Page images
PDF
EPUB

sa fraîcheur première. Telle on voit une jeune fille à peine adolescente, dont la taille svelte et légère promet à l'hymen mille trésors et les voluptés du ciel, tandis que son joli visage offre encore quelques uns des traits à demiébauchés de l'enfance.

L'Automne.

Une teinte pourprée s'étendoit sur l'horizon. Des nuages de couleur d'ambre flottoient avec grâce, et paroissoient disposés à se grouper vers un centre commun. Soudain ces nuages s'écartent, et le soleil couchant se montre dans toute sa splendeur. Tel un monarque assis sur un trône éclatant de rubis et d'opales, annonce, par un coup d'œil, qu'il daigne se manifester aux regards de ses peuples; la foule des courtisans se précipite, et tous se prosternent à ses pieds.

De loin on entendoit le mugissement du taureau précurseur, et celui des vaches paisibles qui, dans leur marche lentement tumultueuse, se pressoient vers leur étable; ensuite le bêlement des agneaux, et la clochette du mouton favori, dont le son argentin se perdoit insensiblement dans les airs. A ces bruits confus, mais non discordans, se mêloit le chant virginal des jeunes filles de Tibur, dont les accens mesurés célébroient le déclin du jour; un chœur d'oiseaux d'espèces variées répondoit par intervalles à cet hymne sacré. Le pâtre amoureux accompagnoit la voix de sa maîtresse, soit de son âpre pipeau, soit avec le mandolin suspendu à sa poitrine, et dont les sons scintillans et détachés égayoient les lointains de ce modeste paysage.

L'Hiver.

Non, ce n'est point sous les climats tempérés de la belle et riante Ausonie que le poëte doit chercher ses modèles, lorsqu'il veut peindre et les sombres hivers, et ces glaces suspendues en longs cristaux, semblables aux stalactites de la grotte d'Antiparos, ces cônes et ces pointes inégales qui surchargent les branches dépourvues de leur verte chevelure. Quel brillant spectacle s'offre à nos regards, lorsque le soleil, écartant avec majesté la foule des nuages

montueux qui s'opposent à ses triomphes, inonde de sa bienfaisante lumière nos forêts silencieuses et nos campagnes desséchées par le souffle glacé des fougueux en

fans d'Eole!

J'irai donc chercher sur la cime des montagnes qui couronnent la belle et libre Helvétie, ces glaciers immenses, ces neiges éternelles dont la solidité, la teinte bleuâtre offrent au physicien philosophe une si ample matière à de nouveaux systèmes sur les époques antédiluviennes, et sur l'origine des choses? O mystères inconcevables du maître de la nature! les flancs de ces rochers sourcilleux recèlent pent-être des torrens de feux clandestins. L'Etna, couvert de neige, n'élance-t-il pas vers le ciel ses laves brûlantes, et de son sein déchiré ne voit-on pas jaillir des fleuves embrasés dont les ondes solides et les filons devastateurs fuient avec rapidité dans les campagnes, brisent et entraînent tout ce qui s'oppose à leur furie? Tel un vieillard, dont la tête est ombragée de cheveux blancs, cache dans son sein un cœur agité de passions_tumultueuses. Si, pour le malheur du monde, une destinée vengeresse arme ses foibles mains du pouvoir suprême, soudain l'orage éclate, des torrens d'hommes, altérés de carnage et de sang, couvrent les riches domaines de Palès, et les empires sont détruits. Mais détournons et nos cœurs et nos yeux de ces images de désolation et de mort. D'une main légère, je vais esquisser quelques unes des grandes scènes si variées que nous offre la saison des glaces et des noirs aquilons.

Cités superbes, ce ne sera pas non plus dans votre sein, au milieu de vos plaisirs factices et corrupteurs, que j'irai composer le tableau des jouissances et des beautés de l'hiver. Rustique et sauvage habitant des forêts et des vallons, je ne quitterai point mon humble demeure. Et vous, somptueux habitans des villes, qui vantez par désœuvrement les douceurs de la vie champêtre, vous souriez de pitié à la seule idée de prolonger votre séjour aux champs durant ces longues et austères intempéries qui affligent votre mollesse. Ah! combien il est facile de démasquer ces poétiques et mensongères amours de nos femmes et de nos gens du monde pour la vie champêtre.

Répondez, êtres frivoles; lui trouvez-vous encore des charmes durant la saison des frimas et des neiges? O nature, nature! n'aurois-tu donc, sous les lambris dorés, que des amans vulgaires?

Maintenant, quittons ces imposans glaciers de la Suisse, ces brillans effets de lumière qui scintillent sur leurs pointes aiguës, ces gouffres, ces précipices recouverts d'une surface trompeuse de neige fragile sous laquelle sont cachés le désespoir et la mort, ces torrens suspendus, ces grottes sinueuses: transportons-nous dans une de ces vastes forêts non moins antiques, non moins vénérables que ces pics audacieux, voisins du ciel, et où nul être vivant ne peut respirer. Là se développe et fuit sous les regards un sol immense également recouvert d'une neige éclatante, dont l'œil ne peut mesurer l'étendue, ni supporter long-temps la monotone et fatigante blancheur. Des groupes imposans d'arbres au tronc noirâtre se détachent en masses colossales sur cet océan immobile qui réfléchit des myriades de faisceaux lumineux.

