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ZOOLOGIE ET PALÉONTOLOGIE.

43. MÉMOIRE SUR LES MOYENS DE REPEUPLER LES EAUX DE LA FRANCE; par M. COSTE. (Comptes rendus de l'Acad. des Sc., du 7 février 1853.)

La pisciculture ou l'étude des moyens de peupler les eaux de poissons a beaucoup occupé les naturalistes, les économistes et les gouvernements depuis quelques années. M. Coste s'est particulièrement occupé de ces questions intéressantes, et dans le mémoire qu'il vient de lire à l'Académie des sciences de Paris, il donne des détails curieux sur l'établissement qui se fonde à Huningue, sous la direction de MM. Berthot et Detzem, et sur les plans arrêtés par M. Coste lui-même et par des ingénieurs du Canal du Rhône au Rhin.

Les sources, qui sortent du pied d'une colline qui borde l'un des côtés du territoire de l'établissement, ont été encaissées en un canal commun, long de 1200 mètres, qui conduit leurs eaux jusqu'à un hangar monumental construit sur le modèle de la gare du chemin de fer de Bade. En arrivant vers la tête de ce hangar, une digue transverse retient ces eaux et les distribue par des ventelles mobiles dans sept ruisseaux parallèles longs de 48 mètres et larges d'un mètre, contenus dans tout ce parcours sous le hangar, formés par des rives de trois pouces d'épaisseur, et séparés par des chemins profonds où circulent les gardiens qui peuvent suivre sans fatigue ce qui se passe au sein des courants dont la surface est à hauteur d'appui.

Les œufs fécondés sont placés dans ces ruisseaux dont on modère la vitesse au moyen des parties mobiles de la digue. Voici comment s'opère cette fécondation artificielle :

On se sert d'un vase de verre, de faïence ou de bois, ou même de fer-blanc, à fond plat, aussi large que l'ouverture; on y verse une ou deux pintes d'eau bien claire, puis on saisit une femelle que l'on tient par la tête et le thorax avec la main gauche, pendant que la main droite, le pouce appuyé sur la face ventrale de l'animal et les autres doigts sur la région dorsale, glisse comme un anneau, d'avant en

arrière et refoule doucement les œufs vers l'ouverture qui doit leur livrer passage. Si les œufs sont mûrs, la plus légère pression suffit pour les expulser, et la femelle délivrée reste féconde pour l'année suivante. Si, au contraire, on est obligé d'employer une certaine violence, on peut être sûr que l'opération est prématurée et il faut l'ajourner. Lorsque la femelle est trop grande pour qu'un seul homme puisse la tenir et la vider, on emploie un aide qui la suspend soit au moyen de ses doigts, soit au moyen d'une corde qu'il passe dans les ouïes.

Il arrive quelquefois que les œufs sont altérés par un trop long séjour dans l'ovaire, on le reconnaît à la présence d'une certaine quantité de matière puriforme qui trouble l'eau, et à la teinte blanche que prennent les eaux en tombant dans le vase.

On fait la même opération sur un mâle pour se procurer la laitance qui, si elle est en pleine maturité, coule abondante, blanche et épaisse comme de la crème. Il en faut assez pour que le mélange prenne l'apparence du petit lait. On a soin alors d'agiter l'eau et de remuer doucement les œufs avec les fines barbes d'un long pinceau ou avec la main, et on laisse reposer le mélange pendant une ou deux minutes.

Il faut alors déposer les œufs dans les ruisseaux dont nous avons parlé, dits ruisseaux à éclosion. Le meilleur moyen est de les placer dans des claies ou corbeilles en osier, dont les mailles font un crible à travers lequel passent les détritus de l'eau, et qui sont assez évasées pour permettre une observation et une surveillance facile. Le gardien peut ainsi étendre de nouveau les œufs si le courant les entasse, ôter les byssus qui s'y forment, empêcher leur adhérence, etc. Il modère le courant, change les corbeilles et entretient la propreté pendant tout le développement.

Lorsque les poissons sont éclos, un courant rapide que l'on détermine par l'ouverture des ventelles, les entraînent dans des viviers qui sont placés à l'extrémité inférieure des ruisseaux. Là ils se développent et, transportés à l'état de fretin, ils peuvent servir à ensemencer les rivières, les lacs, les canaux, etc.

M. Coste ajoute que, dans quatre mois, MM. Berthot et Detzem, seront en mesure de choisir six cent mille saumons ou truites qui

seront alors prêts à être transportés. L'intention est de commencer par le Rhône qui, comme on le sait, manque de saumons, ainsi que tous les fleuves qui se versent dans la Méditerranée. Un million d'œufs est déjà déposé dans les ruisseaux et commencent à éclore. Au printemps, on fera des essais sur le saumon du Danube et sur l'aloze.

Cet établissement est fondé sur des bases colossales; il dispose de dix sources, débitant 500 litres d'eau par seconde, d'une rivière qui le traverse, de marais, du Rhin lui-même. Il a 12 kilomètres de circonférence.

Nous faisons des vœux pour qu'aucune circonstance fâcheuse ne vienne diminuer les résultats qu'espère le savant auteur de ce mémoire. Il voit déjà les rivières de France repeuplées de toutes les espè ces utiles que nourrit l'Europe, et ne recule pas même devant l'ensemencement et l'exploitation des mers. L'esturgeon et le sterlet ne tarderont pas, suivant lui, à partir des rivières de France, où ils sont devenus rares, pour se répandre dans la mer, et y vivre jusqu'à leur âge adulte. Il pense qu'alors, orientés par les courants qui les y auront conduits, ils remonteront le cours des mêmes fleuves, comme les oiseaux que chaque printemps ramène aux lieux où ils ont coutume de construire leur nid et d'élever leur famille, et qu'ils apporteront ainsi aux populations riveraines l'inépuisable tribut d'une nouvelle conquête de la science.

