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d'Épicure qui l'a mis au contentement auquel il a donné le nom de volupté. Car, comme tous les vices ne viennent que de l'incertitude et de la faiblesse qui suit l'ignorance et qui fait naître les repentirs, ainsi la vertu ne consiste qu'en la résolution et la vigueur avec laquelle on se porte à faire les choses qu'on croit être bonnes, pourvu que cette vigueur ne vienne pas d'opiniâtreté, mais de ce qu'on sait les avoir autant examinées qu'on en a moralement de pouvoir; et bien que ce qu'on fait alors puisse être mauvais, on est assuré néanmoins qu'on fait son devoir; au lieu que, si on exécute quelque action de vertu et que cependant on pense mal faire, ou bien qu'on néglige de savoir ce qui en est, on n'agit pas en homme vertueux.

Pour ce qui est de l'honneur et de la louange, on les attribue souvent aux autres biens de la fortune; mais, pour ce que je m'assure que votre majesté fait plus d'état de sa vertu que de sa couronne, je ne craindrai point ici de dire qu'il ne me semble pas qu'il n'y ait rien que cette vertu qu'on ait juste raison de louer. Tous les autres biens méritent seulement d'être estimés, et non point d'être honorés ou loués, si ce n'est en temps qu'on présuppose qu'ils sont acquis ou obtenus de Dieu par le bon usage du libre arbitre; car l'honneur et la louange est une espèce de récompense, et il n'y a rien que ce qui dépend de la volonté qu'on ait sujet de récompenser ou de punir.

Il me reste encore ici à prouver que c'est de ce bon usage du libre arbitre que vient le plus grand et le plus solide contentement de la vie, ce qui me semble n'être pas difficile, pour ce que, considérant avec soin en quoi consiste la volupté ou le plaisir et, généralement, toutes les sortes de contentements qu'on peut avoir, je remarque en premier lieu qu'il n'y en a aucun qui ne soit entièrement en l'âme, bien que plusieurs dépendent du corps; de même que c'est aussi l'âme qui voit, bien que ce soit par l'entremise des yeux. Puis je remarque qu'il n'y a rien qui puisse donner du contentement à l'âme, sinon l'opi

nion qu'elle a de posséder quelque bien, et que souvent cette opinion n'en est qu'une représentation fort confuse, et même que son union avec le corps est cause qu'elle se représente ordinairement certains biens incomparablement plus grands qu'ils ne sont; mais que, si elle connaissait distinctement leur juste valeur, son contentement serait toujours proportionné à la grandeur du bien dont il procéderait.

Je remarque aussi que la grandeur d'un bien à notre égard ne doit pas seulement être mesurée par la valeur de la chose en quoi il consiste, mais principalement aussi par la façon dont il se rapporte à nous; et qu'outre que le libre arbitre est de soi la chose la plus noble qui puisse être en nous, d'autant qu'il nous rend en quelque façon pareils à Dieu et semble nous exempter de lui être sujets, et que, par conséquent, son bon usage est le plus grand de tous nos biens, il est aussi celui qui est le plus proprement nôtre et qui nous importe le plus; d'où il suit que ce n'est que de lui que nos plus grands contentements peuvent procéder; aussi voit-on, par exemple, que le repos d'esprit et la satisfaction intérieure que sentent en eux-mêmes ceux qui savent qu'ils ne manquent jamais à faire leur mieux, tant pour connaître le bien que pour l'acquérir, est un plaisir sans comparaison plus doux, plus durable et plus solide que tous ceux qui viennent d'ailleurs.

J'omets encore ici beaucoup d'autres choses, pour ce que, me représentant le nombre des affaires qui se rencontrent en la conduite d'un grand royaume, et dont votre majesté prend elle-même les soins, je n'ose lui demander plus longue audience; mais j'envoie à M. Chanut quelques écrits où j'ai mis mes sentiments plus au long touchant la matière, afin qué, s'il plaît à votre majesté de les voir, il m'oblige de les lui présenter, et que cela aide à témoigner avec combien de zèle et de dévotion je suis, etc.

A M. CHANUT

Sur l'infinité du monde.

En premier lieu, je me souviens que le cardinal de Cusa et plusieurs autres docteurs ont supposé le monde infini, sans qu'ils aient jamais été repris de l'Église pour ce sujet; au contraire, on croit que c'est honorer Dieu que de faire concevoir ses œuvres fort grandes; et mon opinion est moins difficile à recevoir que la leur, pource que je ne dis pas que le monde soit infini, mais indéfini seulement. En quoi il y a une différence assez remarquable car pour dire qu'une chose est infinie, on doit avoir quelque raison qui la fasse connaître telle, ce qu'on ne peut avoir que de Dieu seul; mais pour dire qu'elle est indéfinie, il suffit de n'avoir point de raison par laquelle on puisse prouver qu'elle ait des bornes. Ainsi il me semble qu'on ne peut prouver, ni même concevoir qu'il y ait des bornes en la matière dont le monde est composé; car, en examinant la nature de cette matière, je trouve qu'elle ne consiste en autre chose qu'en ce qu'elle a de l'étendue en longueur, largeur et profondeur, de façon que tout ce qui a ces trois dimensions est une partie de cette matière, et il ne peut y avoir aucun espace entièrement vide, c'est-àdire qui ne contienne aucune matière, à cause que nous ne saurions concevoir un tel espace que nous ne concevions en lui ces trois dimensions, et par conséquent de la matière. Or, en supposant le monde fini, on imagine audelà de ses bornes quelques espaces qui ont leurs trois dimensions, et ainsi qui ne sont pas purement imaginaires, comme les philosophes les nomment, mais qui contiennent en soi de la matière, laquelle, ne pouvant être ailleurs que dans le monde, fait voir que le monde s'étend au-delà des bornes qu'on avait voulu lui attribuer. N'ayant donc aucune raison pour prouver et même ne pouvant concevoir que le monde ait des bornes, je le nomme indéfini.

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vérités éternelles et sur la liberté...

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A M***. Jugement de Descartes sur quelques lettres

de Balzac..

222

A M. DE BALZAC.

227

A M. DE BALZAC.

Sur sa retraite en Hollande...

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AU R. P. MERSENNE. Sur le Traité du Monde.

Au R. P. MERSENNE.
Au R. P. MERSENNE.

A M. DE ZUITLICHEN
A M***

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Sur un passage de saint Augustin...
Sur l'existence de Dieu, etc..

A UN R. P. JÉSUITE.
A Mme ÉLISABETH.

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241

242

Sur la Morale et le De vitá beatâ.

248

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A LA REINE DE SUÈDE. La morale stoïcienne dans

294

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