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Evhemer, apud.

Biblioth, tom. 1,

Il paroît que Cassandre, roi de Macédoine, curieux de vérifier si les parties méridionales de l'Arabie étoient aussi peu habitables qu'on l'avoit persuadé à Alexandre, chargea Évhémère de s'en assurer.

A son retour, ce philosophe annonça qu'il avoit pénétré jusque Diodor. Sicul. sur les bords de la mer Érythrée; qu'il s'étoit embarqué dans un des ports de l'Arabie Heureuse, et qu'il étoit parvenu dans l'île pag. 363-368. Panchaïa. Mais il fit de cette île une description si romanesque, Fragment. é lib. VI,tom. II, pag. que la plupart des historiens et des géographes ont refusé de croire à la réalité de cette découverte.

lib. v, S. 4!,

633,634.

Græc. tom. I.

b

Néanmoins, en élaguant du récit de ce voyageur les détails visiblement fabuleux, il me paroît avoir réellement visité quelques ports et quelques îles situés sur les côtes méridionales de l'Arabie. Je crois même reconnoître son île Panchaïa ; et je l'indiquerai, quand j'aurai réuni, dans le cours de ce mémoire, les indices sur lesquels j'établirai mon opinion.

Les auteurs à qui l'on doit la tradition du voyage d'Évhémère, ne disent pas comment il étoit parvenu sur les bords de la mer Érythrée ; ce fut sans doute par l'intérieur des terres, puisque le temps où il a vécu précède de quelques années le règne de Pɩolémée Philadelphe, et que c'est par les soins de ce souverain que les Grecs d'Alexandrie s'ouvrirent par mer la route des Indes, et visitèrent pour la première fois toutes les côtes méridionales de l'Arabie.

"Periplus maris Jusqu'à ce moment, les navigateurs du golfe Arabique n'avoient Erythrai, p. 14, 15. Inter Geo- pas osé s'avancer beaucoup dans le grand Océan; et leurs courses graph. minor. les plus éloignées se bornoient au port d'Arabia, situé à environ Aristot, Polit. quatre-vingt-cinq lieues à l'orient du détroit. « Cette ville avoit lib. VII, c. 14, » été surnommée Heureuse,' dit l'auteur du Périple de la mer ÉryPhilost. de" thrée, parce que, dans le temps qu'on ne naviguoit pas encore Vita Apollon.» de l'Égypte dans l'Inde, ni de l'Inde en Égypte, les Indiens et cap. 14, p. 152. » les Égyptiens se rendoient à Arabia, pour y trafiquer des marTzetz. Histor. »chandises qu'ils apportoient de leurs pays, »

tom. 11, p. 442.

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144,apud Poet.

chil. VII, §. Ce témoignage, en confirmant celui d'Arrien, me paroît une Grac. veter.pag nouvelle preuve qu'Hérodote a été induit en erreur, lorsqu'il 384. a dit que Scylax avoit navigué jusque dans le golfe Arabique. D'ailleurs, Aristote b, Philostrate, Tzetzès d et Suidas *, qui ont

e Suid. Lexic verbo Σκύλαξ.

recueilli

recueilli tant de faits, et qui ont connu les ouvrages publiés par Scylax, citent bien de lui un Période, ou un voyage par terre dans les Indes, avec une description de cette contrée; mais ils ne font aucune mention de son retour par mer, quoique cette circonstance eût été la plus neuve et la plus intéressante de toute sa narration : et si cette dernière route avoit été connue, les Égyptiens et les Perses n'auroient-ils pas eu un trop grand intérêt de la fréquenter, pour qu'ils eussent jamais cessé de la parcourir? Quant aux Indiens qui se rendoient au port d'Arabia, il est certain, d'après les termes du Périple, qu'ils y venoient par terre, soit en faisant le tour du golfe Persique, soit en se bornant à traverser son étroite embouchure.

Je crois apercevoir les vestiges des premières tentatives de navigateurs Grecs, dans le passage suivant de Strabon: Des auteurs assurent que, depuis le détroit jusqu'aux extrémités du pays. qui produit le cinnamome, il y a cinq mille stades, sans marquer si la route se dirige à l'est ou au midi (a). En effet, cette mesure annonce que l'on n'avoit pas encore passé au-delà du territoire de (a) Strab. lib. XVI, p.779. Les auteurs | cap Guardafui, près duquel se termidont parle Strabon,, étoient nécessaire- noient les connoissances d'Eratosthène, ment antérieurs à Eratosthène, puisque d'Artémidore et de Strabon. cet ancien a connu la direction et la longueur entière des côtes méridionales de l'Arabie. Au surplus, il ne faut pas confondre ce que vient de dire Strabon, avec ce qu'il avoit annoncé à la page 769, qu'après les îles du détroit, en entrant plus avant dans le golfe, on range le pays qui produit la myrrhe, situé au midi et à l'orient, jusqu'à celui où croît le cinnamome: ce qui fait cinq mille stades. On dit que personne n'a encore été au-delà.

