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C'est là que le Zéphir a placé son empire,
C'est dans ce beau séjour que pour Flore il soupire.
Ni les âpres frimats, ni les grandes chaleurs
N'y ternissent jamais le bel émail des fleurs:
Des bruyans aquilons les rapides haleines,
N'y troublèrent jamais le cristal des fontaines
Qui sur un gravier d'or font écouler leurs eaux
Et proche du rocher forment deux clairs ruisseaux,
Qui passant au travers de cette grotte obscure,
Mouillent les bords d'un lit de mousse et de verdure,
Où leur murmure lent invite à sommeiller

Ceux que les plus grands soins forceroient de veiller..
Certes d'un si beau lieu les secrètes amorces,
Pour charmer les douleurs avoient assez de forces,
Et devoient amoindrir celles de ce berger:
Mais, las! il n'y venoit qu'afin de s'affliger,
Et cherchoit seulement ces belles solitudes
Pour se donner en proie à ses inquiétudes.
Ce fut là que d'abord son cruel souvenir
De tous ses maux passés le vint entretenir,
Lui mit devant les yeux l'histoire de sa vie,
Avec tous les malheurs dont elle étoit suivie;
Lui fit voir de son sort l'implacable rigueur,
Ses troupeaux dévorés, ou séchés de langueur,
Ses vergers languissans, ses cabanes brulées.

Ses meilleurs champs en friche, et ses moissons grêlées,
Et toute fois encore il s'estimoit heureux,

Tant qu'il se vit exempt des soucis amoureux.
Mais, hélas! quand après tant de sujets de plaintes,
Amour, pour lui porter de plus rudes atteintes,

Lui mit devant les yeux les célestes appas,
De la rare beauté qui causoit son trépas,
Et lui représenta combien peu d'espérance
Devoit accompagner son extrême souffrance;
Qu'il repandit de pleurs, qu'il poussa_de soupirs!
Enfin gelé de crainte et brulé de désirs,

Il voulut exprimer sa douleur infinie:

O trop belle! (sans doute il eut dit Uranie)

Mais le puissant respect qui régnoit dans son coeur
Défendit à sa voix de nommer son vainqueur,
Et plus cruel encor que son martire même,
Voulut qu'il en célât la violence extrème,
Doutant si ce rocher, cet antre et ces forêts,

Pour en être témoins étoient assez secrets. O! combien en son ame il forma de pensées, Et combien aussitôt en furent effacées! O! combien il conçut de funestes desseins, Qui tous contre sa vie excitèrent ses mains! Certes, de moins de fruits nous enrichit l'automne, L'été de moins d'épis nos campagnes couronne, L'hiver a moins de vents, le printemps moins de fleurs, Qu'il ne sentit alors de mortelles douleurs: De sombres désespoirs tous ses sens s'occupèrent, La rage et la fureur à l'envi l'attaquèrent, Et son esprit, ému de leurs rudes transports, Fut cent fois sur le point d'abandonner son corps. Il le croyoit du moins, lorsqu'en la forte idée Dont son amour tenoit son ame possédée, Il pensa que sa nymphe avec tous ses appas Dans ce lieu solitaire eut adressé ses pas. Ses yeux foibles déjà de verser tant de larmes Crurent être éblouis de l'éclat de ses charmes. Ses sentimens perdus, ses esprits dissipés, De leurs perçans rayons crurent être frappés: Même il s'imagina que de cet antre sombre, Leur splendeur bannissoit et la fraicheur et l'ombre; L'air qu'il y respiroit lui sembloit allumé, Et c'étoit ses soupirs qui l'avoient enflammé. Ce n'est pas toute fois qu'en son ame insensée, Il osat concevoir la superbe pensée,

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Que ce divin objet vint pour le secourir;

Il crut que ce n'étoit que pour le voir mourir;
Et dans ce sentiment, prêt à lui satisfaire

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pensa qu'il pouvoit, sans craindre sa colère,.
Ni sortir du respect, lui tenir ces propos
Souvent entrecoupés de pleurs et de sanglots:
Je meurs, vous le voyez; et quelque violence
Qui m'oblige sans cesse à rompre le silence,
Si devant vos beaux yeux je ne perdois le jour,
Jamais vous n'auriez su l'excès de mon amour.

