Page images
PDF
EPUB

nul danger, alors on vous en dépêchera tant que vous voudrez.

Je puis vous faire tenir directement, par la pofte de Lyon, à très-peu de frais, les Droits des uns et les ufurpations des autres, l'Epître aux Romains.

Si vous n'avez pas l'Examen important de milord Bolingbroke, on vous le fera tenir par votre grand'

mère.

On n'a pas un feul exemplaire du Supplément; elle le demande comme vous. Il faut qu'elle fasse écrire par Corbie à Marc-Michel Rey, libraire d'Amfterdam, et qu'il lui ordonne d'en envoyer deux par la pofte.

Vous me parlez d'un buste, Madame; comment avez-vous pu penfer que je fuffe affez impertinent pour me faire dresser un bufte? cela eft bon pour Jean-Jacques qui imprime ingénument que l'Europe lui doit une statue.

Pour les deux Siècles, dont l'un eft celui du goût et l'autre celui du dégoût, le libraire a eu ordre de vous les préfenter, et doit s'être acquitté de fon devoir. Madame de Luxembourg y verra une belle réponse du maréchal de Luxembourg, quand on l'interrogea à la baftille. C'est une anecdote dont elle eft fans doute instruite.

Le procès de cet infortuné Lalli eft quelque chofe de bien extraordinaire; mais vous n'aimez l'hiftoire que très-médiocrement. Vous ne vous fouciez pas de la Bourdonaie enfermé trois ans à la baftille pour avoir pris Madrass; mais vous fouciez-vous des cabales affreufes qu'on fait contre le mari de votre grand'mère? Je l'aimerai, je le respecterai, je le vanterai,

1769.

1769.

fût-il traité comme la Bourdonaie. Il a une grande ame avec beaucoup d'esprit. S'il lui arrive le moindre malheur, je le mettrai aux nues. Je n'y mets pas tout le monde, il s'en faut beaucoup.

Adieu, Madame; quand vous me donnerez des thèmes, je vous dirai toujours ce que j'ai fur le cœur. Comptez que ce cœur eft plein de vous. V.

LETTRE VI I I.

A M. DE BORDES, à Lyon.

JE I

A Ferney, 10 de janvier.

E trouve, mon cher ami, beaucoup de philofophie dans le difcours de M. l'abbé de Condillac. On dira peut-être que ce mérite n'eft pas à fa place, dans une compagnie confacrée uniquement à l'éloquence et à la poëfie; mais je ne vois pas pourquoi on exclurait d'un discours de réception des idées vraies et profondes, qui font elles-mêmes la fource cachée de l'éloquence.

Il y a, dans le difcours de M. le Batteux, des anecdotes fur mon ancien préfet l'abbé d'Olivet, dont je connais parfaitement la fauffeté; mais la fatire ment fur les gens de lettres pendant leur vie, et l'éloge ment après leur mort.

Il ferait à défirer que les lettres concernant Nonotte fuffent réimprimées à Lyon, puifque les injures de ce maraud y ont été audacieusement imprimées ; c'eft d'ailleurs un factum dans une espèce

de

de procès criminel. Il n'y a point de petit ennemi, quand il s'agit de fuperftition. Les fanatiques lifent 1769. Nonotte, et penfent qu'il a raifon. Je crois que le's pères de l'Oratoire en feraient très-aifes, et qu'il y a bien d'honnêtes gens qui feraient charmés de voir l'infolente absurdité d'un ex-jéfuite confondue. Voyez ce que vous pouvez faire pour la bonne caufe. L'ouvrage d'ailleurs eft très-refpectueux pour la religion, en écrafant le fanatifme.

Bonsoir, mon très-cher confrère. J'attends de Bâle un petit livre fur l'hiftoire naturelle, où il y a, diton, des chofes curieufes; je ne manquerai pas de. vous l'envoyer.

[ocr errors]

LET TRE I X.

A M. TA BAREA U, à Lyon.

