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cet établissement cessa d'exister; mais ayant été rouvert en 1579 par la société de Saint-Paul, il subsista jusqu'à la révolution. Les lettres patentes du 9 décembre 1777, qui autorisent le mont-de-piété de Paris, mentionnent un assez grand nombre de maisons de prêt, qui existaient surtout dans les provinces de Flandre, de Hainaut et d'Artois. Elles n'étaient point établies sur les bases libérales de celle de Reims; une ordonnance de Louis XIII y avait fixé l'intérêt à 5 pour cent; mais Louis XIV, en interdisant le prélèvement de tout droit sur les prêts d'un écu et audessous, permit de porter jusqu'à 15 pour cent l'intérêt des prêts excédant

cette somme.

Le mont-de-piété de Paris s'ouvrit le 1er janvier 1778. Les premiers frais furent faits par une société d'actionnaires. L'intérêt, fixé primitivement à 3 pour cent, ne tarda pas à s'élever au quadruple du taux primitif. Le gouvernement révolutionnaire fit d'abord, par une loi de juillet 1791, quelques modifications au règlement; puis, en 1793, il prononça la suppression de l'établissement. Il s'éleva alors une foule d'établissements particuliers, et il fallut bientôt que la législature nationate s'immiscat dans les opérations de ces banquiers du pauvre. Diverses lois de la Convention et la constitution de l'an 11 allowèrent des fonds pour dégager les nantissements de moins de cent franes. Un décret du 17 thermidor an FIT fixa l'intérêt des prêts sur gage à 5 pour cent, et enfin un arrêté du Directoire du 3 prairial an v rétablit le mont-de-piété de Paris sur ses anciennes bases. Le 16 pluviose an VII, une nouvelle mesure législative soumit à Hautorisation du gouvernement les établissements particuliers qu'on avait laissé subsister; enfin, un décret impé rial du 24 messidor an XII ordonna le remboursement intégral des actions du mont-de-prété, l'établissement devant être dorénavant géré uniquement au profit des pauvres. Les bénefices de l'exploitation entrèrent donc, a partir de cette époque, dans la caisse des hospices. Il est vrai qu'on fixait en même temps le taux de l'intérêt à 12 pour cent. Le 8 thermidor de l'année sui

vante, un nouveau décret ordonna la fermeture des maisons privées.

Des monts-de-piété analogues pour leur organisation à celui de París se sont établis à Bordeaux en 1806, à Marseilie en 1807, à Metz en 1813, à Nantes en 1815, à Lyon et à Toulouse en 1821, à Reims en 1822, à Dijon, à Boulogne et à Besançon en 1823. Il en existe, er outre, aujourd'hui dans les villes de Versailles, Rouen, Strasbourg, Brest Nimes, Tarascon, Beaucaire, Apt, Car pentras, Brignolles, Dieppe, Saint Omer, Angers, Avignon, Calais, Saint Germain en Laye, Saint-Quentin, Nancy, Lunéville, le Havre. Enfin, sous l nom d'OEuvre, il s'est formé à Toulouse, en 1828, une sociéte de prêt charitable et gratuit; Montpellier possède une société semblable.

D'après la dernière organisation du mont-de-piété de Paris, le capital sur lequel il opère est formé : 1° des réserves et des sommes disponibles des administrations de secours public; 2° des cautionnements des employés; 3° des fonds versés par un certain nombre d'actionnaires. Dans les cas de nécessité, l'administration a la faculté d'émettre des billets au porteur payables à un an de date, avec un intérêt qui, régle d'abord a 4 pour cent, a été réduit à 3 depuis le 1er janvier 1829. Elle peut même contracter des emprunts hypothéqués sur les propriétés des hospices. Outre la maison principale située au quartier du Marais, et qui est le centre de ses opérations, le mont-de-piété possède une succursale dans le quartier Saint-Germain, et vingttrois bureaux de commissionnaires répartis entre les différents quartiers de la capitale. Le nombre des articles engagés par jour dans les divers établissements est d'environ 3,800. Le chiffre s'en élève le samedi a 5 ou 6 mille, et la veille des fêtes publiques a 9 ou 10 mille. On compte près de 1,500,000 articles engagés dans l'année; ils représentent une valeur de 25,000,000 de fr. Les quatre cinquièmes de ces articles sout engagés pour des prêts qui ne dépassent pas 10 francs. Le mont-depiété prête sur les objets mobiliers les deux tiers de la valeur, et sur les matières d'or et d'argent les quatre cin