Il est incontestable, par tout ce qui précède et suit ce dernier passage, qu'il ne peut se rapporter qu'à la description des côtes de l'Afrique opposées à celles de l'Arabie. Le golfe dont il est ici question, est celui qui est compris entre Bab almandeb, fe cap de Fartak et celui de Guardafui; et la mesure de 5000 stades, adoptée depuis par Marin de Tyr et Ptolémée, lib. 1, c. 11, 12, 13, 15, se rapporte à la distance de Bab al-mandeb au

Tome XLIX.

Si ce dernier auteur avoit prétendu parler ici des côtes méridionales de l'Arabie, il n'auroit pas borné à 5000 stades les plus longues courses qu'on y faisoit, puisque cette mesure prise en ligne droite et en stades de sept cents au degré, comme il les comptoit, n'auroit conduit tout au plus que jusqu'à Késem : et il n'auroit pas ajouté que personne n'avoit pénétré audelà, puisqu'il étoit instruit que, de son temps, il partoit chaque année, du seul port de Myos - Hormos, environ cent vingt navires pour les différentes échelles de l'Inde. Lib. 11, p. 118; l.xvII, p. 798.

Je me suis arrêté sur le sens du passage rapporté dans cette note, parce que Huet s'y est trompé, et qu'il en a tiré des conséquences fausses sur l'étendue de la navigation des Hébreux. Vid, Huet, De navigat. Salomon. cap. II; et mes Rech, sur la Géogr, des anciens, tom. I, pag. 168-177; tom. II, pag. 41, 156, Ccccc

l'Hadramaüt; et ces navigateurs n'y auroient pas fixé les limites de la contrée où croissent les aromates et les parfums, s'ils s'étoient avancés plus à l'est, puisqu'ils auroient vu que les pays ultérieurs en produisoient également et en plus grande abondance. Mais on ne tarda point à visiter le reste des parages méridionaux de l'Arabie. Sous Évergète, successeur de Philadelphe, ils étoient déjà si bien connus, qu'Eratosthène fut en état de fixer la Eratosth. apud plus grande largeur de cette péninsule à douze mille stades de Strab. lib. XVI, sept cents au degré; et c'est juste la distance en ligne droite, pag. 767. Agathem. Compen- depuis Bab al-mandeb jusqu'au Ras al-Hhad, où la côte se replie diar, geograph. pour prendre sa direction au nord-ouest.

exposit. lib. 1,

pag. 8, 9. Inter

nor. Grac. t. II.

Nous n'avons aucun détail suivi sur les premières expéditions Geograph. mi- des Grecs dans la mer des Indes : les navigateurs d'Alexandrie paroissent s'en être réservé quelque temps la connoissance exclusive; et ce ne fut que vers le commencement de l'ère Chrétienne, qu'une fréquentation plus habituelle de cette mer permit enfin de publier des instructions propres à diriger les pilotes dans leurs courses et les commerçans dans leurs spéculations.

Le plus ancien itinéraire qui nous reste sur ces parages, est le Périple de la mer Erythrée. Je commencerai par rechercher les lieux dont il indique l'emplacement; et je passerai ensuite à la carte de Ptolémée, pour reconnoître les principaux points de cette carte, ainsi que les bases qui ont servi à la construire.

§. I.er

Des côtes méridionales de l'Arabie, selon le Périple de la mer
Érythrée.

ON doit aujourd'hui aux recherches d'un homme ignoré, des détails importans sur l'ancienne navigation de la mer des Indes, sur la mesure de ses côtes, sur la distance des lieux, sur les époques les plus favorables pour s'y rendre, sur les marchandises qu'il convenoit de porter dans les havres qu'on se proposoit de visiter, et sur celles que l'on pouvoit prendre en retour.