Ce n'est point par des cris, ce n'est point par des plaintes,
Que mon mal vous fait voir ses sensibles atteintes,

Je l'ai si bien caché, que malgré son effort,

Il ne s'est découvert qu'en me donnant la mort:
Et quand vous daignerez, belle pour qui j'expire,
Comparer mon audace avecque mon martire,

S'il m'osa, dites vous, déclarer son tourment,
Son audace du moins n'a duré qu'un moment,
Et sa flamme... mais las! vous ignorez encore,
Depuis combien de temps son ardeur me dévore,
Si ce n'est que vos yeux connoissant leur pouvoir,
Sachent qu'il faut aimer quand on ose les voir.
Ces beaux yeux sont si clairs et si remplis de flammes,
Qu'ils peuvent aisément pénétrer dans les ames:
Mais s'ils ont daigné voir, ces aimables vainqueurs,
Que j'aimois mieux montrer au milieu des langueurs,
Au milieu des tourmens, des supplices, des gênes,
L'excès de mon respect que celui de mes peines;
S'ils m'ont vu, sans espoir d'aucune guérison,
Idolâtrer mes fers et chérir ma prison;
Ils peuvent voir encor mon ame consumée
Conserver les ardeurs dont ils l'ont enflammée,
Mais telles, que sentant qu'elles me font mourir,
Je l'aime encore mieux que de les amoindrir.
Croyant à ce discours, sa bo che criminelle,
Il alloit se jetter aux pieds de cette belle,
Mais n'embrassant que l'air au lieu de ses genoux,
O mes douleurs! dit-il, où me réduisez-vous?
Ces mots furent suivis d'une mortelle transe,
Qui priva ses esprits de toute connoissance;
Il demeura sans voix, sans poux, sans mouvement,
Et n'eût point vu finir ce long saisissement,
Si de son cruel sort l'impitoyable haine,
Qui prolonge ses ans pour prolonger sa peine,
Ne l'eût fait vivre encor par un cruel secours,
Si c'est, vivre pourtant, que mourir tous les jours.

Gamaches, cher Marquis, dont l'ame noble et belle, M'a toujours honoré d'une amitié fidelle;

S'il est vrai que le ciel t'ait fait assez heureux,
Pour n'être point sensible aux tourmens amoureux,
Donne quelques soupirs aux, cruelles atteintes,
Que dans ces tristes vers ma Muse t'a dépeintes:
Et si ton coeur s'émeut aux maux de mon berger,
Que ce soient les derniers qui puissent t'affliger.

JEAN BAPTISTE ROUSSEAU. Der Dichter ROUSSEAU, Sohn eines Pariser Schusters, wurde 1671 geboren. Er erhielt seine erste Bildung in verschiedenen Schulanstalten zu Paris und zeichnete sich schon hier durch etnige dichterische Versuche rühmlich aus. Vom Jahre 1688 an war er Page bey dem damaligen französischen Gesandten in Dännemark, Bonrepeaux, und nachher ging er mit dem Marschall Tallard als Sekretär nach England, wo er mit dem geistreichen Saint-Evremont in genauer Verbindung stand. Nach seiner Rückkehr aus England arbeitete er unter Rouillé im Finanzfache und kultivirte dabey mit brennendem Eifer sein dichterisches Talent, Er machte um diese Zeit einige seiner vorzüglichern, insonderheit dramatischen, Arbeiten bekannt, und erwarb sich dadurch allgemeine Achtung. Unglücklicher Weise kam er um das Jahr 1708 in den Verdacht, Verfasser einiger scheufslichen Couplets zu seyn, die durch eine Oper` Hésione veranlafst worden waren. Man konnte ihn freylich nicht überführen, indessen wurde er doch, weil er den Verdacht auf einen Unschuldigen zu bringen versucht und eingestanden hatte, dafs die fünf ersten Couplets wirklich von ihm herrührten, im Jahre 1712 durch einen Schlufs des Parlements auf immer des Landes verwiesen. Er begab sich nun nach der Schweiz und genofs von dem damaligen französischen Gesandien bey der Eidgenossenschaft, dem Grafen von Luc, viele Wohlthaten, Hier veranstaltete er auch die erste Ausgabe "seiner Werke. Im Jahre 1714 begleitete er den Grafen von Luc, der zum bevollmächtigten Minister bey dem Friedenskon grefs in Baden ernannt worden war, und machte daselbst Bekanntschaft mit dem berühmten Helden Eugen, der ihn schon vorher, vorzüglich wegen seiner Ode à la Fortune, geschätzt hatte, und jetzt mit nach Wien nahm. Er blieb indessen nicht lange in der Gunst dieses Fürsten. Einige beleidigende Ge dichte, die er auf die Mätresse desselben gemacht hatte, nöthig, ten ihn Wien zu verlassen. Er begab sich nun nach Brüssel, wo er seine Bekanntschaft mit dem jungen Voltaire, den er schon zu Paris gesehen hatte, erneuerte. Beyde Dichter lebten anfänglich auf dem freundschaftlichsten Fufse; allein dies Verhältnifs war von kurzer Dauer und artete bald in den bittersten Hafs aus. Die erste Veranlassung dazu soll Voltaire durch seine Epistel an Uranien, die Rousseau äusserst mifsbilligte, gegeben haben; nach andern lag dabey nichts als dieses Dichters Neid über Voltaire's Rulım zum Grunde.

