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Mais entre deux affirmatives il peut y avoir opposition; c'est ce qui arrive lorsqu'on donne successivement au même sujet deux attributs qui s'excluent mutuellement. Exemple : Le cercle est rond, Le cercle est carré.

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Mais pour que deux propositions affirmatives puissent être opposées, il faut qu'elles aient le même sujet.

Deux propositions dont l'une est affirmative et l'autre négative, ne peuvent être opposées qu'autant que l'une nie d'un sujet ce que l'autre affirme du même sujet. De sorte qu'entre une proposition affirmative et une proposition négative il ne peut y avoir d'opposition qu'autant qu'elles ont toutes deux le même sujet. Si je dis : Pierre est juste; — Paul n'est pas juste, ces deux propositions ne sont point opposées. En effet, la vérité de l'une n'exclut pas la vérité de l'autre, et toutes deux peuvent être vraies, comme toutes deux peuvent être fausses.

Si une proposition dit précisément ce qu'il faut pour en détruire une autre, l'opposition est dite contradictoire, et les propositions qui sont ainsi opposées sont appelées propositions contradictoires. Telles sont les deux suivantes : Toute figure est étendue; - Quelque figure n'est pas étendue.

Mais si une proposition dit plus qu'il ne faut pour en réfuter une autre, alors l'opposition est dite contraire, et les propositions ainsi opposées sont appelées propositions contraires. Telles sont les deux suivantes : Tout homme est juste; - Nul homme n'est juste.

Pour détruire la première de ces deux propositions, il suffit de montrer que quelque homme n'est pas juste ; et par conséquent, si, au lieu d'employer cette proposition particulière négative, on se sert de l'universelle négative, il est clair qu'on dit plus qu'il ne faut pour détruire la première de ces deux propositions.

L'universelle affirmative et l'universelle négative (A et E), voilà donc ce qu'on appelle des propositions contraires. Comme il est impossible que tout homme soit juste, et qu'en même temps nul homme ne le soit, il est évident que deux propositions contraires ne peuvent pas être vraies à la fois; et, d'un autre côté, comme il n'est pas nécessaire que tout homme soit juste, pour qu'on ne puisse dire que nul homme ne le soit, il s'ensuit aussi nécessairement que toutes deux peuvent être fausses.

Ainsi ce qui distingue les propositions contraires des contradictoires, c'est que deux propositions contraires peuvent être toutes deux fausses, exemple : Tout homme est juste; — Nul homme n'est juste; tandis que de deux contradictoires, l'une est nécessairement vraie et l'autre nécessairement fausse. Exemple : Nul homme n'est juste; - Quelques hommes sont justes.

Il y a donc un avantage réel à combattre un adversaire plutôt par des propositions contradictoires que par des propositions contraires, puisque si je n'emploie contre lui que des contradictoires, il me suffira de lui prouver qu'il a tort, pour qu'il s'ensuive que j'ai raison; tandis que si je le combats par des propositions contraires, après avoir prouvé qu'il se trompe,

il me restera à établir que je ne suis pas moi-même dans l'erreur.

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Des différents noms que prend la proposition selon l'usage qu'on en fait. Considérée relativement à son emploi, la proposition prend différents noms.

On l'appelle définition lorsque son attribut fait connaître la nature du sujet, c'est-à-dire lorsque son second membre explique le premier. On remarque, au surplus, que le second membre d'une définition ne peut expliquer le premier qu'autant que le second membre est lui-même connu avant le premier; autrement il n'expliquerait rien.

Elle prend le nom de division quand elle exprime le partage d'un tout en ses parties, ou d'un genre en ses espèces.

On l'appelle axiome ou principe, quand elle exprime une vérité non contestée; corollaire, si elle énonce une vérité qui résulte immédiatement d'une autre proposition qui vient d'être démontrée. (Voir ce qui a été dit au commencement de cet ouvrage sur les définitions et les principes.)

Quant à la division, nous devons ajouter quelques

mots.

La division est une proposition qui énonce la distribution d'un tout en ses parties ou d'un genre en ses espèces. Dans le premier cas, la division prend le nom de partition; dans le second, elle retient celui de division.

Il y a deux règles principales à observer pour la division: il faut premièrement que la division soit en

tière, c'est-à-dire que ses membres embrassent le tout que l'on divise, autrement on ne pourrait pas dire que le tout a été divisé en toutes ses parties, ou qu'un genre a été distribué en toutes ses espèces.

Secondement, il faut que les membres de la division soient opposés, c'est-à-dire que tout ou partie de l'un ne rentre pas dans l'autre, et ne le rende pas inutile, en ne présentant que la même idée sous d'autres termes 1.

La division des animaux en raisonnables et dociles ne serait pas exacte, parce que les animaux dociles ne diffèrent pas des animaux raisonnables.

Les règles de la division s'appliquent aux subdivisions; seulement on remarque qu'il ne faut pas multiplier les divisions sans nécessité; cela rappellerait d'une manière fâcheuse la méthode des scolastiques, qui multipliaient les classes au delà de ce qui pouvait être utile. Il y aurait peut-être moins d'inconvénients à pécher par défaut que par excès. En divisant trop peu, on ne voit pas tout, il est vrai, mais du moins ce que l'on a sous les yeux on le voit. En divisant trop, au contraire, tout échappe au regard, tout se perd dans la confusion. Simile confuso est, quidquid usquè in pulverem sectum est. (Sénèque, Epist. 49.)

Le mieux est donc de se borner à un petit nombre de divisions utiles, qu'il suffit d'avoir énoncées une fois pour ne pas les oublier.

1 On remarque aussi que le premier membre d'une division doit être, autant que possible, un degré pour monter au second; que celui-ci doit enchérir sur le premier; et enfin, que la division doit être naturelle et exprimée en termes clairs et précis.

Des idées déduites.

J'appelle idées déduites toutes les idées qui ne sont pas le produit immédiat de l'attention et de la comparaison, et qui sont dues au raisonnement. Ce sont des idées de rapport qui étaient comme cachées et enveloppées dans d'autres idées, et qui ne se sont montrées à nous qu'après l'action du raisonnement.

Parmi les idées ou connaissances de toute sorte que nous pouvons acquérir, il y en a que nous pouvons nous procurer immédiatement par l'observation des choses auxquelles elles se rapportent; on les nomme faits, ou connaissances de fait, vérités de fait. Ces premières idées sont le point de départ de l'esprit pour arriver à d'autres connaissances. Ainsi, ce sont des faits ou vérités de fait que la neige est blanche, que le verre est transparent, que l'eau est liquide, que le feu échauffe, etc.; parce que l'attention seule donnée à ces choses suffit pour nous apprendre qu'elles ont effectivement ces qualités.

Mais, indépendamment de ces connaissances qui sont le fruit de l'observation, il en est d'autres, et c'est le plus grand nombre, qui dérivent de ces vérités de fait, et qui en sont les conséquences plus ou moins éloignées. Celles-ci, auxquelles il est parfois difficile de s'élever, sont toutes dues à l'action du raisonnement, et sont appelées idées relatives déduites, ou simplement idées déduites.

Ainsi, ce n'est pas immédiatement, ou par la simple attention donnée à notre globe, que nous pouvons

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