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NOUVELLES GENEVOISES, Rosa et Gertrude, par R. Töpffer. Paris, chez Lecou, 10, rue du Bouloy; 1853; 1 vol. in-12° : 3 fr. 50.

En annonçant cette nouvelle édition des chefs-d'œuvre de Töpffer, nous voulons simplement constater le succès persistant et fort remarquable qu'obtient l'écrivain genevois devenu l'un des auteurs favoris du public français. Les Nouvelles genevoises publiées d'abord à Genève, puis réimprimées à Paris dans la bibliothèque Charpentier, illustrées plus tard en un beau volume in-8°, reproduites enfin, l'année dernière, dans le format in-32° et dans les illustrations populaires à 20 cent., paraissent maintenant sous une sixième forme avec le joli roman de Rosa et Gertrude. Une pareille vogue justifie de la manière la plus éclatante le mot de M. Xavier de Maistre qui, aux instances de ses éditeurs, pour avoir encore un Lépreux ou quelque Prisonnier du Caucase, répondit. «< Prenez du Töpffer.» Aussi n'ajouterons-nous ici rien à ce que nous avons eu déjà l'occasion de dire, à ce que tant d'autres ont dit beaucoup mieux encore de ce talent original si plein de verve ingénieuse, de grâce piquante et de vraie sensibilité. Nous préférons renvoyer le lecteur à la charmante notice de M. Sainte-Beuve qu'on retrouvera, nous n'en doutons pas, avec un vif plaisir, en tête du volume que publie M. Lecou. Le même libraire publie une édition des Réflexions et menus propos d'un peintre genevois en un seul volume in-12o, et annonce, pour paraître incessamment, une seconde série de Voyages en Zigzag, qui renferme plusieurs excursions autour du Mont-Blanc et du Mont-Rose, encore inédites ou qui n'avaient paru que dans les albums autographiés que Töpffer distribuait à ses élèves.

TABLEAU DE LA LITTÉRATURE DU NORD AU MOYEN AGE, en Allemagne et en Angleterre, en Scandinavie et en Slavonie par F.-G. Eichhoff. Paris. Didier, 1833; 1 vol. in-8° 6 fr. 50.

M. Eichhoff a, dans son Parallèle des langues de l'Europe et de l'Inde, exposé la filiation des principaux idiomes dont l'origine re

monte au sanscrit. Plus tard, dans son Histoire de la littérature des peuples slaves, il a voulu appliquer ce système de rapprochements et de comparaison à des langues moins connues. Aujourd'hui il poursuit son œuvre en nous montrant, dans la littérature du Nord au moyen âge, les résultats sortis de ce fond commun exploité par les diverses nationalités de l'Europe septentrionale.

C'est une étude fort intéressante que celle des premières productions littéraires de chaque peuple. On y retrouve en quelque sorte son acte d'origine et en même temps maintes notions curieuses sur son histoire, ses mœurs et ses croyances. Les Barbares, qui envahirent l'empire romain et qui furent les fondateurs du monde moderne, posséda.ent déjà des chants dans lesquels leurs exploits étaient célébrés et leur théogonie exposée d'une manière plus ou moins mystérieuse. Le recueil de ce genre le plus ancien est l'Edda des Scandinaves. Il renferme tous les chants mythologiques, didactiques, héroïques conservés par la tradition orale depuis le sixième. siècle, et que vers l'an 1100, un savant irlandais, nommé Sæmund Sigfuson, se donna la tâche de rassembler et d'écrire, afin de les sauver de l'oubli. Dans la première partie de l'Edda, les principaux traits de la mythologie des Germains sont esquissés sans beaucoup d'art, mais avec une vigueur poétique très-remarquable. Au milieu d'allusions obscures et d'allégories dont il est à peu près impossible de saisir le sens, on reconnaît des idées venues de l'Orient, des traditions primitives concernant le chaos, la création, l'Etre immatériel dont la volonté établit et maintient l'ordre de l'univers, l'existence des deux principes du bien et du mal, auxquelles se sont mêlées, en les altérant, les événements de l'histoire, les luttes de peuple à peuple, les victoires et les revers de la période qu'on peut appeler héroïque chez les différentes nations du Nord. Quelques-unes de ces poësies offrent des maximes empreintes d'une morale assez pure, expriment des sentiments tendres et délicats, ou donnent des conseils pleins de sagesse. C'est comme le reflet d'une civilisation antérieure, qui ressort d'autant plus évident que les sagas ou légendes des conquérants germains dont se compose la seconde moitié de l'Edda, nous peignent des mœurs plutôt féroces, où le courage du

guerrier paraît être la seule vertu digne d'être célébrée par les scaldes dans leurs chants énergiques et sauvages. L'origine asiatique se révèle davantage encore dans la mythologie slavonne, dont les noms et les images nous ramènent sans cesse vers l'Inde.

Après avoir fait connaître soit par des analyses, soit par des extraits, les parties les plus importantes de l'Edda, M. Eichhoff passe en revue les bardes gallois et irlandais, le poëme anglo-saxon de Beowulf, le chant de Hildebrand, les productions du règne de Charlemagne, la poésie tudesque, les chants des pirates, ceux qu'enfanta le réveil des Slaves et ceux qui se rapportent au règne d'Alfred le Grand. I aborde ensuite l'ère des croisades, et successivement les troubadours, les trouvères, les minnesinger, le cycle épique des Francs et des Bretons, des Lombards et des Saxons, des Goths et des Burgondes, le poëme des Nibelungen, le Dante, les ballades anglaises, les chants écossais, serbes et suisses, enfin le roman du Renard, et s'arrête à l'époque de la renaissance.