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Es ist bemerkenswerth, dafs Voltaire beständig mit beiden -Rousseau's im Kampfe gelebt hat; in seinen frühern Jahren mit dem Dichter, in seinen spätern mit dem Philosophen. Die Leser seiner Schriften haben sich vor einer Verwechslung beider Namen zu hüten. Rousseau wurde zu Brüssel sehr geachtet, und erhielt hier auch von dem Herzoge von Arleans, Regenten des Reichs, die Erlaubnifs wieder nach scinem Vaterlande zurückzukehren. Er bediente sich indessen der selben nicht, da er sie als eine blofse Gnade ansehen sollte, sondern wünschte, dafs sein Procefs nochmals förmlich durchge schen werden mögte, damit er nicht als Begnadigter, sondern als ein unschuldig Verurtheilter wieder in Frankreich leben könnte. Sein Gesuch wurde abgeschlagen. Er begab sich hierauf im Jahre 1721 nach England, wo er 1723 eine neue Ausgabe seiner Werke in 2 Bünden in 4. veranstaltete, die ihm ungefähr 10,000 Rthlr, einbrachte. Da die Ostindische Gesellschaft, der er dies Kapital anvertraut hatte, bankerutt machte, so sah er sich in die gröfste Dürftigkeit versetzt. Der Herzog von Aremberg bewilligte ihm indessen eine jährliche Pension von 1500 livres und gab ihm überdies, während seines Aufenthalts in Brüssel, einen freyen Tisch. Allein auch dieses Fürsten Gunst verschertzte er durch ein unkluges Benehmen, So aller Mittel zur fernern Subsistenz in Brüssel beraubt, folgte er 1740 dem Vorschlage des Grafen von Luc und begab sich heimlich nach Paris, in der Hoffnung, unbemerkt mehr an sei ner Begnadigung arbeiten zu können, Allein er hatte noch zu

viele Feinde in Paris und sah sich nach einem dreimonatlichen Aufenthalt genöthigt, nach Brüssel zurückzukehren, wo er 1741 starb. Er wurde in der dortigen Karmeliterkirche in dem Gewölbe der Fürsten des Arembergischen Hauses beygesetzt. *) Piron machte folgende passende Grabschrift auf den französi schen Horaz:

Ci gît l'illustre et malheureux Rousseau :

Le Brabant fut sa tombe et Paris son berceau.

Voici l'abrégé de sa vie,

Qui fut trop longue de moitié:
Il fut trente ans digne d'envie,

Et trente ans digne de pitié.

*) Da diese Kirche sehr verfallen ist, und wahrscheinlich niedergerissen werden wird, so geht man jetzt damit um, die Asche des Dichters aus derselben zu entfernen, und in der Kapelle des Lyceums beyzusetzen, wo ihm zugleich ein Denkmal errichtet werden soll,

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