Page images
PDF
EPUB

Si l'un vous culbute, on en glose;
Mais l'autre allant au petit pas,
La chûte est toujours peu de chose,
Et souvent on n'en parle pas.

L'Arabe place dans l'histoire
Les ânes devenus fameux;
Un roi de l'Inde se fait gloire
D'avoir des ânes pour aïeux.
L'âne eut jadis sa fête en France.
Ah! si ce bon temps revenait,
A combien de gens d'importance
Il faudrait donner un bouquet!

L'âne entretien dans l'abondance
Marchés et moulins tour-à-tour;
Et s'il succombe à sa souffrance,
De sa peau l'on fait un tambour.
Or, quel homme, je vous en prie,
Entre ceux qu'on vante si fort,
Fit plus de bien pendant sa vie
Et plus de bruit après sa mort?

ANONYME.

LES OIES.

AIR: Des fraises, des fraises, des fraises.

Des chansonniers damoiseaux
J'abandonne les voies;

Quittant bosquets et roseaux,
Je chante, au lieu des oiseaux,
Les oies. (Ter.)

Rossignol, en vain là-bas
Ton gosier se déploie.
Malgré tes brillants appas,
En broche tu ne vaux pas
Une oie. (Ter.)

Strasbourg tire vanité

De ses pâtés de foies;

Cette superbe cité
Ne doit sa prospérité

Qu'aux oies. (Ter.)

On peut faire un bon repas
D'ortolans, de lamproies.
Mais Paris n'en produit pas;
Il s'y trouve à chaque pas
Des oies. (Ter.)

Si Thémis seule est pour toi,
Plaideur tu te fourvoies,
Patelin prouve pour moi
Qu'il faut à nos gens de loi
Des oies. (Ter.)

Rome, en tes dangers pressants,
Les gens que tu soudoies,
Ces guerriers si menaçants
Un jour périssaient tous, sans
Les oies. (Ter.)

Les Grecs, d'un commun aveu,
S'ennuyaient devant Troie;

Pour les amuser un peu,
Ulysse inventa le jeu
De l'oie. (Ter.)

Sur un aigle au vol brutal
Jupiter nous foudroie;
Il nous ferait moins de mal
S'il choisissait pour cheval
Une oie. (Ter.)

Muse, je veux m'arrêter:

Au diable tu m'envoies;

N'ayant personne à fêter,
C'est assez longtemps chanter
Les oies. (Ter.)

LES CABRIOLETS.

AIR: Muse des bois, etc.

Il est un char adopté par la mode,
Indispensable à l'homme comme il faut,
Fragile, étroit, périlleux, incommode,
A cela près n'ayant point de défaut.
Le sage à pied vainement s'en irrite;
La mode parle; et cet esprit follet
Veut que l'on juge un homme de mérite
A la couleur de son cabriolet.

Eclaboussé du Parnasse à la Bourse,
L'humble piéton marche entouré d'écueils.
Malheur à lui! Tout s'attrape à la course,
Emplois, faveurs, suffrages et fauteuils.
Un tilbury qu'à grand peine on évite
Roule au Pactole un moderne Rollet;
Et nos auteurs, afin d'aller plus vite,
Ont mis Pégase à leur cabriolet.

Hier encor, dans sa frêle gondole,
L'encens des sots énivrait un richard;
Autel fragile, aussi bien que l'idole,
Le premier choc a renversé son char.

Chez nos aïeux, le riche de la veille
A l'hôpital pédestrement allait;

Mais aujourd'hui tout s'arrange à merveille;
On y descend de son cabriolet.

J'entends souvent redire avec Horace,
Que nos aïeux valaient bien mieux que nous.
C'est une erreur; voit-on chez notre race
Devant un grand le génie à genoux?
Voit-on l'auteur de vingt pièces courues
Aller à pied, ainsi qu'un prestolet!
On voit encore l'esprit courir les rues;
Mais, grâce à Dieu, c'est en cabriolet.

JACINTHE LECLÈRE.

L'ÉQUIVOQUE.

AIR: Femme, voulez-vous éprouver.

Autrefois, dans le bon vieux temps,
On parlait un simple langage;
Un mot alors n'avait qu'un sens
Ou ne présentait qu'une image.
Bientôt la vérité déplut;

Et quelque bel esprit, je pense,
Quand la franchise disparut,
Fit naître l'équivoque en France.

« PreviousContinue »