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Il en mange un morceau. L'autre pèse à son tour;
Nouveau morceau mangé par raison du plus lourd.
Un des bassins n'a plus qu'une legère pente.
Bon! nous voilà contens; donnez, disent les chats.
Si vous êtes contens, Justice ne l'est pas,
Leur dit Bertrand; race ignorante,
Croyez-vous donc, qu'on se contente

De passer comme vous les choses au gros sas?
Et ce disant, Monseigneur se tourmente
A manger toujours l'excédent;

Par équité toujours donne son coup de dent;
De scrupule en scrupule avançoit le fromage.
Nos plaideurs enfin las des frais,
Veulent le reste sans partage.

Tout beau, leur dit Bertrand; soyez hors de procès;
Mais le reste, Messieurs, m'appartient comme épice.
A nous autres aussi nous nous devons justice,
Allez en paix; et rendez grâce aux Dieux,
Le Bailli n'eût pas jugé mieux,

2) Les amis trop d'accord.

Il étoit quatre amis qu'assortit la Fortune;

Gens de gout et d'esprit divers.

L'un étoit pour la Blonde, et l'autre pour la Brune;
Un autre aimoit la Prose, et celui-là les Vers,
L'un prenoit-il l'endroit? l'autre prenoit l'envers.
Comme toujours quelque dispute

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Assaissonnoit leur entretien,

Un jour on s'échauffa si bien,

Que l'entretien devint presque une lutte.

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Les poumons l'emportoient; Raison n'y faisoit rien.

Messieurs dit l'un d'eux quand on s'aime

Qu'il seroit doux d'avoir même gout, mêmes yeux!
Si nous sentions, si nous pensions de même,
Nous nous aimons beaucoup, nous nous aimerions mieux.
Chacun étourdiment fut d'avis du problême,

Et l'on se proposa d'aller prier les Dieux,
De faire en eux ce changement extrême.
Ils vont au temple d'Apollon

*) Sas, Haarsieb, Seigesieb. Sprichwörtlich: passer q. ch. au gros sas, etwas obenhin untersuchen.

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Présenter leur humble requête;
Et le Dieu sur le champ, dit-on,
Des quatre ne fit qu'une tête,

C'est-à-dire, qu'il leur donna

Sentimens tout pareils et pareilles pensées;
L'un comme l'autre raisonna,

Bon, dirent-ils, voilà les disputes chassées.
Oui, mais aussi voilà tout charme évanoui;
Plus d'entretien qui les amuse.

Si quelqu'un parle, ils répondent tous: Oui.
C'est désormais entr'eux le seul mot dont on use.
L'ennui vint: l'amitié s'en sentit altérer.

Pour être trop d'accord nos gens se désunissent.
Ils cherchent enfin, n'y pouvant plus durer,
Des amis qui les contredisent.

C'est un grand agrément que la diversité.
'Nous sommes bien comme nous sommes.
Donnez le même esprit aux hommes,

Vous ôtez tous le sel de la société.
L'Ennui nâquit un jour de l'Uniformité.

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La Terre, féconde et parée,
Marioit l'Automne au Printemps;
L'ardent Phébus, le froid Borée,
Respectoient l'honneur de ses champs:
Partout les dons brillans de Flore,
Sous ses pas s'empressoient d'éclore,
Au gré du Zéphire amoureux;
Les moissons inondant les plaines,

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Fureur, trahison mercénaire,
L'or vous enfante, j'en frémis !
Le frère meurt des coups du frère,
Le père de la main du fils!
L'Honneur fuit, l'Intérêt l'immole;
Des loix que partout on viole,
Il vend le silence, ou l'appui :
Et le crime seroit paisible,
Sans le remords incorruptible,
Qui s'élève encor contre lui.

Viens calmer ce désordre extrême,
Astrée, exauce mes souhaits;

Je cherche l'homme en l'homme même,
Il a perdu ses plus beaux traits;
Qu'à ton retour tout se répare ;
Des coeurs que l'intérêt sépare,
Viens resserrer les doux liens ;
Et sans la première abondance,

Rends nous seulement l'innocence;
Elle tient lieu de tous les biens.

3) FRAGMENT DE LA TRAGÉDIE INES DE CASTRO. *) Alphonse ignorant le mariage secret de son fils avec Inès, l'exhorte, par les raisons les plus pressantes, à épouser Constance, soeur de Ferdinand, **)

Alphonse.

Les peuples ont assez célébré vos conquêtes,
Prince; il est temps enfin que de plus douces fêtes
Signalent cet himen entre deux Rois juré,
Digne prix des exploits qui l'ont trop différé:
Cet himen que l'amour, s'il faut que je m'explique,
Devroit presser encor plus que la politique,
Qui présente à vos voeux des vertus, des appas,
Que l'Univers entier ne rassembleroit pas.
Je m'étonne toujours que sur cette alliance,"
Vous m'ayez laissé voir si peu d'impatience;
Que, loin de me presser de couronner vos feux,
Il vous faille avertir, ordonner d'être heureux.
Dom Pedre.

J'espérois plus, Seigneur, de la bonté d'un père.
N'étoit-ce pas assez m'expliquer que me taire?
J'ai cru sur cet himen que mon Roi voudroit bien.
Entendre mon silence et ne m'ordonner rien,

Alphonse.

Ne vous ordonner rien! à ce mot téméraire,

*) Acte II. Scène 2. Cette scène qui sans contredit est une des plus belles de toute la pièce, renferme deux leçons de morale également solides. La première que la parole des rois doit être sacrée ; la seconde, que le courage le plus intrépide n'est estimable qu'autant qu'il est réglé sur la prudence et sur la justice. **) Es ist Alphons IV gemeint, welcher im Jahre 1325 den Thron von Portugall bestieg, einen glücklichen Krieg gegen den König von Castilien führte und im Jahre 1340 die berühmte Schlacht am Salado gegen die Mauren gewann. Er starb 1557.

vermählte.

Zur Erläuterung der folgenden Stelle bemerken wir noch, dafs sein Sohn D. Pedro I die Hofdame seiner ersten Gemahlinn, die schöne Agnes de Castro liebte und sich im geheim mit ihr Dies unglückliche Frauenzimmer wurde, nicht ohne Vorwissen des Königs Alphons, ermordet. Dom Pedro empörte sich nun gegen seinen Vater und nahm, nach seiner Thronbesteigung eine fürchterliche Rache an den Mördern seiner Ge

liebten.

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