Page images
PDF
EPUB

> appointements, se refuse les despenses de luxe, appelées >> despenses nécessaires à la representation: ses amies, les > amies de ses amies la critiquent; elle le sait, elle se laisse >> critiquer, car elle est vraiement la femme forte, comme » celle qui va à visage découvert. J'ai toujours désiré de > connoitre une belle horlogère de la rue du Roulle, qui est >> belle comme Vénus, qui a deux grandes demoiselles de >> seize ans, belles comme des amours. Elle néglige sa » parure; elle ne pare que ses filles qui ne tarderont pas à > trouver des maris : c'est la femme forte et très forte. On >> me citait une petite femme; toujours assaillie par de > nouvelles fantaisies de bijoux, de musique, de livres, de >> beaux meubles, de beaux jardins, de beaux logements, qui > résistait victorieusement à toutes ces fantaisies, et une >> autre, qui avait un mari doux et débonnaire qui se seroit >> laissé gouverner et par lequel elle se laissait toutefois » gouverner, afin d'obéir aux préceptes de Dieu et à l'ordre » de la nature, je le dis haultement: c'estaient deux femmes » fortes. >>

Madame la Comtesse, inutilement on voudrait interrompre cet homme lorsqu'il a commencé à parler: Figurez-vous un grand rouet de moulin, qui jette l'eau de toute part et brise tout ce qui fait obstacle à son mouvement. Monsieur, Monsieur! lui disais-je, une petite observation, un seul mot! il ne m'entendait pas : force m'a esté de le laisser aller.

<< Un savant et pieux recollet, a-t-il continué, me disait > l'autre jour qu'il avait confessé des femmes de tous les > estats, depuis la pauvre bucheronne (1), qui endure la > pluie, la neige, le soleil, la faim, la soif, la misère, qui >> tous les soirs bénit Dieu, avant d'entrer dans sa couche » de feuilles sèches, jusques aux princesses, aux grandes » dames, dont les volontés et les désirs sont tout-puissants,

(2) Le dictionnaire de l'Académie n'avait pas été fait c'était encore le bon temps; on disait Bucheronne, Librairesse, Horlogère,

» au milieu de ce continuel cortége de grands écuyers, de >> beaux pages et élégants officiers. >>

Il a débité sous le nom du recollet tant de pauvretés, tant de mensonges, que, perdant le peu de patience qui me restait, je me suis sauvé à toutes jambes.

Excusez-moi de vous avoir si longtemps entretenu des bizarres opinions de cet extravagant, qui n'a guères d'autre mérite que d'estre enthousiaste fol de l'esprit de Madame la marquise vostre mère.

Avant de finir ma lettre, je vous demanderai, Madame, encore un moment d'audience. Il est un projet qui me vient et revient souvent dans la teste. Le Père Lemoyne a fait les portraits des femmes fortes qui ne vivent plus; je voudrois, moi, faire les mignatures des femmes qui vivent. Je me suis déjà essayé : voici le premier petit médaillon.

<< Artenice est née du sang des dieux: dès qu'elle vit le » jour, les fées qui la destinoient à monter sur le trosne, » la comblèrent de tous les dons. A peine parut-elle à la » cour que sa beauté éblouit tous les yeux. Ses rivales » obtinrent du Roy, le grand Emanuel, qu'elle seroit Royne » du loingtain Royaume d'Arles (1). C'est là que depuis » plusieurs années, elle règne par son amabilité et par ses » grâces sur un peuple enchanté.

» L'esprit d'Artenice est comme son hault-chasteau. Il est » élevé au dessus des moyennes régions: Artenice tient de » son vieil Homère que les princesses de Troye ne dédai» gnaient les soings du mesnage; elle surveille avec dignité » son immense maison; et par une continuelle économie, » elle en soutient la magnificence. Elle passe, sans effort, » des haultes méditations de la philosophie la plus ardue, à » la petite causerie des salons: elle pose le compas d'Euclide » et prend une aiguille de tapisserie. Artenice fait le >> bonheur du roy, son époux, qui fait le bonheur d'Artenice.

(1) Mme de Grignan était commandante de la Provence. Sur ce fait et sur tous les autres, voyez les Mémoires du temps.

>> Dieu veut les entourer d'une nombreuse famille et multi>> plier dans leur maison les rejetons des héros qui allèrent, >> sous Godefroy de Bouillon, conquérir l'Azie (1).

[ocr errors]

Le cœur d'Artenice est le trône de l'amour filial, aussi >> bien que de l'amour conjugal. Elle est la fille de l'aimante » et aimable Zénobie.

» Au physique la fille est la jolie mignature de sa mère : » au moral sa mère est la jolie miniature de sa fille.

» Artenice, pour avoir un corps délicat n'en est pas moins › la femme forte (2). »

Nous n'osons combattre la bien sévère admonestation de notre inconnu; c'est une pensée fort morale, que celle d'éviter toute flatterie à l'égard des femmes, comme à l'égard des rois mais ici l'abbé n'est pas au confessionnal, et rien ne nous autorise à croire qu'il fut un directeur trop indulgent; nous avouons avoir éprouvé un véritable plaisir à lire ce joli portrait, ainsi que le coup de pinceau vraiment délicat qui met en relief les qualités supérieures de la mère de la comtesse, cet admirable modèle de goût, d'esprit et d'amour maternel.

(1) L'histoire des croisades mentionne les Castellane et les Adhé

mar.

(2) Ce petit flatteur d'abbé Testu, si, au lieu d'exagérer les qualités de Mme de Grignan, dont il était le directeur, il lui eût fait connaître ses défauts, il eût peut-être rendu cette belle, spirituelle et vertueuse comtesse une femme parfaite, autant que ce mot peut s'appliquer aux êtres de la très imparfaite race humaine; c'est une observation malheureusement vraie on dit quelquefois la vérité aux rois, on ne la dit jamais aux jeunes femmes.

ÉTUDE

SUR

QUELQUES PROPRIÉTÉS DES NOMBRES

PAR M. VALAT

Le hasard seul m'a conduit à certains résultats numériques, dont plusieurs rappellent des propriétés connues, si même ils n'ont pas été recueillis avant moi dans des formes analogues ou identiques; ce que je n'ose affirmer, n'ayant pas eu l'occasion de m'occuper de ce genre de questions, plus curieuses qu'utiles. C'est en discutant les équations de deux courbes, l'une du 2e, l'autre du 4o degré, et faisant croître simultanément les abscisses correspondantes par progression arithmétique, que, surpris des résultats singuliers qui s'offraient à moi, je cherchai la loi que je pressentais, et je trouvai les propriétés suivantes ainsi que bien d'autres, dont je m'occuperai avec plus de soin, si celles-ci ont quelque valeur aux yeux des calculateurs.

Je les expose avec toute la concision dont je suis capable et dans l'ordre où elles se sont produites, puisque j'ai dû, en poursuivant mes recherches, étendre et généraliser à mesure que je déroulais les premières conséquences du principe qui m'a servi de point de départ. Je donne l'énoncé sous la forme d'un théorème; puis vient l'application, et je termine par la formule générale, qui sert de démonstration. Je n'ai pas besoin de faire remarquer l'extrême simplicité du premier théorème, qui est l'expression d'une presque

« PreviousContinue »