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3o. Les vers de huit fyllabes.

Tu renverses l'audacieux,

Tu reléves qui s'humilie,

Le pauvre que le monde oublie,
Sera toujours grand à tes yeux.
Tu difpenfes avec justice

Tes châtimens & tes bienfaits;
Que pour les dons que tu m'as faits,
Ma langue à jamais te béniffe.

4o. Les vers de fept fyllabes.

Mon cœur,

fois en affûrance,

Dieu fe fouvient de ta foi.
Les fleaux de fa vengeance
N'approcheront point de toi
Le jufte eft invulnérable;
De fon bonheur immuable
Les Anges font les garands:
Et toujours leurs mains propices
A travers les précipices,
Conduisent fes pas errans.

so. Les vers de fix fyllabes.

Reprenez, belle Flore,
Vos premiéres couleurs,
Couronnez-vous encore
Des plus brillantes fleurs.

Joignez-vous à Pomone
Pour embellir nos champs,
Et prêtez à l'Automne

Les beaux jours du Printems.

6o. Les vers de cinq fyllabes. Dans ces prés fleuris

Qu'arrofe la Seine,
Cherchez qui vous mene,

Mes chères brebis.

J'ai fait, pour vous rendre
Le deftin plus doux,
Ce qu'on doit attendre
D'une amitié tendre;
Mais fon long courroux
Détruit, empoisonne
Tous mes foins pour vous.
Et vous abandonne

Aux fureurs des loups.

Que je vous regrette!

Mais il faut céder.

Sans chien, fans houlette
Puis-je vous garder?

Puiffiez-vous contentes
Et fans mon fecours,
Paffer d'heureux jours,
Brebis innocentes,

Brebis mes amours.

L'arrangement des vers confifte à les joindre enfemble de maniere qu'ils forment une fuite; mais on n'y place pas toujours les rimes de la même façon. Tantôt elles fe fuivent; c'est-à-dire, qu'après deux vers mafculins, on fait marcher deux vers féminins, enfuite deux vers mafculins, puis deux féminins, & ainfi des autres. Ces rimes ainfi fuivies s'appellent des rimes plattes, comme dans ce paffage :

Avant que la raifon s'expliquant par la voix,
Eût inftruit les humains, eût enfeigné des loix,
Tous les hommes, fuivant la groffiére nature,
Difperfés dans les bois, couroient à la pâture.
La force tenoit lieu de droit & d'équité,
Le meurtre s'exerçoit avec impunité.
Mais du difcours enfin l'harmonieuse adreffe
De ces fauvages mœurs adoucit la rudeffe,
Raffembla les humains dans les forêts épars,
Enferma les cités de murs & de remparts,
De l'aspect du fupplice effraya l'infolence,
Et fous l'appui des loix mit la foible inno

cence.

Cet ordre fut, dit-on, le fruit des premiers

vers.

De-là font nés ces bruits reçûs dans l'univers,

Qu'aux

Qu'aux accens dont Orphée emplit les monts de Thrace,

Les tigres amollis dépouilloient leur audace, Qu'aux accords d'Amphion les pierres fe mou

voient,

Et fur les murs Thébains en ordre s'élevoient. L'harmonie en naiffant produifit ces miracles. Depuis le Ciel en vers fit parler les oracles.

Tantôt les rimes masculines & féminines font entrelacées ; & on les appelle des rimes croifées, comme dans les Odes, dans les Stances, & dans plufieurs autres genres de Poëfie; on en voit l'exemple dans ces

yers:

Heureux qui de la Sageffe
Attendant tout fon fecours,
N'a point mis en la richesse
L'espoir de fes derniers jours,
La mort n'a rien qui l'étonne,
Et dès que fon Dieu l'ordonne
Son ame prenant l'effor,
S'élève d'un vol rapide
Vers la demeure où réfide
Son véritable thrésor.

* E

CHAPITRE IX.

De la quantité des Mots. LEs Grecs & les Latins n'employoient point la rime dans leurs vers; ils en régloient la mefure par la longueur, & par la briéveté des fyllabes. La fyllabe longue a un tems, & la fyllabe bréve un demi-tems. De ces tems & de ces demi-tems fe formoient les mesures qu'ils appelloient des pieds, & de ces pieds fe compofoient les vers; ainfi, felon qu'il y avoit dans leurs vers un plus grand nombre de tems ou de demi-tems, ou ce qui revient au même, un plus grand nombre de fyllabes bréves & Tongues, leurs vers avoient plus ou moins de fyllabes.

Quoique les vers François ne foient point affujettis à la proportion des Tyllabes longues & bréves; cependant il faut leur donner, autant qu'il eft poffible, felon les idées qu'on veut exprimer, différens degrés de lenteur ou de vîteffe, en y mettang

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