Ce tableau rapide captive l'attention par la variété des sujets non moins que par leur nouveauté; car la plupart des œuvres qui s'y trouvent analysées ou traduites ne sont guère connues que d'un petit nombre de littérateurs érudits. M. Eichhoff s'est d'ailleurs efforcé de rattacher ce développement littéraire à la marche de l'histoire, en sorte que le lecteur ne soit pas trop dérouté en passant d'un peuple à l'autre, et puisse mieux comprendre les circonstances sous l'empire desquelles s'est formé le génie national de chacun d'eux. Son travail, quoique restreint dans des limites assez étroites nous paraît suffisamment complet. Il est savant sans aridité, concis sans sécheresse. On remarquera la souplesse de son style qui, d'ordinaire élégant et simple, sait se plier aux tons les plus divers, rendre avec bonheur la rude énergie des vieux bardes du Nord, et s'élever parfois aux plus nobles accents, comme dans l'hymne à Dieu, du poëte russe Derzavine, dont il donne une traduction en vers français tout à fait remarquable.

LA PRESSE PARISIENNE, statistique de tous les journaux nés, morts, ressuscités ou métamorphosés à Paris depuis le 22 février 1848 jusqu'à l'empire, par Henri Yzambard. Paris, 1853; in-18°.

Jamais, même en 1789, époque n'a vu naître et mourir une aussi nombreuse, une aussi curieuse population de journaux que ceux qui surgirent à Paris après les événements de février. Une foule de feuilles excentriques ne vécurent que l'espace d'un soir out d'un matin. Une multitude de publications périodiques se métamorphosèrent, se transformèrent, se fondirent les unes dans les autres. On en vit qui, plutôt que de se résigner à périr, changèrent dix fois de suite d'enseigne et de couleur politique. Telle feuille naquit orléaniste, mourut presque aussitôt, vingt-quatre heures après son trépas, elle ressuscita montagnarde; elle devint légitimiste sous un nouveau titre, reparut gouvernementale et finit par s'éteindre sous la forme d'un programme de théâtre. La plupart de ces journaux. passèrent inaperçus et sans influence, mais il y en eut plusieurs, notamment le Père Duchêne et la Commune de Paris qui prêchèrent l'anarchie avec un déplorable succès, ils mirent le feu aux passions. furibondes qui élevèrent les barricades de juin. Plusieurs de ces feuilles étaient l'œuvre d'individus dont les facultés intellectuelles se trouvaient évidemment dérangées. Il est devenu très-difficile aujourd'hui de retrouver bon nombre de ces productions éphémères, et il est des collectionneurs qui les recherchent, et qui les paient fort cher dans l'espoir de se compléter. L'auteur du livre qui nous occupe a dressé, par ordre alphabétique, une liste qui comprend près de sept cents publications diverses, depuis l'Abeille jusqu'au Zéphir, il indique la date des numéros (ou de l'unique numéro); il fait connaître les noms des rédacteurs; par fois il enregistre quelques anecdotes; il ne donne pas d'extraits des feuilles qu'il énumère, quelques autres écrits relatifs au même objet avaient abordé ces citations qui ont bien un côté instructif et piquant, et qui présentent encore une mine abondante à qui saura l'exploiter avec une judicieuse réserve. M. Yzambard a refondu dans la Presse Pa

risienne, coordonné et complété une publication qui avait vu le jour à la fin de 1848, le Croque-mort de la Presse, ce nécrologe, divisé en six convois, s'annonçait comme étant « l'œuvre d'un bibliophile bien informé, actionnaire de quatorze imprimeries, membre de • vingt-sept clubs et rédacteur de trente-trois gazettes mortes et « enterrées. » Le dernier convoi devait être suivi de «l'art de déterrer les journaux morts et de s'en faire 3,000 livres de revenu, mais sous ces plaisanteries il y a une masse étonnante de renseignements curieux et puisés à de bonnes sources, très-propres à servir de guide dans de vastes catacombes pleines de ténèbres.

CRITIQUES ET RÉCITS LITTÉRAIRES, par Edmond Texier. Paris, 1853, 1 vol. in-12° : 3 fr.

Voici un charmant volume, sans prétention, écrit avec goût, avec esprit, et plein d'aperçus ingénieux sur les hommes et les choses. littéraires de notre temps. L'auteur dit son mot sur la plupart des écrivains à la mode, il esquisse en quelques traits les tendances du jour, il aime l'anecdote et le trait malin. C'est de la critique légère, superficielle, sans doute, mais elle est piquante, sans méchanceté. M. Texier distribue l'éloge et le blâme avec une grâce enjouée qui prédispose en sa faveur, alors même qu'on n'approuve pas tout à fait ses jugements. Il possède d'ailleurs un fond de bon sens dont le cachet se retrouve jusque dans ses boutades en apparence les plus frivoles. Les fragments qu'il a réunis sont en général très-courts, et forment une espèce de mosaïque assez étrange au premier abord, car il n'y a ni ordre, ni lien entre eux. Cependant on les lira, nous croyons, avec plaisir, parce qu'ils expriment d'une manière parfois originale, des idées justes et des sentiments vrais. Les travers de la littérature contemporaine y sont signalés avec franchise, et l'auteur fait preuve d'indépendance. On regrettera seulement qu'il ne se soit pas livré à un travail plus sérieux et mieux suivi; ces petits morceaux détachés ont l'inconvénient d'effleurer à peine les sujets qu'ils traitent; ils ne forment pas un ensemble, un livre qui puisse captiver d'un bout à l'autre l'attention. C'est plutôt une gazette dans

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