Le regard attristé glisse ensuite et s'égare péniblement à travers ces longues branches sur lesquelles des flocons de neige condensée remplacent les feuilles tremblantes, dont le mugissement étoit naguère semblable à celui des vagues de la mer; seules elles se rallient au sol par leur blancheur intermittente. Des cèdres altiers, des épines, des pins de diverses espèces, interrompent ces grands contrastes. Leurs feuilles survivancières rappellent à la fois et le souvenir et l'espoir du printemps: malgré leur teinte obscure et sévère, l'œil aimel à s'y reposer.

Oh! quelle foule de sensations amères et d'effrayantes pensées assiége l'âme et comprime le cœur de l'infortuné qui s'est égaré au milieu de ces vastes solitudes? La nuit s'approche, le froid augmente, ses membres s'engourdissent, et cependant son pouls bat avec violence: il ne respire plus qu'avec d'insupportables déchiremèns. Ses forces defaillantes sont près de l'abandonner; un sommeil de mort envahit par degrés tous ses sens; s'il y succombe, il est perdu. Enfin, un silence affreux règne autour de lui. Les oiseaux ne sillonnent plus l'air par leurs chants, et les insectes invisibles, voisins du néant, dont les essaims

répandus dans l'espace animoient l'atmosphère de leur bourdonnement presqu'insensible, et le peuploient à la fois d'amour, de mouvement et de vie, ont disparu de la création. Avec quelle angoisse l'âme de cet infortuné ne s'élance-t-elle pas alors vers les lointains objets de ses douloureuses affections, sa femme, ses enfans, son vieux père! Hélas! toutes ces images chéries vont s'engloutir dans ce désordre où règne un calme lugubre, qui n'est interrompu que par le craquement subit de quelques arbres dont le tronc, cédant aux rigueurs d'un froid excessif, s'écarte et se fend en éclats. Rien ne signale plus la nature vivante, si ce n'est les hurlemens sinistres des bêtes Mais la crainte de la sauvages et des loups dévorans. mort soutient et conserve sa vie. Il a invoqué le CréaIvre teur du monde, l'enfer se referme derrière lui. d'espérance et de joie, il presse de ses lèvres reconnoissantes la terre sacrée qui borne cette prison immense.

La scène change. A droite une opulente cité s'offre à ses regards; en face de lui est un lac d'une vaste étendue dont la surface, quoique diaphane, ne réfléchit plus l'azur transparent des cieux. Ses eaux fortement gelées, recouverts d'une neige légère, résistent au plus pesant fardeau. De gais patineurs, le visage caché sous un masque, les mains enveloppées dans un épais manchon, On croiroit tracent sur l'onde solide cent figures variées. être dans la place publique d'une des premières capitales de l'Europe. Les uns se heurtent en passant, ils chancèlent les spectateurs prévoient en riant une chute prochaine; mais l'adroit patineur, s'appuyant sur un de ses talons, reste un instant immobile, glisse, et reprend avec grâce son équilibre.

Plus loin, sous un ciel non moins nébuleux, on voit de* jeunes et fraîches laitières, les cheveux emprisonnés dans une toque brune, le front couvert d'un léger bavolet, et vêtues d'une jupe bleuâtre, rouge ou cendrée; un corset plus blanc que la neige marque leur taille leste et déliée. Leur bras gauche est appuyé sur la hanche, tandis le droit soutient, en s'arrondissant, un brillant pot au lait posé sur leur tète, et qu'un rayon du soleil fait paroître aussi éclatant que l'or le plus pur A l'aide du rapide

que

patin, elles glissent sur la glace endurcie, et franchissent, en moins d'une heure, l'espace de plusieurs milles.

Mais, ciel! j'aperçois sur les ondes glacées du Wolga un élégant traîneau attelé d'un renne dont les pieds légers et fugitifs ne le céderoient pas même au plus jeune cerf de nos forêts: il vole, avec la rapidité d'une flèche, sur la surface perfide du fleuve. Une mère, sa fille, beauté qui comptoit à peine dix-sept printemps, son jeune époux, occupent cette terrestre nacelle. O désespoir! ô mort! la glace amincie crie, se brise, s'écarte, et le fleuve funeste engloutit dans son sein avare les plus doux trésors de la nature et de l'amour. Un seul instant, un éclair a suffi; l'âme de ces trois infortunés a suivi vers les regions célestes le cri d'horreur et simultané qui signale cette triple mort! Hélas! du moins ils périssent ensemble. C. POUGENS.

SECTION X.

THE AGES OF MAN.

L'Enfance.

L'enfant peut être rempli d'agrémens, de grâces et de charmes, si une éducation 'mal entendue n'a pas contraint ses mouvemens, si la simple nature a développé librement ses membres, s'il a pu en faire usage par tous les exercices qui conviennent à cet âge tendre ; mais, ami de l'agitation et du changement dans tous les genres, les proportions les plus agréables, c'est-à-dire les proportions les plus naturelles, règnent dans ses membres il n'a pas encore appris à les tenir repliés par contenance, à les roidir par bon air, à leur donner des attitudes bizarres par convention; les travaux forcés ne les ont pas encore viciés, déformés, altérés. Sa main n'a pas encore manié des instrumens pesans; son dos n'a pas été courbé sur une charrue ou sur un atelier; ses cheveux flottent au gré des vents et de la belle nature, sans avoir été décolorés bizarrement, brûlés avec art, et souvent ridiculement contraints; sa peau n'a pas été ternie par un soleil ardent, ou gercée par

« PreviousContinue »