quièmes. Il perçoit pour les frais une rétribution de trois quarts pour cent par mois, plus un droit de prisée d'un demi pour cent. Le nantissement qui n'a point été retiré au bout d'un an est vendu, et le boni provenant de la vente est attribué à l'administration s'il n'est point réclamé dans le terme de trois ans. La moitié des articles vendus se compose d'objets de luxe d'une valeur moyenne de 40 francs, et qui forme plus des trois quarts des sommes prêtées. Du reste, la misère ne vient pas seule réclamer les services du mont-depiété, car si le règlement établit pour les prêts un minimum qui est de 3 fr., il n'a point fixé de limite supérieure. Aussi, il n'est pas rare de voir arriver dans ses magasins, la veille des jours de grande échéance, de pesants bailots de marchandises, dont le proprietaire, Sans cette espèce de commanditaire eventuel, irait deposer son bilan.

Malgré l'élevation du taux de l'inté ret, les frais de l'administration, pour un prêt de moins de 8 francs, ne se trouvent couverts qu'au bout de six mois, et, comme les nantissements sur lesquels se font ces sortes de prêts sont ordinairement retirés dans le courant du mois, il en résulte que, dans ces cas nombreux, l'administration ne rentre pas dans ses frais. Les bénéfices qu'elle réalise sur les prêts plus considérables, et qui appartiennent aux hospices, ne dépassent pas annuellement 200,000 fr.

MONT-SERRAT (bataille de). Après la prise de Tarragone et la destruction du fort de Berga, le maréchal Suchet se dirigea sur le Mont-Serrat, où se trouvaient les magasins d'approvisionnement des Espagnols. Cette position était défendue par le général d'Ayrolas. Dans la nuit du 23 au 24 juin 1811, deux brigades d'infanterie sont dirigées sur Bruch, et y sont bientôt renforcées par la garnison de Barcelone, qui avait été prévenue. Trois redoutes placées au pied de la montagne, et qui couVraient le défilé, sont immédiatement attaquées et enlevees à la baïonnette. Au même instant le général Abbé se porte sur le défilé avec deux regiments et une compagnie de sapeurs. Ces troupes s'avancent à travers un chemin long et

pénible, qui serpente sur le flanc d'une montagne escarpée, défendue par des retranchements, des coupures et des redoutes placées sur des rochers impraticables. Le feu de l'artillerie ennemie, de gros quartiers de pierres lancés sur elles ne peuvent les ébranler; les escarpements les plus difficiles sont fran chis, les redoutes enlevées, et les pièces qui les défendent immédiatement tournées contre les Espagnols. Cependant un fort retranchement, situé en avant d'un couvent, armé de canons et défe du par une nombreuse infanterie, arrête un instant la marche de nos troupes. 50 voltigeurs gravissant alors à travers les fentes de rochers presque inaccessibles, paraissent au grand étonnement des deux armées sur la cime des aiguilles dont la montagne est hé-” rissée, et d'où ils dominent tous le retranchements ennemis. Effrayés de cette audace, les Espagnols abandonnent cette dernière position et fuient à travers les ravins et des sentiers impraticables. Plusieurs prisonniers, deux drapeaux, 10 bouches à feu de gros calibre, un million de cartouches, une immense quantité de munitions, d'habillements et de vivres restent au pouvoir des Frangais.

MONT-TERRIBLE (département du). Il avait été formé, en 1798, du territoire de l'évêché de Bâle, et avait pour chef-lieu Porentruy. Mais il fut ensuite incorporé au département du HautRhin, ainsi que la république de Mulhouse ou Mülhausen réunie en 1798, et une partie de la principauté de Montbelliard réunie en 1796.

MONT-THABOR (bataille du). Pendant que l'armée faisait le siége de Saint-Jean d'Acre, les agents de Djezzar soulevaient toutes les populations environnantes; Kléber, qui avait été détaché du camp pour soutenir le détachement sous les ordres de Junot, annonça bientôt que l'ennemi, au nombre de dixhuit à vingt mille hommes, descendait de toutes les hauteurs pour déboucher dans la plaine. Les troupes du général Junot et les siennes étaient rentrées dans les positions de Safarié et de Nazareth.

