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fique à dévoiler les fecrets de la nature, & à confidérer dans fes effets, l'admirable spectacle qu'elle offre fans ceffe à nos yeux.

Enfin la Morale nous enfeigne à régler nos moeurs, & à rapporter nos actions à la fin pour laquelle Dieu nous a créés. Toutes ces parties de la Philofophie ont une utilité évidente.

Il eft donc utile de s'appliquer à l'étude de la Philosophie.

Les régles que donnent le Logigique & la Rhétorique, pour bien railonner, ne font que de judicieuses obfervations fur ce que la nature nous fait faire; car nous raifonnons naturellement, & la raison aidée de la lecture & de la réflexion, peut fuffire pour nous guider dans nos raisonnemens. Mais il y auroit trop d'orgueil à penfer qu'on n'a pas befoin du fecours des régles pour s'affûrer qu'on ufe bien de fa raifon; car il eft certain que la confidération des précep-tes en excitant notre attention,

peut nous aider à découvrir les erreurs où nous pourrions tomber, nous. mettre en état d'en démêler plus facilement les causes, & de mieux connoître la nature des opérations de notre efprit.

CHAPITRE IX.

Des mauvais raisonnemens qu'on appelleSophifmes & Paralogifmes.

LES

s mots de Sophisme & de Paralogifme s'employent ordinairement comme fynonymes; on peut pourtant les diftinguer en difant, que le Paralogisme eft un faux raifonnement: qu'on fait par ignorance ou par défaut d'attention; & le Sophifme, un faux raifonnement qu'on fait par malice, & dans le deffein de tromper. Il nous eft important d'en connoître les principales fources, tant pour éviter d'en faire nous-mêmes, que pour nous garantir des piéges qu'on pourroit nous tendre, en abufant de l'Eloquence, pour donner au men-fonge les couleurs & l'apparence de la vérité..

La premiere espéce de Sophifme confifte à prouver autre chofe que ce qui eft en question, foit lorsqu'on ignore ce qu'on doit prouver, foit lorfque la chaleur de la dispute le fait perdre de vûe; ce qui arrive souvent dans les conteftations, où l'on raifonne fans qu'on s'entende les uns & les autres. La paffion & la mauvaife-foi s'y mêlent de maniére, qu'on impute à fon adverfaire ce qu'il ne penfe pas, & qu'on tire de ce qu'il dit,des conféquences qu'il défavoue. La feconde efpéce, eft de fuppofer pour vrai ce qui eft en queftion. Rien n'eft plus contraire à la droite raison; car dans tout raisonnement, ce qui fert de preuve, doit être plus clair que ce qu'on veut prouver. D'un autre côté il eft abfurde de prouver une chofe inconnue ou incertaine, par quelque chofe d'inconnu ou d'incertain.

La troifiéme, est de prendre pour la caufe d'une chofe, ce qui n'en eft pas la cause. Ce Sophifme a ordinairement fa fource dans la vanité. Un fçavant préfomptueux croira fe deshonorer s'il paroît ignorer quelque chofe,

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chofe, & lorfqu'on lui demande la caufe de quelques effets, il aimera mieux en donner de chimériques, que de n'en point donner du tout. C'eft par cette efpéce de Sophifme, que les Aftrologues attribuent tout aux influences du Ciel & des Altres, & impofent ridiculement à la multitude ignorante. Delà, cette crainte puérile des Eclipfes, des Cométes, des Aurores Boréales; delà, cette criminelle folie d'aller confulter les difeurs de bonne aventure, & les faifeurs d'horofcope.

La quatrième, eft de juger d'une chofe par ce qui ne lui convient que par accident, comme lorfque l'on condamne fans reftriction l'Eloquence comme dangereufe, parce qu'on a quelquefois abufé du talent de la parole, pour féduire & pour tromper. Ainfi les hérétiques ont fait rejetter aux peuples, dont ils ont fur-pris la crédulité, l'invocation des Saints, & la vénération pour les Reliques, parce qu'il s'eft quelquefois gliffé des abus & de la fuperftition dans ces faintes pratiques, que l'Eglife a autorifées de tous les tems.

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Outre les Sophifmes qui ont rapport à la science, il s'en fait d'autres par amour propre, par intérêt, par humeur, ou par quelque autre paffion. Ce font même les plus communs dans les difcours ordinaires, & les plus dangereux pour la conduite de la vie.

Premierement, il arrive que l'amour propre, l'intérêt ou la paffion, nous attache à une opinion plûtôt qu'à une autre, fans nous laiffer la liberté d'examiner fi elle eft raisonnable. Alors nous jugeons des chofes, non par ce qu'elles font en ellesmêmes, mais par ce qu'elles font à notre égard. Nous aurons conçû de l'averfion contre une perfonne; dès ce moment-là, nous ne reconnoîtrons en elle aucune bonne qualité. Quelqu'un nous aura contrarié dans nos fentimens & dans nos defirs; cela fuffit pour nous le faire regarder comme un téméraire un orgueil-leux, un ignorant, un homme fans honneur & fans foi. Celui que nous aimons eft fans défauts; ce que nous défirons eft jufte & facile, & il n'y a d'autre caufe de ces jugemens & de

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