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Æsacus, petit-fils de Laomédon et fils de Priam, est changé en plongeon : le chagrin qu'il avoit eu de perdre la nymphe Hespérie, qu'il aimoit, assimile son histoire à celle d'Alcyone; et c'est cette ressemblance qui en fait la liaison.

Le douzième livre est rempli par la guerre de Troie, les exploits et la mort d'Achille. Ces récits ne sont interrompus que par quelques histoires que raconte le vieux Nestor, entre autres le combat des Centaures, et des Lapithes.

Le treizième livre s'ouvre par cette belle et si éloquente dispute d'Ajax et d'Ulysse pour les armes d'Achille. Suivent diverses métamorphoses qui appartiennent encore à l'histoire du siége de Troie, et qui en sont des suites, comme celles d'Hécube en chienne, des cendres de Memnon, tué par Achille devant Troie, en oiseaux appelés de son nom Memnonides, et plusieurs autres semblables. Cependant les restes de Troie ne sont pas détruits; Énée part avec Anchise son père et Ascagne son fils; il s'avance vers l'Italie, et sur sa route il rencontre les monumens de diverses métamorphoses et de diverses aventures, telles que les amours d'Acis et Galathée, et la jalousie de Polyphème, la métamorphose de Glaucus en dieu marin.

Le quatorzième livre présente d'abord les métamorphoses, fruit des opérations magiques de Circé; Scylla, fille de Phorcus, amante de Glaucus, changée en monstre dont les entrailles étoient dévorées par des chiens, puis en rocher, écueil redoutable aux voyageurs; les compagnons d'Ulysse changés en bêtes; Picus, roi d'Italie, en pivert; Canente, sa femme, en un son, en un souffle harmonieux; les compagnons de Diomède en oiseaux; les vaisseaux d'Énée en nymphes de la mer; Ardée, capitale du royaume de Turnus, en un oiseau; Énée en dieu.

A Énée succède Ascagne, son fils, puis une suite de rois Troyens jusqu'à Procas, dont Virgile a aussi parlé :

Proximus ille, Procas Trojana gloria gentis.

Sous lui vivoient Vertumne et Pomone, dont on voit ici les amours, qui ont fourni la matière d'un si bel acte à l'Opéra, et qui sont entremêlés ici de l'histoire d'Iphis et d'Anaxarète. L'histoire Romaine commence. Romulus et Hersilie sa femme

Eneid. lib. VI, v. 767.

Ovid. Metam. lib. XV, v.434

sont mis au rang des dieux, l'un sous le nom de Quirinus, l'autre sous celui d'Ora.

Numa succède à Romulus. Vers le même temps un citoyen d'Argos est averti en songe par Hercule de passer en Italie ; mais la loi d'Argos punissoit de mort le simple projet de sortir du pays: Myscelos, c'est ce citoyen, est mis en cause et condamné ; mais lorsqu'on voulut procéder à l'examen du scrutin, toutes les boules noires se trouvèrent blanches; il fallut obéir à Hercule: Myscelos passa en Italie, où il bâtit la ville de Crotone. Là vivoit Pythagore. Ovide tire de la doctrine de ce philosophe, non-seulement tout le dogme de la métempsycose, non-seulement cette éloquente et pathétique déclamation contre les carnivores, qui a servi de modèle à Plutarque, et parmi nous à l'éloquent philosophe de Genève, mais l'histoire rapide des grands changemens physiques, moraux et politiques, arrivés dans l'univers. Jusque-là les métamorphoses étoient individuelles; c'étoient autant de miracles particuliers ici elles sont en masse ; elles sont l'ouvrage du temps et la suite des lois éternelles, en vertu desquelles rien ne dure afin que tout dure; ce sont des terres devenues mers, des mers devenues terre-ferme; ce sont des empires qui tombent et qui font place à d'autres; c'est enfin Rome même, fille de Troie, qui change aussi, mais en s'accroissant et en se préparant à devenir la reine du monde :

:

Hac igitur formam crescendo mutat, et olim
Immensi caput orbis erit.

Égérie, veuve de Numa, va cacher sa douleur dans la vallée d'Aricie; elle y trouve Hippolyte, qui, ressuscité par Esculape et placé par Diane dans la forêt d'Aricie, sous le nom du dieu Virbius, c'est-à-dire, deux fois homme, raconte à Égérie ses malheurs passés, pour la consoler de sa douleur présente. Égérie continue de pleurer, et devient fontaine.

Une peste violente fait appeler Esculape d'Épidaure à Rome, où il vient transformé en serpent, et se fait reconnoître pour un dieu par ses bienfaits.