Bonaparte jugea qu'il fallait une bataille générale et décisive pour éloigner une multitude qui, avec l'avantage du

nombre, viendrait le harceler jusque dans son camp. Il laissa devant SaintJean d'Acre les divisions Régnier et Lannes, partit le 26 germinal (15 avril 1799) avec le reste de sa cavalerie, la division Bon et 8 pièces d'artillerie. Le 27, au point du jour, il marche sur Fouli; à neuf heures du matin il arrive sur les dernières hauteurs, d'où il découvre Fouli et le Mont-Thabor. Il aperçoit, à environ trois lieues de distance, les 2,000 hommes de Kléber aux prises avec l'ennemi, dont les forces paraissaient être de 25,000 hommes. Kléber avait formé deux carrés d'infanterie, et fait occuper quelques ruines où il avait placé son ambulance. L'ennemi occupait le village de Fouli avec l'infanterie naplousaine et 2 petites pièces de canon portées à dos de chameau. Toute la cavalerie, au nombre de 25,000 hommes, environnait la petite armée de Kléber; plusieurs fois elle l'avait chargée avec impétuosité, mais toujours sans succès; toujours elle avait été vigoureusement repoussée par la mousqueterie et la mitraille de la division, qui combattait avec autant de valeur que de sang-froid. Bonaparte, arrivé à une demi-lieue du champ de bataille, fait aussitôt marcher le général Rampon à la tête de la 32°, pour soutenir et dégager la division Kléber en prenant l'ennemi en flanc et à dos; puis, au moment où les différentes colonnes prennent leur direction, il fait tirer un coup de canon de 12. Kléber, averti par ce signal de l'approche de Bonaparte, quitte la défensive; ileattaque et enlève à la baïonnette le village de Fouli, passe au fil de l'épée tout ce qu'il rencontre, et continue sa marche au pas de charge sur la cavalerie, qui est aussi chargée par la colonne Rampon celle de Viral la coupe alors vers les montagnes de Naplouse, et les guides à pied fusillent les Arabes qui se

sauvent vers Jenin.

<< Le désordre est dans tous les rangs de la cavalerie de l'ennemi; il ne sait plus à quel parti s'arrêter; il se voit coupé de son camp, séparé de ses magasins, entouré de tous côtés. Enfin, il cherche un refuge derrière le Mont-Thabor; il gagne pendant la nuit et dans le plus grand désordre le pont de El-Mekanié, et un grand nombre se noient

dans le Jourdain en essayant de le passer à gué.

« Le résultat de la bataille d'Esdrelon ou du Mont-Thabor fut la défaite de 25,000 hommes de cavalerie et de 10,000 d'infanterie, par 4,000 Français; la prise de tous les magasins de l'ennemi, de so camp, et sa fuite en désordre vers Da mas. Ses propres rapports font monte sa perte à plus de 5,000 hommes. (*)

MONT-TONNERRE (département du). Réuni à la France, par le traité de Lu néville, avec les trois autres départements formés dans les pays de la rive gauche du Rhin, ce département comprenait une partie de l'électorat de Mayence, du duché des Deux-Ponts, du Palatinat, et des évêchés de Spire et de Worms. Il était borné au nord par le département de Rhin-et-Moselle, à l'est par le Rhin, au sud par les départements du Bas-Rhin et de la Moselle, à l'ouest par ce dernier département et par celui de la Sarre.

MONTYON (Antoine-Jean-BaptisteRobert Auget, baron de), naquit à Paris en 1733, d'un maître des comptes, qui jouissait d'une fortune considérable. Après de brillants succès universitaires, il fut nommé, à 22 ans, avocat du roi au Châtelet, où son inflexible équité le fit surnommer le grenadier de la robe. Il entra bientôt après comme conseiller au grand conseil, et il était depuis 1760 maître des requêtes au conseil d'Etat, lorsque seul, en 1766, il osa parler contre la mise en accusation de la Chalotais. Nommé en 1768 a l'intendance d'Auvergne, il se distingua dans son administration par une bienfaisance intelligente, prélevant jusqu'à 20,000 livres par an sur ses revenus pour les distribuer en aumônes, mais donnant l'aumône par le travail. Sur le refus qu'il fit, après la suppression de parlements, d'installer les nouveau magistrats désignés par Maupeou, il fu révoqué, puis envoyé à Marseille, et de là à la Rochelle. Le crédit du duc de Penthièvre put seul lui faire rendre jus tice, et il fut rappelé à Paris et nomm conseiller d'État. Au milieu des travaux de ses intendances, Montyon s'était li

(*) Relation de l'expédition d'Égypte, pi Berthier,.p. 79.

