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fent encor de ce qui les environne. Je fais qu'il y en a d'auffi nobles en foi que d'autres, qui ont tellement dérogé par l'usage ordinaire, qu'il n'y a forte de convention qui les puiffe réhabiliter auffi jamais un Poëte dans notre langue ne doit-il s'en fervir, ni de celles qui en approchent; s'il le fait, c'eft fa faute particulière, & non celle du génie de notre Poëfie. Et combien d'expreffions abfolument profaïques ne fe permettent pas nécessairement, & fans qu'on puiffe les en blâmer, les meilleurs Poëtes Italiens? Mais une plus grande abondance de termes convenables & fonores, une plus grande variété de tours, plus de liberté de conftruction, & par conféquent plus de (c) facilité à faire le vers, voilà leur avantage inconteftable; & avec tout cela je vous défie de me nommer un Poëte Italien, mort

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Ou

(c) Ce n'eft fürement pas cette facilité qui fait le mérite du Poëte.

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ou vif, qui vaille à tout prendre Mr. de Voltaire.

AUROIS-JE à la fin répondu fans y penfer à tant de plaifanteries que vous m'avés faites fur notre Poëfie? Je ne fais comment cela s'eft fait, mais je me fens foulagé; parlés avec plus de respect dans la fuite. Il y a du tems que j'avois eu une explication fort vive à ce fujet avec Mr. le Marquis de Maffei à Vérone; il ne me perfuada guère, ni moi lui, c'eft la règle mais je fuis de bonne foi, & j'avoue ingénument que c'eft en partie aux réflexions qu'il m'a occafionnées, que je dois le peu de délicateffe que je puis avoir fur le choix de nos ajuftemens poëtiques. Un François tout plein de fon Racine, & la tête fonnante des vers de ce Poëte, ne fauroit imaginer la différence de l'impreffion que reçoit de ces mêmes vers l'Italien le plus exercé dans notre lan

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gue; moins encore combien de fois celui-ci a raifon d'être choqué, ou peu touché, de ce qu'on admire en France qu'il lifent ensemble (d) Britannicus, pour voir comme cela fera; c'eft mettre le François à la queftion; mais il faut qu'il avoue & ne foit plus fi badaud.

MISERICORDE! à quoi fe réduiroient les vers de Mr. de Crébillon dans une pareille épreuve; je dis les vers, je ne dis pas les tragédies; à quoi ceux de Mr. Piron, qui dit que l'harmonie eft une chimère, & qui nous a bien prouvé le contraire par la gothique profe de fon Gustave (e)! Le grand Corneille lui-même (f) y

per

(d) La plus corre&te des Tragédies de Racine. (e) Tragédie en vers. Je ne parle ici que de vers tragiques, car on ne peut disputer à Mr. Piron un génie éminemment poëtique en d'autres genres; témoin fa Métromanie, quelques uns de fes Contes, & furtout fon Ode d ce Dieu que je n'ofe nommer.

(f) Et fon petit frère Thomas? .... Mais fouvenés-vous bien que je ne parle que du vers dans tout cet article,

perdroit fans doute beaucoup; Racine avec toute fa correction peut-être autant, tout compenfé, que Mr. de Voltaire; le tendre & foible Campiftron, & le fpirituel la Motte Houdart, prefque tout leur bien.

Si ce n'eft pas affés de l'ennui de ces réflexions, Monfieur, lifés, pour achever de vous endormir, quelques unes de celles de Mr. Racine, fils du Célèbre, fur les Pièces de fon père, & fur le goût des Peuples anciens & modernes pour les ouvrages dramatiques. Vous ne trouverés ni génie, ni élévation, ni ufage du Théatre, ni connoiffance du cœur, ni goût, ni grace, dans cette volumineufe (g) Critique. L'Auteur a pourtant fait de fang froid deux Poëmes, l'un fur la Grace, l'autre fur la Religion, qui ont eu du fuccès.

O ça,

(g) Ouvrage nouveau, trois volumes.

O ça, réveillés-vous, voici du très nouveau, pour vous, s'entend, & du très curieux, une Anecdote de l'Opéra de Suze du tems d'Affuérus, qui juftifie un foupçon de quelques Savans, que le goût des Peuples pour les Filles de Théatre n'eft pas moins ancien que celui pour les ouvrages dramatiques. L'Original de cette Hiftoire, dont la traduction qu'on donne aujourd'hui eft de 1590, fe trouve dans le Thalmud Babylonien, je ne fais pas bien fi c'eft dans la Mifne, ou dans la Gémare; vous pourrés le demander à votre Mr. Coftard, fi verfé dans les Belles Lettres Judaïques. Ce qui m'étonne c'eft que Moife, fils de Maimon, qui a fait un abrégé du Thalmud, n'ait pas daigné faire la moindre mention de ce précieux morceau, Jofeph Scaliger, à qui cette omiffion n'a point échappé, obferve judicieufement que

ce

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