Les traditions de la république Romaine ne fournissant à Ovide d'autres métamorphoses que l'histoire fabuleuse de Cipus et de

ses cornes mystérieuses, on passe à Jules César changé en astre, et placé dans les cieux, d'où il contemple avec satisfaction les exploits d'Auguste, son fils adoptif, qui surpassent même les siens, comme Agamemnon surpasse Atrée, comme Thésée est supérieur à Égée, Achille à Pélée, Jupiter à Saturne.

Là finit le grand ouvrage dont nous venons de tracer le plan ; nous en examinerons les détails dans les mémoires suivans.

OBSERVATIONS

SUR LES MÉTAMORPHOSES D'OVIDE;

Par G. H. GAILLARD.

II. MÉMOIRE.

Beautés et défauts d'Ovide.

APRÈS avoir, dans le premier mémoire, tracé le plan de ce poëme, et montré avec quel art l'auteur a su corriger l'uniformité générale de son sujet par la variété des détails, il nous reste à examiner les autres mérites de ces mêmes détails, et les ressources infinies du talent d'Ovide.

J'observe d'abord que de tous les poëtes Latins, Ovide est celui qu'entendent le plus facilement ceux même à qui la langue Latine est médiocrement familière; ce qui me paroît tenir à plusieurs causes différentes :

1.o Au naturel parfait des idées, qui, se présentant d'ellesmêmes à tous les bons esprits, sont aisément reconnues ou devinées par eux;

2.o À la netteté de l'expression, qui, n'ayant aucun tour ni forcé, ni recherché, ni gêné, ni précieux, ni chargé de métaphores bizarres, facilite par-tout l'intelligence du texte, et rend les commentaires inutiles;

3.o A un certain éclat que l'esprit répand toujours sur les pensées et sur les expressions. Eh! quel homme eut jamais plus d'esprit qu'Ovide? On lui en trouve quelquefois trop, et nous aurons occasion de discuter ce reproche dans la suite. Mais les Français, et parmi eux les gens du monde aimables qui en général aiment l'esprit, et qui regardent ce qu'ils entendent par ce mot comme un don particulier à leur nation, trouvent à Ovide ce qu'ils apellent l'esprit Français, c'est-à-dire, le talent

de saisir avec finesse des rapports délicats, l'art de descendre
avec grâce, de la gravité Romaine à l'enjouement qu'on appelle
Français, et de l'introduire avec goût dans les sujets même qui
semblent s'y refuser. Racine n'eût pas dit au traducteur d'Ovide
ce qu'il disoit au traducteur de Démosthène : Le bourreau ne va-t-il
pas
donner de l'esprit à Démosthène! Il eût dit à du Ryer et à
Thomas Corneille, tous deux foibles traducteurs des Métamor-
phoses, l'un en prose, l'autre en vers: Tâchez de lui conserver tout
l'esprit qu'il a.

Si ce que nous disons ici de l'esprit Français d'Ovide a besoin de commentaire, on le trouvera dans quelques exemples tirés de ce poëte. Dans son Art d'aimer, qui, n'étant que l'art de séduire, admettoit tout l'enjouement qu'il vouloit y mettre, il recommande à l'amant les soins les plus empressés auprès de sa maîtresse jusque dans les moindres choses: << a-t-elle sur sa robe un grain de poussière, secouez-le; n'en a-t-elle pas, secouez toujours. »

Et si pulvis erit nullus, tamen excute nullum.

Il s'agit de lui montrer de l'attention et de l'intérêt.

Ovide recommande encore de porter toujours chez sa maîtresse un visage riant et serein, un ton doux et aimable. Laissez aux époux, dit-il, les disputes et les querelles; c'est l'apanage de l'hymen :

Lis decet uxores, dos est uxoria lites.

C'est ainsi que parmi nous la Fontaine assigne à la Discorde l'auberge de l'Hyménée.

Le poëme des Métamorphoses n'admettoit guère ces sortes de gaietés; on en retrouve cependant des traces dans la fable des filets de Vulcain, où Mars et Vénus surpris sont exposés aux regards et à la risée de tout l'olympe.

Illi jacuere ligati.

Turpiter, atque aliquis de dis non tristibus optet
Sic fieri turpis.

Cette réflexion est en effet non tristis. C'est aussi à-peu-près de
ce ton de gaieté que parmi nous Jean-Baptiste Rousseau a traité
le même sujet. Le Soleil, pour se venger de l'infidélité de Vénus,

Ovid. Ars Amat. 11. 15s.

Ovid. Metam. libeIV, v. 186.

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