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toutes les forces, foit qu'il faille enflammer les Juges de colère, foit qu'il faille les attendrir, les porter à la rigueur, ou les tourner vers la clémence. En un mot, la Peroraifon doit frapl'Auditeur par ce qu'il y a de plus vif & de plus animé. Cicéron excelloit dans les Peroraisons, & l'on peut donner le même éloge au P. Bourdaloue;mais fouvent un Orateur médiocre épuife d'abord tout fon feu,& tombe en finiffant dans une langueur qui refroidit & glace fes Auditeurs.

Il eft difficile de bien juger du mérite d'une Peroraifon, qu'on ne se rappelle tout ce qui a précédé. On peut cependant s'en faire une idée dans celle qui termine l'Oraifon funébre du Premier Président de Lamoignon.

N'attendez pas, Meffieurs, que je faffe ici un dernier effort pour » vous émouvoir à la pitié & à la douleur. J'offenferois cette ame fainte, qui après avoir lavé dans le fang de Jefus-Christ, ces taches que le péché laiffe en nous après "notre mort, jouit, fans doute, d'un » bonheur éternel dans les Taber

»nacles du Dieu vivant. Vous le fça» vez, mon Dieu, & je ne fais que le préfumer; mais tant de graces que » vous lui fîtes, & tant de voeux qu'on vous a faits; Jefus-Chrift tant de » fois invoqué, tant de fois immolé fur l'Autel, fans entrer trop avant dans vos jugemens, me donne cette confiance.

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» Puiffe-t-il avoir reçû de vos mains » cette couronne de justice, que vous » donnez à ceux qui vous aiment ! Puiffent ces flambeaux que la piété chrétienne a rallumés, être les marques de fa gloire, plûtôt que Ornemens de fes funérailles! Puiffe »ce Sacrifice d'expiation qu'on offre pour lui, être aujourd'hui un Sacrifice d'action de graces! Et vous, Meffieurs, puiffiez-vous faire revivre après la mort les vertus qu'il a pratiquées, afin d'arriver à la gloire qu'il s'eft acquife. »

CHAPITRE XII.

Des trois genres d'Eloquence. LEs parties du difcours qu'on vient d'expliquer, peuvent avoir lieu dans les trois genres qu'on diftingue dans l'Eloquence; fçavoir, le genre judiciaire, le genre délibératif, & le genre démonftratif.

ARTICLE PREMIER.
Du genre Judiciaire.

CE genre a pour objet les Plai

doyers qu'on prononce devant les Juges, pour demander, pour accufer, ou pour défendre. On peut y ajoûter les Sermons des Miniftres de l'Evangile où ils attaquent les vices, & citent les pécheurs au Tribunal du fouverain Juge, foit pour les faire trembler, en leur annonçant fes jugemens; foit pour les raffûrer, en leur infpirant une jufte & falutaire

confiance en fa miféricorde.

Les régles pour le fonds de ces

difcours, ont été développées cideffus, dans les Chapitres qui traitent de l'Invention & de la Difpofition. On parlera dans la fuite des différens caractères d'élocution qui leur font propres.

Démosthène & Cicéron fe font exercés dans le genre Judiciaire, & ont laiffé bien loin derriere eux tous les autres Orateurs. On trouve aussi d'excellens modéles pour la chaire, dans quelques Sermons des Saints Peres, dans ceux du P. Bourdaloue, du P. Cheminais, de l'Evêque de Clermont, & autres. De fimples extraits ne fuffiroient pas pour les faire bien connoître, & il faut les lire en entier, furtout les harangues de Démofthène & de Cicéron.

ARTICLE I I.

Du genre Délibératif. ON délibere fur ce qui est honnête ou utile, avantageux ou préjudiciable, dans les confeils des Rois, dans un Sénat, dans les affemblées d'un peuple, dans les conférences entre par

ticuliers, ou enfin dans des Congrès généraux. Des miniftres font chargés d'inftruire de la nature des affaires qu'on met en délibération, & d'employer les moyens les plus propres à perfuader ou à diffuader; en quoi il faut confidérer le plus ou le moins d'importance des chofes dont il s'agit, le caractère & la difpofition d'efprit des perfonnes qui demandent confeil, & enfin ce que peuvent & doivent fe permettre ceux qui font confultés, felon les différens dégrés d'autorité & de confiance qu'ils auront acquis.Un Roi, un chef de République, peut auffi propofer fes vûes, fes projets, & les appuyer plus ou moins, felon le plus ou le moins d'avantages qu'il y peut faire envifager. On doit régler ce qu'on doit dire, & la maniére de le dire, felon l'importance ou la médiocrité des affaires; mais en général, l'Eloquence doit y être fimple, noble & pleine de dignité. On peut encore dans l'occasion, y faire usage des paffions, foit qu'il faille exciter la haine, l'indignation, la defiance & la crainte; foit qu'on veuille calmer la colère, attendrir, inspirer