Ce petit écrit, précieux par son exactitude, n'est cependant pas l'ouvrage d'un navigateur qui auroit parcouru les côtes dont il donne la description, puisqu'il se trouve dans leurs mesures des

Indicar, ad cal

lacunes que je ferai remarquer, et qui n'existeroient point, si le rédacteur de cet itinéraire eût visité lui-même ces côtes. Il n'est pas non plus l'ouvrage d'Arrien, quoiqu'il en porte le titre ; et il est facile de s'en assurer, en le comparant à la description des Indes Arrian. Rerum que cet auteur nous a laissée : mais il paroît avoir été composé sur cem Exped, Alede bons journaux de navigation, par quelque écrivain d'Alexandrie, xandri. qui vouloit donner un routier complet de toutes les parties de la mer Érythrée que l'on fréquentoit de son temps. Ce Périple m'a conduit avec succès dans le golfe Arabique, sur les parages orien- Rech, sur la taux de l'Afrique; et il me guidera avec la même certitude sur les Géogr. systém. et positive des côtes méridionales de l'Arabie, lorsque j'aurai corrigé une faute anciens, t. II, introduite dans le texte par les copistes, et que j'aurai fait aper- pag. 176 et secevoir une petite lacune dans les mesures : double erreur qui a empêché de reconnoître jusqu'à présent les lieux dont il a fait 173 et sequent.

mention.

quent.

Ib. t. I, pag.

C'est d'Ocelis, située près de l'embouchure du golfe Arabique, que part l'auteur de ce Périple, pour indiquer les principales Periplus maris stations visitées sur la côte de l'Océan, et il donne les mesures suivantes :

D'Ocelis à Arabia Felix.

1200 stades.

2000.

Erythrai, pag.

14-20.

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600.

500.

1500.

2000.

2000.

9800. stades.

En cherchant ailleurs la valeur du stade employé par

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de ce Périple dans la mesure du golfe Arabique, j'ai fait voir pag. 176, 177. que celui dont il s'est servi, étoit de 500 au degré je dois donc continuer de l'appliquer sur la côte qu'il va décrire, et la suite de ce mémoire justifiera mon évaluation.

Cependant, si l'on mesure sur la grande carte de d'Anville, dont la mienne n'est qu'une réduction, 9800 stades de 500, en suivant le trait des côtes méridionales de l'Arabie, on ne sera " conduit que jusque vers le vingt - unième degré et demi de

Ccccc ij

Voyez la carte jointe à ce

Mémoire.

latitude, à trente-deux lieues en-deçà du Ras al-Hhad ; quoique le Periplus maris Périple annonce que les îles Calai, où il termine ses mesures, Erythrai, p. 19. se trouvoient dans le golfe qui précède immédiatement l'embou chure du golfe Persique : ainsi la mesure seroit trop courte.

De plus, si l'on recherche les points où tomberoient les positions dont je viens de donner les distances d'après l'auteur du Périple, on trouvera qu'Arabia Felix devroit avoir été située à 300 stades à l'orient d'Aden; que Cane répondroit à Sharma; Moscha auroit été à 200 stades à l'orient de Késem, Asichon près du port de Séger, et l'île de Serapis à 500 stades au nordest d'Hasec, où il n'existe point d'île. Et d'ailleurs, en comparant les noms anciens avec les noms modernes, on n'aperçoit dans cet ordre, aucune analogie qui puisse en faire reconnoître un seul.

que

Ces observations doivent persuader que les mesures actuelles du Périple sont incomplètes; et je pense que l'erreur existe principalement dans la distance d'Ocelis à Arabia, qui, au lieu de 1200 stades, étoit portée originairement à 2200 stades. On verra dans la suite que la carte de Ptolémée donnera, pour le même intervalle, 2185 stades; et l'ensemble, ainsi que l'exactitude des autres mesures du Périple, démontreront la nécessité d'adopter cette correction.

C'est pour avoir isolé cette distance de toutes les autres, et pour n'avoir pas reconnu la valeur du stade employé dans le Stukii Scholia Périple, que la plupart des modernes ont cru devoir rapin Peripl. mar. Eryth, pag. 46. Porter Arabia Felix à Aden. Ils se sont arrêtés, d'ailleurs, à la Is. Vossius, Ob- ressemblance des mots Aden et Eden, qui; en hébreu, annoncent ponium Melam, un lieu de délices et de voluptés, pour en conclure que l'épithète pag. 581. Bo- d'heureuse, donnée par les Grecs à la ville d'Arabia, n'étoit que chart, Geograp la traduction du mot Aden.

servat, ad Pom

sacra, Phaleg,

lib. 11, cap. 21,

115. Hist. du com

navigat, des anciens, chap. 13,

Mais ce n'est point dans une langue étrangère à la contrée pag. Hut, dont je parle, qu'il faut chercher l'interprétation du nom merce et de la d'Aden; ce mot est arabe, et signifie firma et certa mansio, un lieu où l'on est en sûreté, une forteresse, un château : aussi pag. 58, 339. trouve-t-on en Arabie plusieurs Aden, que l'on distingue par le grap. anc. abrég. surnom des cantons auxquels ces forteresses appartiennent; celle t. II, pag. 224. dont il est question, est appelée Aden-Abyan, parce qu'elle est le principal boulevart de la vallée d'Abyan; et près du mont Saber

D'Anville, Géo

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