prospérité dont elle n'ait profité, ni de malheurs dont elle ne se soit servie. Elle perdit sa liberté, parce qu'elle acheva trop tôt son ouvrage. » (Grandeur et décadence des Romains, ch. ix. IV. Page 370. En bataille au milieu du Forum. Donnons d'abord le texte de Dion : Καὶ οἱ μὲν τὸ Καπιτώλιον προκατειλήφασιν, ὥσπερ τινας Γαλάτας φοβούμενοι ̇ οἱ δὲ ἐκ τῆς ἀγορᾶς πολιορκεῖν αὐτοὺς παρασκευάζονται, καθάπερ Καρχηδόνιοί τινες, ἀλλ ̓ οὗ Ρωμαῖοι καὶ αὐτοὶ ὄντες. Voici notre traduction << Ne voyez-vous pas que les uns occupent le Capitole, comme si les Gaulois étaient aux portes de la ville ; que les autres, en bataille au milieu du Forum, s'apprêtent à marcher contre lé Capitole, comme s'ils étaient des Carthaginois, et non pas des Romains ? » Voici maintenant la version de M. Péricaud : « Deux armées sont en présence dans Rome; l'une se renferme dans le Capitole, comme si la ville était de nouveau menacée par les Gaulois; l'autre, qu'on dirait composée de Carthaginois et non de Romains, se dispose à investir le Forum. » La seule inspection du texte ne prouve-t-elle pas que la seconde armée, au lieu de chercher à investir le Forum, marche au contraire de ce point, ἐκ τῆς ἀγορᾶς, pour faire le siège du Capitole, ou s'est renfermée la première, πολιορκεῖν αὐτοὺς παρασκευάζονται ? La guerre n' eut pas été sanglante, si, comme le dit M. Péricaud, une armée se fût bornée à investir le Forum l'autre à occuper le Capitole. et Le résultat de la prudence clairement garanti par les faits. Ici encore nous devons présenter d'abord le texte de Dion : Τοιαῦτ ̓ οὖν παραδείγματα, καὶ ταῦτα οὐκ ἀλλότρια, ἀλλ ̓ οἰκεῖα ἔχοντες, μὴ μελλήσητε τὰ μὲν ζηλῶσαι, τὰ δὲ φυλάξασθαι ̇ ἀλλ ̓ ἅτε ἀπ ̓ αὐτῶν τῶν πραγμάτων τὴν πεῖραν τῆς ἐκβάσεως ὧν βουλεύεσθε περιειληφότες, μηκέτι τοὺς ἐμοὺς λόγους, ὡς καὶ ῥήματα διασκοπῆτε, ἀλλὰ τῷ κοινῷ διαφέροντα, ὡς καὶ ἐν τῷ ἔργῳ ἤδη ὄντα θεωρεῖτε. Οὐδὲ γὰρ ἀσαφεῖ τινι ἐνθυμήσει τἀφανὲς τῆς ἐλπίδος ἀναῤῥίψετε, ἀλλ ̓ ἐχεγγύῳ πίστει τὸ βέβαιον τοῦ λογισμοῦ προνοήσετε. Voici comment nous avons traduit ce passage : « Ces exemples, puisés non chez des peuples étrangers, mais dans l'histoire de nos pères, vous crient de ne point hésiter à suivre leur première conduite, et à fuir la seconde. Puisque les faits sont là pour justifier les calculs de la prudence, ne voyez point dans mon discours un assemblage de vaines paroles, mais bien l'intention de faire tourner au profit de la république ce que l'expérience nous montre lui avoir été avantageux. Vous n'y trouverez point le vague espoir qu'enfante une méditation incertaine, mais bien plutôt le résultat de la prudence clairement garanti par les faits. >> Voici maintenant la version de M. Péricaud : Ces exemples, puisés non dans l'histoire des nations étrangères, mais dans nos propres annales, vous montrent quelles pourraient étre les suites des circonstances sur lesquelles vous délibérez, et doivent vous apprendre ce qu'il faut éviter, ce qu'il faut faire pour les prévenir. Gardez-vous de croire que mes discours ne soient que de vaines paroles. Comparez avec moi les choses passées aux choses présentes, et vous sentirez combien il est urgent de venir au secours de l'état. Abandonnant donc de chimériques espérances et de trompeuses opinions, vous adopterez le parti le plus sûr. » M. V. Le Clerc dit, à propos de ce discours, qu'il doute fort que ce soit la harangue de Cicéron. Si c'est le passage souligné qui lui a donné cette opinion, je suis bien d'accord avec lui. Il y a plus : le mérite n'en est ni à Cicéron, ni à Dion, ni même à Xylander; il en est tout entier à M. Péricaud. On aura beau torturer les textes grec et latin, jamais on n'en fera sortir les pensées que nous signalons à nos lecteurs. V. Page 381. Mais même d'en réveiller le souvenir. L'évènement auquel il est fait allusion ici eut lieu à Athènes, après l'expulsion des trente tyrans. Page 383. Et changent tout à coup de rôle. Il n'est peut-être pas un peuple dont l'histoire ne confirme cette vérité. Le mot de révolution devrait être rayé du Dictionnaire, s'il n'en était pas ainsi. Nos propres annales nous dispensent de remonter aux Grecs et aux Romains pour trouver des exemples de ces changemens de fortune, de ces terribles catastrophes que les anciens regardaient comme les jeux accidentels d'une destinée capricieuse. Il ne fallait pas moins que la philosophie de l'histoire