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vré à l'étude des grandes questions sociales. En 1778, il fit paraître, sous le nom de son secrétaire M***, des Recherches et considérations sur la population de la France, qui furent traduites en plusieurs langues. La même année, il concourut pour le prix d'éloquence à l'Académie française (le sujet était l'éloge du chancelier de l'Hôpi'al); il obtint l'accessit.

Pour inspirer aux autres cette émulation du bien qui le pressait si vivement lui-même, il fonda, sous le voile de l'anonyme, une suite de prix à décerner par l'Académie des sciences, l'Académie française et la Faculté de médecine.Voici, dans l'ordre de leur date, la liste de ces belles fondations, dont un souverain eût pu se montrer jaloux. Il institua, en 1780, un prix pour une expérience nouvelle utile aux arts; en 1782, un prix pour l'ouvrage de littérature le plus utile aux mœurs, et un autre pour un mémoire ou une expérience ayant pour but de rendre une profession moins malsaine; en 1783, un prix pour une découverte tendant à simplifier les procédés d'un art mécanique, et un autre pour récompenser un acte de vertu d'un Français pauvre; enfin, en 1787, un prix pour un mémoire sur une question de médecine.

Cette même année, Montyon avait été proposé pour être garde des sceaux. Il était, depuis 1780, attaché à la cour comme chancelier de la maison du comte d'Artois. Cette charge lui avait été donnée en réparation des torts qu'avaient eus envers lui quelques jeunes étourdis de la cour, torts auxquels le prince n'avait pas été étranger. Montyon ne l'avait acceptée qu'à condition qu'elle serait gratuite.

A la révolution, il crut devoir suivre la fortune de ceux auxquels il s'était ainsi attaché. Il émigra, et se trouvait à Genève en 1792, lorsqu'il obtint un prix de l'Académie française pour un mémoire sur cette question: Conséquences qui ont résulté pour l'Europe de la découverte de l'Amérique, relativement à la politique, à la morale et au commerce. Montyon n'avait pas signé. Il déclara, toujours sans se nommer, qu'il consacrait les 3,000 fr. qui formaient le montant du prix, à en fon

der un nouveau pour récompenser l'écrivain qui indiquerait les meilleurs moyens ou les meilleurs instruments pour économiser ou suppléer la maind'oeuvre des nègres. Ce fut ce qui le fit reconnaître. A Londres, où il passa les dernières années de son émigration, il consacra chaque année 5000 f. aux réfugiés français sans fortune, et pareille somme aux soldats de la république prisonniers en Angleterre, outre 10,000 fr. qu'il faisait parvenir en Auvergne, pour ceux de ses anciens administrés qui étaient dans le besoin.

En réponse au Tableau de l'Europe, où Calonne établissait que la France avait été quatorze siècles sans constitution, il publia en 1798 un Mémoire adressé à Louis XVIII, dans lequel il soutint qu'ily avait une constitution, mais qu'elle avait été « constamment violée par les rois de France.» En 1801, l'académie de Stockholm lui décerna le prix sur ce sujet : Progrès des lumières au dix-huitième siècle. La société royale de Gættingue ayant mis au concours cette question: Quelle influence ont les diverses espè ces d'impôts sur la moralité, l'activité et l'industrie des peuples? Montyon y répondit par un travail qui n'eut pas le prix, parce que, au lieu d'une brochure, il avait fait un livre. L'Éloge de Corneille, qu'il présenta à l'Institut en 1808, fut, par des considérations qui n'étaient rien moins que littéraires, exclu du concours. Enfin, il publia encore, en 1811, l'État statistique du Tunkin, et en 1812, des Particularités et observations sur les contrôleurs généraux des finances, de 1660 à 1791. De retour en France en 1814, Montyon s'occupa, avec l'activité que donne le génie de la bienfaisance, à rétablir ses fondations, et y en ajouta de nouvelles encore, notamment un prix de statistique en 1817.Il mourut en1820, et son testament porta à 1,275,000 fr. le capital des prix qu'il avait fondés, et à 3,800,000 fr. ses donations aux hospi

ces,

dont la plus importante consiste dans ces secours que l'administration distribue maintenant aux convalescents sortant chaque jour de ses établissements, secours si précieux pour aider le malheureux ouvrier à attendre et même à hâter le retour de ses forces ou du travail.

