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fauffement fait courir le bruit. Phaëton piqué au vif de ce reproche, s'en plaignit à fa mere, qui lui dit d'aller lui-même au palais du Soleil, & de lui demander des preuves certaines qu'il étoit fon pere. Le palais. du Soleil, foûtenu par de hautes colonnes, étoit tout brillant d'or & de pierres précieufes; les lambris étoient d'ivoire, & les portes d'argent maffif, fur lefquelles étoient repréfentés les douze fignes du Zodiaque. Le Soleil ayant embraffé fon fils, le rasfûra autant qu'il put fur fa naiffance, & pour lui ôter toute inquiétude, Vous pouvez, lui dit-il, me demander toutes les preuves que vous » voudrez, je ne vous refuserai rien, & j'en prends à temoin le Styx, ce fleuve redoutable des enfers, par » lequel les Dieux jurent, fans pouvoir jamais révoquer leur ferment. A peine le Soleil eut-il parlé, que Phaeton le pria de lui donner pendant un jour la conduite de fon char, pour éclairer le monde. Le Soleil fut également furpris & affligé d'une demande fi téméraire, & fe repentit trop tard de fon ferment; il voulut envain

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envain le détourner d'une fi funefte réfolution, en lui repréfentant que Jupiter lui-même pourroit fuccomber dans une pareille entreprise. Phaëton perfévéra dans fa demande, & le Soleil le conduifit au lieu où étoit fon char; c'étoit l'ouvrage de Vulcain. L'effieu, le timon & les roues étoient d'or, & les rayons des roues étoient d'argent. Les pierres de toutes couleurs dont il étoit enrichi, réfléchiffoient de tous côtés la plus vive lumiere. Cependant l'Aurore vêtue de pourpre ouvre fon palais femé de rofes; les étoiles difparoiffent,' & le Soleil commande aux heures d'atteler fes courfiers qui fe nommoient Pyroïs, Eous Ethon & Phlégon. Il répand fur le vifage de fon fils une effence célefte, pour le garantir de l'ardeur des feux que le char élançoit de toutes parts, & lui, couronne la tête de fes rayons; il lui donne enfuite des inftructions dont une partie a été ainfi exprimée par un ancien Poëte.

Prends garde qu'une ardeur trop funefte à ta vie, Ne t'emporte au-deffus de l'aride Libye.

Là jamais d'aucune eau le fillon arrofe,

1. Partie

F

Ne rafraîchit mon char dans fa course embrafé.
Et enfuite :

Auffitôt devant toi s'offriront sept étoiles.
Dreffe par-là ta courfe & fui le droit chemin.
Phaeton à ces mots prend les rênes en main.
De fes chevaux aîlés il bat les flancs agiles,
Les courfiers du Soleil à fa voix font dociles:
Ils vont, le char s'éloigne, & plus prompt qu'un éclair
Pénétre en un moment les vaftes champs de l'air.
Le Pere cependant plein d'un trouble funefte,
Le voit rouler de loin fur la plaine célefte;

Lui montre encor fa route, & du plus haut des Cieux,
Le fuit, autant qu'il peut, de la voix & des yeux:
Va par là, lui dit-il, revien, detourne, arrête.

Cependant les chevaux fentent qu'ils n'ont pas leur poids ordinaire; ils quittent leur route, & bientôt Phaeton n'en eft plus le maître. Il n'avoit encore fourni qu'une partie de la carriere, & il voit avec douleur ce qui lui refte d'efpace à parcourir; il fe trouble, & quitte les rênes ; les chevaux s'emportent, & tantôt s'élévent jufqu'aux étoiles, tantôt fe précipitent jufqu'auprès de la terre; la Lune eft étonnée de voir le char de fon frere au-deffous du fien. La terre devient aride, les villes entieres avec leurs habitans, font dévorées 2 par les flammes;l'univers s'embrafe de toutes

parts; Phaëton ne peut plus foûtenir la chaleur qui le brûle. Enfin la terre qui fe voit périr, implore le fecours de Jupiter, & ce Dieu, après avoir pris à témoin les autres Dieux, & le Soleil lui-même, de la néceffité où il fe trouve de remédier à un fi preffant danger, monte au plus haut de l'Olympe, & lance fa foudre fur Phaëton. Ce malheureux tombe du haut du Ciel, & fe noie dans l'Eridan ( le Pô.) Les Nymphes de l'Hefpérie, ayant trouvé fon corps, lui rendirent les devoirs funébres, & Clyméne, après l'avoir cherché de tous côtés, le trouva enfermé dans un tombeau, fur un rivage étranger. Les Héliades, foeurs de Phaeton, font entendre leurs cris & leurs gémiffemens, & paffent les jours & les nuits à pleurer auprès du tombeau de leur frère. Au bout de quatre mois, elles furent' métamorphofées en peupliers; leurs larmes qui ne ceffoient point de couler, furent converties en autant de grains d'ambre qui tomberent dans L'Eridan.

Cycnus fils de Sthénelée, & Roi de Ligurie, étoit uni à Phaëton par

la parenté du côté de fa mere, & plus encore par une tendre amitié. La douleur qu'il reffentit de la mort de fon ami, lui fit abandonner fes états, pour venir le pleurer fur les bords de l'Eridan. Il y mourut de langueur, & fut changé en Cygne; mais fe fouvenant fans ceffe de la foudre dont Phaëton avoit été frappé, pour s'être trop élevé vers le Ciel, il fe contente de voler près de terre, & la haine qu'il a conçue pour le feu, lui fait choisir pour fa demeu re les lacs & les étangs.

Cependant le Soleil étoit inconfolable de la mort de fon fils, & refufoit de remonter fur fon char pour éclairer l'Univers. Il fe rendit enfin aux prieres des Dieux, & aux ordres. de Jupiter. La fable qui fait ufage de tout, a dit que ce fut à l'occafion de l'embrafement caufé par Phaeton, que le fang des Ethiopiens brûlé une chaleur fi exceffive, se répandit fur leur peau, & leur donna cette noirceur qu'ils ont encore.

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