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unissant aux qualités natives de l'esprit national les mérites que donne l'étude, promettent à leur pays la revanche intellectuelle que l'on peut tenter sans imprudence et, Dieu merci, avec certitude de succès.

Au premier rang, parmi nos conquêtes pacifiques, il faut compter celle qui est due à l'initiative de MM. Gaston Paris, Paul Meyer et plusieurs autres, l'annexion aux études classiques de la philologie nationale méridionale. Grâce aux cours professés au Collège de France et à l'École des hautes études, l'histoire générale de la langue d'oc ne sera plus, dans quelques années, une mine négligée par ceux mêmes qui ont le plus d'intérêt à l'explorer et, en la connaissant plus exactement, on apprendra à mieux connaître aussi l'histoire de la patric française et l'histoire de la langue française qui est aussi une patrie glorieuse et chère.

Mais, pour arriver à décrire sûrement la constitution, l'organisme de nos vieux idiomes, il importe de ne point confondre, de nos jours, ce qui jadis était distinct et parfois successif.

De nombreux dialectes se sont autrefois partagé la France méridionale, et si le languedocien et le gascon ont fait partie d'une même famille, des différences assez profondes les ont distingués pour qu'il soit possible de trouver encore dans les vestiges existants des vieux dialectes, les indices de migrations de peuples ou de courants d'influences politiques dont il importe de constater l'existence et de rechercher les causes.

A Paris, nous l'avons dit, un groupe éminemment éclairé assure le développement de la science nouvelle dans ses traits généraux essentiels; mais pour rendre possible l'exécution d'une synthèse sérieuse complète, il est indispensable qu'une analyse préalable des faits

locaux ait été exécutée à l'aide d'une critique précise et de moyens réguliers n'ayant rien d'empirique et de fantaisiste.

Déjà, Lyon possède une chaire de langues du moyen âge. Mais cette chaire ne saurait représenter qu'imparfaitement pour le Midi l'enseignement spécial qui s'impose comme une nécessité. Sans parler ici de ce qui concerne le languedocien proprement dit, il serait indispensable que Bordeaux, ancienne capitale d'une région où se parlaient les dialectes gascons, fût pourvu d'une chaire de langue romane spécialisée en ces dialectes, et pût par là fournir son contingent à l'étude philologique des idiomes nationaux. Cela semble d'autant plus nécessaire que la ville de Bordeaux publie, depuis quelques années, ses plus anciennes archives, archives qui nous transportent à une époque où le gascon était à la fois la langue parlée et la langue officielle des actes de la vie civile et de la vie politique.

Cette belle publication et d'autres du même genre dues à une initiative dont nous pouvons être fiers à bon droit, celle de M. J. Delpit, n'auront leur entière utilité que lorsque tout un public lettré sera en mesure de les lire couramment, et lorsqu'aura cessé cette anomalie singulière qui fait que les documents écrits dans l'idiome national sont bien moins facilement entendus que ceux rédigés en ce latin barbare qui servait de béquilles conventionnelles à des gens ayant le libre usage de leurs propres jambes.

Une Université se forme à Bordeaux. C'est le moment. de la compléter par une chaire éminemment nécessaire; et l'Académie, qui n'a laissé échapper aucune occasion de montrer l'intérêt qu'elle attache aux études de philologic nationale, a pleinement qualité pour insister

sur l'opportunité de cette création, on peut même dire sur son urgence. En effet, nous assistons certainement aux dernières manifestations parlées d'une langue qui bientôt sera une langue morte. Persuadés de l'utilité qu'il y aurait à en conserver les derniers souvenirs vivants, nous avons depuis longtemps porté et maintenu sur notre programme cette question de l'inventaire détaillé et local des débris des divers dialectes de la région; mais les travaux qui nous ont été adressés montrent que les données les plus essentielles de ce qui constitue l'étude comparative des langues faisaient défaut à leurs auteurs, qui n'avaient ni la naïveté de l'ignorance, parfois précieuse pour sa sincérité, ni la critique du vrai savoir.

Ce savoir, un enseignement universitaire peut seul le donner avec succès, et il semble naturel que Bordeaux le réclame. Avec la connaissance, fort répandue encore chez les gens du monde, du vieil idiome vulgaire, il y a lieu de croire qu'un cours public qui en rappellerait le passé historique et en exposerait les éléments constitutifs, serait suivi avec un intérêt tout exceptionnel et aurait, par suite, une efficacité réelle.

soit

J'ai donc l'honneur de proposer à l'Académie de transmettre au Ministre de l'Instruction publique le vœu qu'une chaire d'histoire et de langue méridionales, spéciale en particulier aux pays de dialecte gascon, établie près la Faculté des Lettres dans la future Université de Bordeaux, et j'estime qu'en exprimant ce vœu notre Compagnie aura, en un moment opportun, fait un acte utile au développement intellectuel de la nation (').

(1) Cette proposition a été accueillie par l'Académie dans sa séance du 25 avril 1877.

ANTOINE DE NOAILLES

A BORDEAUX

D'APRÈS DES DOCUMENTS INÉDITS recueillis, pubLIÉS ET ANNOTÉS

PAR PHILIPPE TAMIZEY DE LARROQUE.

AVERTISSEMENT

La Bibliothèque nationale possède deux volumes manuscrits pleins de renseignements et de documents relatifs à Antoine de Noailles. Un de ces volumes, placé dans le fonds français sous le n° 6948, est intitulé: Pièces et Mémoires pris sur les originaux pour la vie d'Antoine de Noailles; l'autre volume, qui appartient au même fonds, et qui porte le no 6908, renferme un grand nombre de lettres (à l'état de minutes) écrites par Antoine de Noailles, et un non moins grand nombre d'autres lettres (à l'état de copies) reçues par le même personnage. Après avoir attentivement lu et relu ces deux volumes, en les rapprochant de divers autres recueils manuscrits ou imprimés, j'en ai extrait bien des pages (les unes analysées et résumées, les autres reproduites in extenso), pages qui, je l'espère, présenteront quelque intérêt, surtout si l'on considère qu'elles abondent en particularités entièrement nouvelles, et qu'elles forment un important supplément à tous les travaux

dont l'histoire de Bordeaux a été l'objet. Ainsi que l'indique, en effet, le titre même de cette étude, tout en retraçant la biographie complète du guerrier et du négociateur, je me suis principalement servi des précieux matériaux réunis par le zélé collectionneur Roger de Gaignières, et de divers autres matériaux recueillis un peu partout, pour faire connaître de mon mieux celui qui fut capitaine du château du Hà, lieutenant de Roi en Guyenne, gouverneur de Bordeaux, maire de cette ville, et dont le nom est resté l'un des plus illustres parmi les noms de ces magistrats municipaux de la capitale de notre province, qui s'appelèrent tour à tour Candalle, Montferrand, Biron, Montaigne, Matignon, d'Ornano, Roquelaure et d'Estrades.

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