M. Coste s'appuie dans ses espérances sur des pratiques analogues qui ont très-bien réussi, mais sur une petite échelle. Il cite la production artificielle des huîtres dans le lac Fusaro (le vieil Achéron), le radeau mobile sur lequel un gardien de l'arsenal de Venise sème et élève des moules qui grossissent avec une prodigieuse rapidité, et le mécanisme à la faveur duquel on attire dans la lagune de Commachio les jeunes poissons de l'Adriatique.

Il termine en engageant l'Administration, pour compléter l'œuvre, à prendre des mesures sévères contre les maraudeurs de rivières et à supprimer, sur tout le littoral français, les pratiques qui, comme la pêche au boeuf, le gangui, dévastent le frai et préparent la ruine des populations de pêcheurs.

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45. NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LA COLONNE ÉPINIÈRE DES POISSONS GANOÏDES, par M. HECKEL. (Sitzungsbericht der Wiener Akad., tome V, p. 143 et 358.)

M. Heckel a fait des observations intéressantes sur les divers états de la colonne épinière des poissons, et en a déduit des caractères propres à éclairer leur classification. Il a fait remarquer que la terminaison de cette colonne épinière vers la queue présente des types assez différents dans la forme des dernières vertèbres et dans celle de leurs apophyses.

Les Ganoïdes osseux vivants et probablement tous les Ganoïdes fossiles, même ceux qui ont comme eux la colonne épinière ossifiée, ont les vertèbres terminales très-imparfaites et en partie cartilagineuses. Les premières traces d'ossification apparaissent sur les côtés de la corde dorsale, avant la formation des apophyses épineuses et des arcs hémaux et neuraux. Ce fait se lie probablement à la circonstance que les Ganoïdes acquièrent pendant toute leur vie de nouvelles vertèbres.

Les Téléostéens ont une organisation fort différente. Dans les uns, une partie notable de la corde dorsale reste pendant toute la vie du poisson sans divisions vertébrales, et s'unit avec un système d'os en toit tout particuliers, qui, appuyés sur la vertèbre qui les précède, et la dépassant en arrière, présente l'apparence d'une apophyse épineuse supérieure ou d'un osselet porte-nageoire et se lie avec les apophyses épineuses inférieures au moyen d'un proces nus vertical. Le canal médullaire longe cette portion de la corde dorsale, et ces deux organes sont ordinairement unis en une masse cartilagineuse en forme de cône allongé. Les rayons de la nageoire caudale, à l'exception des rayons supérieurs, naissent tous en dessous de la corde dorsale, et chaque vertèbre terminale est biconcave comme les antérieures. A ce type appartiennent parmi les poissons fossiles, les Thrissops, Tharsis, Leptolepis, Chirocentrites, etc., et parmi les vivants: les Salmones, les Scopélides et les Ecoces. Ils ont tous les arcs hémaux et neuraux insérés dans les fossettes des corps des vertèbres. Les Clupes, les Cyprinoïdes 18

Sc. Phys. T. XXII.

et les Loches ont les mêmes caractères généraux, mais les arcs et les os sont soudés aux vertèbres.

Les autres Téléostéens ont l'extrémité de la colonne épinière ossifiée jusqu'à l'extrémité, et le dernier corps de vertèbres possède seul une cavité conique qui renferme la fin de la corde dorsale.

M. Heckel a encore montré qu'il y avait de nombreux degrés entre les cordes dorsales complétement nues et les colonnes épinières ossifiées. Ces degrés sont dus au fait que j'ai rappelé plus haut, c'est-à-dire que les arcs hémaux s'appuient sur la corde par des épâtements ou plaques osseuses. M. Heckel les a désignées sous le nom de demi-vertèbres (Halbwirbel). Tantôt ces épâtements sont presque nuls, tantôt les demi-vertèbres forment des plaques arrondies assez marquées; tantôt leur bord se couvre de dentelures; quelquefois enfin elles ce découpent en digitations, qui engrènent les unes dans les autres et recouvrent presque complétementj la corde. Ces divers degrés se trouvent dans les Pycnodontes et concordent d'une manière remarquable avec leur histoire géologique. Les Pycnodontes du trias ont la corde dorsale presque nue, ceux des terrains jurassiques ont les demi-vertèbres assez développées et ceux des terrains tertiaires ont des demi-vertèbres engrenées par des digitations.

Dans d'autres Ganoïdes les demi-vertèbres se développent assez pour se recouvrir. La demi-vertèbre supérieure est dépassée par la demi-vertèbre inférieure, en sorte que l'os est double sur le milieu de la corde dorsale. Cette forme été observée dans les genres Sauropsis, Lepidotus et Pholidophorus, et paraît spéciale à l'époque jurassique.

Les arcs neuraux et les arcs hémaux peuvent se terminer à leur partie pointue par des apophyses épineuses plus ou moins développées, et qui acquièrent des proportions considérables dans quelques poissons très-élevés.

Les vertèbres antérieures partent ordinairement des côtes; ces organes sont attachés sur les rudiments des arcs hémaux, dont les deux pièces constituantes ne se réunissent pas pour former l'arc ou l'ogive, mais restent écartées de chaque côté. Ces côtes sont

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