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MONVOISIN (Raymond), peintre d'histoire, de genre et de portrait, élève de Guérin, né a Bordeaux en 1793. Il obtint le deuxième grand prix au concours de peinture, en 1820, et en 1822, le premier grand prix. Revenu de Rome en 1827, il exposa un Episode du Scamandre, et il tient aujourd'hui parmi nos peintres d'histoire un rang distingué. La galerie du Luxembourg possède de Lui deux tableaux qui ont tous deux marqué d'une manière briliante dans les expositions de 1831 et 1834. Dans l'un, Jeanne la Folle, le peintre a su donner à la tête de cette princesse une expression effrayante de vérité, que relève encore et fait mieux sentir l'indifférence empreinte sur la figure du jeune CharlesQuint. L'autre, qui représente le moment où Sixte-Quint quitte le rôle de vieillard infirme que lui avait fait prendre l'ambition, est un tableau richement et habilement composé. Toutes les têtes de cardinaux y sont pleines d'expression, et il faut savoir d'autant plus gré à l'artiste du parti qu'il a su tirer de ce sujet, que l'uniformité des costumes lui opposait à vaincre une grande difficulté.

MORALITÉS. Les morceaux de littérature ancienne appelés moralités ne furent point d'abord destinés à être joués sur un théâtre. C'étaient des poëmes quelquefois fort longs, imaginés ou traduits des anciens, et contenant des enseignements utiles aux diverses classes de la société. Ainsi, dans les douzième et treizième siècles, on faisait entrer dans cette classe les Distiques de Caton, dont, avant 1145. et sous le règne du roi d'Angleterre Étienne, Éverard, moine de Kerkham, premier auteur qui ait mêlé les rimes et employé les strophes dans la poésie française, publia une traduction en vers de six pieds et en strophes de six vers. Atars de Cambrai composa dans le même siècle un Traité sur les moralités des philosophes, contenant près de 3,000 vers de huit pieds, et appartenant à la même catégorie.

Un poëte longtemps inconnu, Pierre de Vernon, qui florissait vers le milieu du douzième siècle, que Barbazan n'a cité qu'une fois ("), et que Roquefort a

(*) Fabliaux, t. IV, p. 443, au mot stras.

fait connaître plus amplement (*), est auteur d'un ouvrage qui appartient aussi aux moralités telles qu'on les comprenait dans l'origine. Son poëme, vraisemblablement traduit du latin, contient plus de 2.000 vers, et ne porte point de titre particulier. On l'a nommé les Enseignements d'Aristote, parce que, dans son préambule, l'auteur prétend avoir traité son sujet d'après un écrit du philosophe de Stagyre.

Nous croyons pouvoir ranger aussi au nombre de ces premières moralités, une foule de traductions des livres saints, de légendes, de contes dévots, de poëmes religieux, que les hommes de couvent et d'église composaient dans les douzième et treizième siècles, pour les opposer aux fabliaux, souvent libertins, que les trouvères, ménétriers et jongleurs allaient réciter dans les chateaux. Parmi les ouvrages de cette na ture, nous citerons comme un des plus amusants, le Voyage de saint Randan au Paradis terrestre, écrit en vers de huit pieds, et sans distinction de rimes masculines et féminines. Cette Odyssée monastique, qui a été souvent imprimée en prose comme en vers, et dont il existe des éditions en allemand, en bas saxon et en flamand, paraît avoir été composée en 1121.

Les trouvères anglo-normands du douzième siècle mettaient aussi en vers les vies des saints, et ces poésies, ayant un but d'édification et d'enseignement, peuvent être considérées comme autant de moralités. En raison de leur nature et de leur destination, on les réservait, ainsi que les précédentes, pour les dimanches et les grandes fêtes, tandis que les compositions profanes étaient récitées ou chantées les autres jours de la semaine.

Guernes ou Garnier de Pont-SainteMaxence, selon Roquefort (**), a mis en vers la Vie de Thomas Becket, arche vêque de Cantorbéry. Il avait commencé cet ouvrage en France; voulant le rendre aussi exact que possible, il se rendit à Cantorbéry vers l'année 1172, y inter

(*) Gloss. de la langue romane, t. II, p. 768, col. 2; et sous plusieurs mols.

(**) État de la poésie française dans les douzième et treizième siècles, p. 237 et suiv

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