pour nous apprendre que ces tempêtes politiques ne sont pas des phénomènes fortuits et arbitraires produits par le hasard, détruits par le hasard. L'historien et le poète pourront bien dire : « Des têtes roulent, tantôt sur les dalles des Tuileries, tantôt sur le pavé de la Grève, compte en partie double, tenu au profit de la mort, entre le peuple et la royauté, et écrit à l'encre rouge par le bourreau*. » Le philosophe seul pourra rétablir, entre ces évènemens arbitraires, l'ordre véritable qui les rapproche et les explique. VII. Page 385. Est-il un genre de cruautés auquel il n'ait pas eu recours? « Je supplie, dit Montesquieu (Grandeur et décadence des Romains, ch. x1), qu'on me permette de détourner les yeux des horreurs des guerres de Marius et de Sylla. On en trouvera dans Appien l'épouvantable histoire. Outre la jalousie, l'ambition et la cruauté des deux chefs, chaque Romain était furieux; les nouveaux citoyens et les anciens ne se regardaient plus comme les membres d'une même république, et l'on se faisait une guerre qui, par un caractère particulier, était en même temps civile et étrangère. » Mais presque l'univers entier. Oui; mais il faut observer, cependant, que ces malheurs, dont l'univers entier souffrait, augmentaient sans cesse au dehors la puissance de Rome. « Sous Marius, Sylla, Pompée, César, Antoine, Auguste, Rome, toujours plus terrible, acheva de détruire toutes les lois qui restaient encore. Il n'y a point d'état qui menace si fort les autres d'une conquête, que celui qui est dans les horreurs de la guerre civile. Tout le monde, noble, bourgeois, artisan, laboureur, y devient soldat: et, lorsque par la paix les forces y sont réunies, cet état a de grands avantages sur les autres, qui n'ont guère que des citoyens. D'ailleurs, dans les guerres civiles, il se forme souvent de grands hommes, parce que, dans la confusion, ceux qui ont du mérite se font jour, chacun se place et se met à son rang; au lieu que, dans les autres temps, on est placé, et on l'est presque toujours de travers.» (MONTESQUIEU, Grandeur et décadence des Romains, ch. XI.) , XI. Page 391. D'assurer le salut commun. Citons ici encore le texte de l'historien grec : Οὐδὲ γὰρ δικάζεταί τισιν ἂν ἐν τῷ παρόντι, ὡς τότε πανὺ ἀκριβὲς δίκαιον ζητηθῆναι δεῖν, ἀλλὰ βουλεύεσθαι περὶ τῶν ἐνεστηκότων, ὅπως ὡς ἀσφαλέστατα καταστῇ. — Voici notre traduction: « Il ne s'agit point aujourd'hui d'une cause particulière, pour qu'il vous faille procéder dans toute la rigueur du droit; mais vous * Alexandre DUMAS, Impressions de voyages. délibérez sur les moyens d'assurer le salut commun. » Voici celle de M. Péricaud : « Nous ne devons point nous montrer sévères, ni faire des recherches rigoureuses sur ce qui s'est passé. Occupons-nous plutôt du salut commun, et des moyens de l'assurer. » Judicet lector. XIII. Page 393. Ensevelissez-les dans un profond oubli. De même, dit l'auteur, qu'il faut oublier les malheurs résultant d'un orage ou d'une inondation, de même il faut ensevelir dans un profond oubli les désastres qu'ont entraînés les tempêtes et les orages politiques. On voit que la comparaison est parfaitement juste. Voyons comment M. Péricaud l'a comprise : « Ensevelissons donc les choses passées dans un profond oubli, de même que si elles eussent été englouties dans une tempête, ou entraînées dans un vaste débordement. » Les deux termes de la comparaison sont parfaitement dessinés dans l'original; dans la version, au contraire, on ne les voit pas clairement. Est-ce l'oubli, ou bien les malheurs de l'état, qui sont comparés à une tempête, à un débordement ? XIV. Page 395. Sur ce qui reste à faire. La harangue de Cicéron, que ce soit celle-ci ou toute autre, fut prononcée dans le sénat le 17 mars 710 (le surlendemain de la mort de César). « L'assemblée se tint dans le temple de Tellus. Il s'en fallut bien qu'elle fût libre les vétérans de César étaient en armes, et menaçaient le sénat s'il osait retrancher quelque chose des faveurs et des promesses qu'ils avaient reçues du dictateur. La séance fut vive et tumultueuse; à la fin on décréta, à l'unanimité, que la mort de César ne serait point vengée, qu'une amnistie serait accordée à ses meurtriers, mais que ses actes seraient maintenus, et leur exécution confiée aux consuls *. » * Ch. Du RozoIR, Sommaire de la première Philippique. FIN DU TRENTE-QUATRIÈME VOLUME. |