12 de janvier.

[ocr errors]

E fuis très-fenfiblement touché, Monfieur, de tout ce qui vous arrive. Voilà une aventure bien étrange que celle de ce dévot caiffier qui vous emporte votre argent! On dit qu'il portait un cilice, ou du moins qu'il le fefait porter par fon laquais. Je fuis bien sûr que, fi vous en aviez été informé, vous ne lui auriez pas confié un fou; mais enfin, il faudra bien que l'argent fe retrouve, puifqu'on a fa perfonne. Je vous prie d'avoir la bonté de m'inftruire de votre bonne ou mauvaise fortune dans cette fingulière affaire,

Correfp. générale.

Tome X. B

Eft-il bien vrai qu'il y a cinq banqueroutiers qui 1769. fe font tués dans Paris? comment peut-on avoir la lâcheté de voler, et le courage de fe donner la mort? voilà de plaifans Catons d'Utique que ces drôles-là!

La banqueroute eft-elle auffi confidérable qu'on le dit? M. Janel exerce-t-il toujours fon emploi ? Voilà bien des questions que je vous fais. J'y ajouterai encore une importunité fur le roi de Portugal. On m'avait mandé que fon aventure n'était qu'une galanterie, qu'un cocu lui avait donné quelques coups de bâton, et que cela n'était rien.

En voilà trop pour un homme accablé d'affaires comme vous l'êtes. Ne me répondez point.

Mais vous, M. Vaffelier, fi vous avez un moment à vous, répondez-moi fur toutes mes demandes.

Votre bibliothécaire ne pourra augmenter votre cabinet de livres qu'au printemps; en attendant, confervez-moi tous deux une amitié qui fait ma confolation dans ma très-infirme vieilleffe.

LETTRE X.

A M. DE POMARET, à Ganges.

15 de janvier.

E vois, Monfieur, que vous penfez en homme de bien et en fage: vous fervez DIEU fans fuperftition, et les hommes fans les tromper. Il n'en eft pas ainfi de l'adverfaire que vous daignez combattre. S'il y

avait dans vos cantons plufieurs têtes auffi chaudes que la fienne, et des cœurs auffi injuftes, ils feraient 1769. bien capables de détruire tout le bien que l'on cherche à faire depuis plus de quinze ans. On a obtenu enfin qu'on bâtirait, fur les frontières, une ville dans laquelle feule tous les proteftans pourront fe marier légitimement (*).

Il y aura certainement en France autant de tolérance que la politique et la circonfpection pourront le permettre. Je ne jouirai pas de ces beaux jours,

mais vous aurez la confolation de les voir naître. Il faudra bien qu'il vienne enfin un temps où la religion ne puiffe faire que du bien. La raifon, qui doit toujours paraître fans éclat, fait fourdement des progrès immenfes. Je vous prie de lire avec attention ce que m'écrit de Toulouse un homme conftitué en dignité et très-instruit.

"Vous ne fauriez croire combien augmente dans ,, cette ville le zèle des gens de bien, et leur amour ,, et leur respect pour (**).... Quant au parlement et à ,, l'ordre des avocats, prefque tous ceux qui font ,, au-deffous de trente- cinq ans font pleins de ,, zèle et de lumière, et il ne manque pas de gens

inftruits parmi les perfonnes de condition. Il est ,, vrai qu'il s'y trouve plus qu'ailleurs des hommes ,, durs et opiniâtres, incapables de fe prêter un ,, feul moment à la raison; mais leur nombre dimi

nue chaque jour, et non -feulement toute la

(*) Verfoy; ce projet ne fut point exécuté.

(**) M. de Voltaire fupprime ici le mot vous, qui se trouve dans la lettre de M. l'abbé Audra, baron de Saint-Juft, chanoine de la métropole, et professeur royal d'histoire, à Toulouse. Il a été depuis fi violemment perfécuté par les dévots, qu'il en eft mort de chagrin.

« PreviousContinue »