dit une autre personne, recommandez à ces messieurs ma belle-sœur : elle me hait, et j'ai à lui payer un gros douaire.

-

Fabre repartit, avec le rire d'une hyène: Ah! oui; une quittance définitive? Vous l'aurez... » Je sortis peu de temps après, au moment où une foule de députés, de conspirateurs, venaient passer la soirée. Assurément, si j'eusse cru possible le triomphe du Roi, je me serais rangé de son côté, par cela seul que je venais de m'approcher de son antagoniste. Mais cette cause était perdue. Les meneurs, chaque jour, gagnaient du terrain, et les aristocrates en perdaient dans la même proportion. Le Roi n'était défendu que par des imbéciles, ou par la vertu sans science et sans énergie. L'émigration, en affaiblissant son parti, renforçait celui de la révolution. Chaque officier qui passait le Rhin était remplacé par un homme dont le but serait uniquement d'empêcher le retour de celui dont il prenait la place; et, par conséquent, pour éviter ce retour, il fallait faire tomber le Roi.

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