Page images
PDF
EPUB

tera l'idée qu'on doit avoir de la vertu, en faifant confidérer fes charmes & fes heureux effets, pour l'oppofer à celle du vice, dont on fera connoître la noirceur, & les défordres où il précipite ceux qui s'en laiffent infecter.

CHAPITRE VIII.

Des preuves & des raisonnemens. ON ne parle que pour dire quelque

chofe, & dans toutes les occafions que nous avons de parler, nous fouhaitons qu'on croye que les chofes font comme nous les difons, c'està-dire, que nous fouhaitons convaincre & perfuader. Mais il ne fuffit pas toujours d'expofer fimplement la vérité, parce que ceux à qui nous parlons, peuvent être entraînés d'un autre côté, par leurs paffions, par leurs préjugés, , par un efprit d'opiniâtreté, ou même d'incrédulité. Alors pour les convaincre, ou du moins pour les confondre, il faut recourir à la voye des preuves & des raifonne

mens; ce qui fe fait en établissant la vérité que nous voulons perfuader, fur des principes certains & indubitables.

Je fuppofe, par exemple, qu'on ne veuille pas me croire, lorfque je dis, que tôt ou tard les méchans font punis, & les bons récompenfés; j'établis d'abord ce principe qu'on ne peut me contefter:

Dieu eft un Eftre fouverainement jufte.

J'y applique enfuite cette propofition.

Un Eftre fouverainement jufte ne peut laiffer le crime impuni, ni la vertu fans récompense.

Et je conclus d'après le principe que j'ai pofé, que

Tôt ou tard les méchans font punis, & les bons récompenIés.

Ce raisonnement eft ce qu'en termes de Logique, on appelle un Syllogifme, & il contient, comme on

voit, trois propofitions, dont les deux premieres fe nomment les Prémiffes, & la troifiéme, la conclufion.

On donne différentes formes au Syllogifme, & l'on n'employe guéres d'autre façon de raifonner dans les Ecoles de Philofophie & de Théologie; mais elle feroit infupportable au barreau, dans la chaire, & dans les difcours ordinaires, parce qu'elle eft féche, froide, languiffante, & contient un verbiage inutile & dégoûtant. Le grand mérite d'un raifonnement eft de dire beaucoup en peu de paroles, & la plupart des Syllogifmes font noyés dans un tas de paroles fuperflues. Des trois propofitions qu'ils contiennent, il y en a prefque toujours au moins une qu'on peut fupprimer, parce qu'elle eft fi claire que l'efprit la fupplée aifément; comme dans ce Syllogifme.

1. Celui qui peut conserver, peut faire périr,

2. Or j'ai pû vous conferver, 3. Donc je pourrai vous faire périr.

En retranchant la premiere de ces

trois propofitions, que l'efprit ne manquera pas de fuppléer, on fera entendre ainfi toute la pensée.

1. J'ai pû vous conferver;
2. Je pourrai donc vous faire
périr.

On fe fert le plus communément dans l'Eloquence & dans les difcours ordinaires, de cette feconde maniére pour exprimer un raifonnement, & c'eft ce qu'on appelle un Enthymeme. Le fyllogifme y eft entier pour le fens quoiqu'il foit imparfait pour l'expreffion, , parce que la propofition qu'on fupprime eft affez claire pour être fuppléée.

La fuppreffion dans un fyllogifme, tombe fur la premiere ou fur la feconde propofition, & quelquefois fur la conclufion, felon la maniére dont le Syllogifme eft conftruit. Le difcours en devient plus fort & plus vif. D'ailleurs, nous fommes flattés qu'on nous laiffe découvrir par nousmêmes la propofition fupprimée. Quelquefois pour ferrer davantage un raisonnement, on le réduit à une fimple propofition, qu'on appelle

Sentence Enthymématique, & qui renferme tout à la fois le Syllogifme & l'Enthyméme.

Voici par exemple un Syllogifme:

1. L'homme qui eft mortel, ne
doit pas conferver une haine
immortelle,

2. Or vous êtes mortel,
3. Donc vous ne devez pas
conferver une haine immor-
telle.

On réduit ce Syllogifme en Enthyméme :

1. Vous êtes mortel,

2. Que votre haine ne foit donc pas immortelle.

Et pour le réduire à une Sentence enthymématique, on dit :

Mortel, ne gardez pas une haine immortelle.

Telle est encore cette Sentence

dans Racine:

Mortelle, fubiffez le fort d'une

mortelle :

qu'on

« PreviousContinue »