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s'il vient de mourir? Bon! il n'étoit qu'à l'agonie; il faut voir à préfent de quel air il mourra; c'eft à quoi se réduit la curiofité au quatrième Acte. Pour Rome elle est sauvée, j'en répons, foïés tranquile fur ce point: ou fi nous l'imaginions encore en danger pour le plaifir? Venés-vous-en au Sénat dans cette bonne idée; Aurélie s'y tue, que vous importe? Vous ne le verrés point harangué à mort, croquignolé, bafoué, honni, comme chés Mr. de Crébillon, mais un peu digne de l'être, il en faut convenir, & n'en faites pas de reproche à Mr. de Vol taire, c'eft la vérité du fait qu'il a peinte. En revanche il a embelli Cicéron; il a anobli fa vanité, épuré fon éloquence, il lui a donné une générofité, une fermeté d'ame, qu'il n'eut jamais à ce point. Combien de beaux yers il lui fait dire, & quel prodigieux morceau de caractère & d'éloquence

que

que ces fcènes deux & trois du cinquième Acte! La chaleur de ces détails eft fi grande, que j'oublie entièrement à quoi ils tiennent, & que je ne fais fi le véritable intéret de la Pièce habilement continué m'eût fait autant de plaifir, Après tout, quel fi grand intérêt m'auroit-on pu faire prendre au Salut de Rome ? Une République! cela est bien vague; le cœur ne connoit guère que les individus. Oh mais c'est la Patrie qu'il faut envifager. La Patrie eft un beau nom, qui n'eft point tout-à-fait fans force;

Ce fanatifme ufé des fiècles héroïques
Se conferve, il est vrai, dans les ames ftoï-
ques; (b)

mais malheureufement l'ame des trois quarts & demi des Spectateurs eft Epicurienne. De toutes les Pièces de

Con

(b) Vers de Céthégus dans Rome Sauvée, Acte 4, Scène première.

Conjuration, que vous avés pu voir au Théatre, foïés de bonne foi, il n'y en a peut-être pas une qui vous ait vivement affecté par l'intéret de l'Etat, mais bien par quelques perfonnages particuliers qu'on avoit eu l'art de vous rendre chers, ou odieux.

S'IL y eut jamais intéret d'Etat confidérable, ce fut fans doute celui des Cocus d'Aftracan, qui fe révoltèrent contre l'Ufurpateur du Roïaume, non comme tel, mais comme auteur de la difgrace de leur front. Cependant, vous l'avouerai-je à mon tour? ce n'eft pas la vengeance de tant d'infortunés qui m'intéreffe le plus dans la pathétique Tragédie de Gafparibout, c'est le fort de ce fils du feu Roi, de ce Dilazal, amant d'Abubef, princeffe du fang, & chéri d'elle au point d'en avoir obtenu deux enfans précoces. Il n'avoit pas échappé à l'injure commune: le fâcheux qui pro quo de

deux biscuits, (l'un à l'opium, avalé par la Princeffe bientôt endormie, l'autre aux cantharides, devoré par le Tyran déja trop éveillé) l'avoit couché avant l'himen fur la lifte plainti! ve. Laiffés faire, il fe confolera; la vertu l'emporte, les Cocus triomphent, & déja les plus grands du Roïaume, en foule aux portes du palais de la Princeffe, demandent à voir l'héritier de leur Roi légitime: Abubef le, tire bien vîte d'une caffette qui étoit fous fon lit, & avec cette majesté & cette grace, que je vous laiffe à imaginer,

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Le Tyran n'eft plus Roi (leur dit-elle) Peu ples, voici le vôtre;

Et voilà tôt ou tard comme un clou chaffe l'autre.

Dilazal eft reconnu Roi, on légitime les enfans qu'il a eus de la Princeffe; & Gafparibout? Vous frémirés de fon

fup

fupplice: qu'il foit dépouillé des plus précieux dons de la Nature, dont il a trop abufé, dit le nouveau Maître ; qu'on lui arrache ces reftes de dignité, dont il a defhonoré la moitié de mes fujets & moi-même avec eux;

Qu'une cage de fer foit fon appartement, (ajoute-t-il)

Qu'au chevet de mon lit il voie incessam

ment

Dans mes draps, dans mes bras, cette jeune Princeffe,

Que je veux accabler du poids de ma tendreffe ;

Que privé des plaisirs il regrette à jamais Et tous ceux qu'il a pris, & tous ceux qu'il a faits.

Ah, Seigneur! s'écrie Abubef, que vous avés bien trouvé la peine qu'il mérite! Puiflions-nous le punir à tout

moment!

JE.

t

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