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L. Dauriac.

F. Pillon.
siècle.

-

F. Pillon.

née 1894.

-

Le Phénoménisme neutre.

L'évolution de l'Idéalisme au dix-huitième
Spinozisme et Malebranchisme.

Bibliographie philosophique française de l'an-

PARIS

ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET C
FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR

108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108

1895

Tous droits réservés.

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L'apôtre Paul prêchant l'Évangile aux gentils a été l'agent unique, à l'origine, de la propagation du christianisme dans le monde romain. On est allé quelquefois jusqu'à le regarder comme le fondateur de cette foi dont il a pourtant fallu que Jésus lui fournît le type. En réalité, il se l'est assimilée à un degré extraordinaire, avec quelques très heureux développements dogmatiques, et sans aucune déviation grave qu'on puisse démontrer. Il a différé sous tous les rapports de ces vulgarisateurs de doctrines, qui ne les font goûter au peuple qu'en les altérant pour les lui rendre claires et accessibles. Il s'est maintenu fidèlement au point de vue de Jésus sur la nature transitoire des choses de ce monde, et sur la proximité de la venue du Christ glorieux, avec cette inévitable différence seulement, que Jésus, en annonçant sa résurrection, n'a pas probablement entendu parler de son retour à la forme corporelle commune après sa mort 1, tandis que Paul a admis ce fait matériel, sur le témoignage des croyants du miracle. Il est résulté de l'indifférence, ou, pour mieux dire, du dégoût de l'apôtre, et de son pessimisme au sujet des choses temporelles, que sa doctrine a été aussi détachée que l'avait été

(1) Voyez l'Étude sur la doctrine de Jésus-Christ, Année philosophique pour 1893, p. 22, 36, 41.

PILLON.

Année philos. 1894.

SEP 20 1906206920

1

celle de Jésus lui-même de toute vue politique, ou de gouvernement et d'organisation sociale. L'action de l'apostolat sur le monde n'avait pas pour but, dans sa pensée, de régir le monde, ne fût-ce que selon l'esprit, mais de préparer pour sa fin le plus grand nombre possible de sujets d'élection, en vue du Royaume des Cieux. Il ne prêchait pas ce que les habitudes des modernes font entendre sous le nom de religion, et qui est une façon de gouvernement de la multitude, mais bien un mystère comme les Grecs l'avaient toujours compris, destiné à être révélé aux âmes inquiètes et dignes de l'initiation. Paul appelle l'Évangile, ou Bonne Nouvelle, dont il est le porteur, le Mystère de Dieu, le Mystère du Christ, le Mystère de l'Évangile. Il nomme son Evangile et la publication de Jesus-Christ (tòa nhà phải từ tập 2 I75507:27) « la révélation d'un mystère tenu caché pendant des siècles éternels, et porté par l'ordre du Dieu éternel, au moyen des écrits prophétiques, à la connaissance de toutes les nations pour les amener à la foi1».

Un second point par lequel Paul se montre le pur disciple de Jésus consiste en ce que son esprit universaliste, opposé au particularisme de la Loi, garde cependant toutes ses racines dans la tradition mosaïque ou prophétique, et ne se laisse en rien gagner à la métaphysique mythologique de l'hellénisme. Il suit les traces de Jésus, en allant plus loin que lui dans la même direction, pour se séparer du judaïsme littéral des prêtres et des docteurs, pour ouvrir aux gentils l'accès de la religion de foi et de vérité, pour abolir ou du moins déclarer non nécessaires les rites et les pratiques qui séparent les Juifs des autres nations. Mais son Dieu est le Jéhovah de Moïse, de Job, des Prophètes et des auteurs des Psaumes, sans mélange de néoplatonisme alexandrin. Son Messie est celui de la foi populaire, transformé par la prédication de Jésus comme Christ souffrant et voué au sacrifice, mais dont la figure tout anthropomorphique ne s'éloigne pas de la conception du Livre de Daniel et du Livre d'Hénoch, c'est-à-dire des apocalypses palestiniennes. Enfin la morale de Paul est aussi étrangère à l'ascétisme que celle de Jésus,

(1) Ep. Rom., xvi, 25; 1 Cor., 11, 7; Ephés., III, 4; VI, 19; Coloss., 1, 26; II, 2; IV, 3. Je prends occasion de ces citations pour avertir que je puise indifféremment dans les Epitres, en supposant leur authenticité, quand je ne la vois pas contestée pour des raisons généralement admises par la critique scientifique.

son enseignement de l'amour (yi) est l'enseignement même de Jésus, et sa foi mystique est cette communion avec le Christ, que Jésus avait demandée à ses disciples et qui devait leur ouvrir le Royaume des Cieux.

Pour toutes ces raisons, nous pouvons regarder les épitres pauliniennes comme un supplément aux Évangiles synoptiques, dans lequel on aurait ajouté à ce qu'ils nous ont conservé de la prédication de Jésus des éclaircissements dogmatiques sur la justice et le péché, sur l'insuffisance de la Loi pour le salut, sur le plan de la providence divine et sur la résurrection des justes au dernier jour.

Les synoptiques, bien que postérieurs en leur rédaction. aux écrits de Paul, mettent en œuvre des documents à peu près contemporains de ces écrits, et ne portent point de marques d'influences helléniques. Il en est autrement du quatrième Évangile, dans lequel l'éloignement du christianisme vraiment primitif, en dépit de ce qu'il peut s'y rencontrer de transmissions réelles de l'enseignement de Jésus, se témoigne par plusieurs traits d'une extrême importance: 1° La génération métaphysique du Verbe. L'introduction. de cette idée personnifiée : le Verbe, a vicié la théologie pour toute la suite des temps, et noyé le Christianisme dans les contradictions logiques décorées du nom de mystères par une application de ce mot singulièrement différente de celle de Paul. L'apôtre, en effet, appelait un mystère le mystère dont il apportait la révélation (¿ñozáλufiv μustηpíov), tandis que les théologiens donnèrent ce nom à des relations qu'ils déclaraient eux-mêmes ne pouvoir ni expliquer, ni concevoir, et pour lesquelles ils s'épuisaient à trouver des formules d'apparence logique, en se défendant de leur appliquer la logique. 2o Le mythe de l'incarnation de ce verbe. C'est une doctrine du genre des métamorphoses et de la magie. Le Christ du quatrième Évangile ne perd rien de sa conscience. divine, ni de sa puissance, autant qu'il lui plaît de la manifester; son sacrifice et son supplice, qu'il appelle une eraltation, semblent être pour lui une sorte de jeu sublime. C'est d'une manière semblable d'envisager le rôle du Messie souffrant que naquit le docétisme, c'est-à-dire l'opinion de ceux qui regardèrent la manifestation terrestre de ce principe métaphysique : la Parole de Dieu, comme une apparition pure, sans rien de substantiel, et la douleur du Christ supplicié comme une illusion du spectateur.

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