de changer les loix de la nature, & d'opérer les prodiges les plus incroyables; mais cette action n'a rien de grand, car elle ne roule le plus fouvent que fur une fade galanterie. C'est un Héros doucereux ou infenfé; c'est un Dieu ou une Déeffe qui fe dégradent par d'indignes amours, & qui ne paroiffent que pour débiter les maximes d'une Morale auffi froi-. de qu'infipide, & dont l'effet seroit de corrompre les moeurs, fi l'on n'étoit plus occupé de la mufique, des danfes & de tout l'appareil du fpectacle, que du fond des chofes, & du genre de vers dont elles font revêtues. La verfification en doit être douce, facile & légère; mais comme le plus fouvent elle eft foible, molle, triviale & dépourvûe de chaleur, elle a befoin d'être foûtenue & réchauffée par les fons du Muficien, Au lieu du vraisemblable qu'exige la vraie Tragédie, l'Opéra veut du merveilleux, & même du merveil-.. leux outré. Il n'eft point affujetti à l'unité de tems & de lieu, & l'on n'y obferve, tout au plus, que l'unité d'action. Tout bien confidéré, c'eft: un Poëme très-informe par lui-même, & qui feroit à peine fupportable fans le fecours d'une excellente mufique. CHAPITRE XII. De la Comédie. LA Comédie eft l'image de la vie ordinaire des hommes; fon objet eft d'adoucir les moeurs, & de faire voir dans autrui les défauts & les ridicules, dont on peut, & dont on doit fe corriger. C'est une imitation d'uneaction feinte, où le but qu'on fe propofe en peignant le ridicule, eft d'en faire honte à ceux qui fe reconnoiffent dans le portrait qu'on en fait elle ne doit point par conféquent rire des défauts qui caufent de la douleur, & qui font plûtôt des objets de pitié, que de rifée, comme d'être bégue borgne, boiteux, contrefait, &c. mais feulement de ceux qui caufent de la honte, & qu'on peut réformer, comme de l'hypocrifie, de l'avarice, de la folle vanité, & autres vices 9 qu'il eft utile de montrer aux hommes dans leurs femblables. La Comédie eft affujettie aux mêmes régles que la Tragédie; elle n'admet qu'une action : elle veut que cette action se passe dans un même tems & dans un même lieu; elle a une exposition du fujet, une intrigue & un dénouement, & on doit dans l'exacte régle, la partager en cinq Actes. Pour donner une jufte idée de la Comédie, je ne puis mieux faire que de tranfcrire ici les préceptes que Boileau én a donnés dans fon art poëtique. Chacun peint avec art dans ce nouveau miroir mique. Quiconque voit bien l'homme, & d'un efprit profond, De tant de cœurs cachés a pénetré le fond, Qui fçait bien ce que c'est qu'un prodigue, un avare; Un honnête homme, un fat, un jaloux, un Sur une fcène heureuse il peut les étaler, Que chacun y foit peint des couleurs les plus La nature féconde en bifarres portraits, Dans chaque ame eft marquée à de différents traits: Un gefte la découvre, un rien la fait paroître ; Mais tout efprit n'a pas des yeux pour la connoître. Le tems qui change tout, change auffi nos humeurs. Chaque âge à fes plaifirs, fon efprit & fes mœurs. Un jeune homme toûjours bouillant dans fes Eft prompt à recevoir l'impreffion des vices, Contre les coups du fort fonge à fe maintenir, La vieillesse chagrine inceffamment amaffe Garde, non pas pour foi, les thréfors qu'elle entaffe ; Marche en tous fes deffeins d'un pas lent & glacé, Toujours plaint le préfent, & vante le paffé; Etudiez la Cour, & connoiffez la ville', Le comique ennemi des foupirs & des pleurs, N'admet point en fes vers de tragiques douleurs : Mais fon emploi n'eft pas d'aller dans une place, De mots fales & bas charmer la populace. Que fes difcours par-tout fertiles en bons mots, |