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CHAPITRE VIII.

1668 1669.

Madame de Sévigné annonce à Bussy le départ de son fils.- Sévigné n'était parti qu'avec la permission de sa mère. -Sentiments de Sévigné pour sa mère et sa sœur. Son désintéressement.

- Il laisse en partant une procuration pour consentir au mariage de sa sœur et pour signer le contrat. - Dot que madame de Sévigné donne à sa fille en la mariant au comte de Grignan. — Signature du contrat.-Liste de tous les personnages dénommés au contrat. - Détails sur le comte de Grignan et sur sa famille. Des motifs qui faisaient désirer à madame de Sévigné de l'avoir pour gendre. -De son impatience des délais apportés à la conclusion de ce mariage. Elle écrit à Bussy pour le lui annoncer et demander son consentement. Bussy le lui donne par lettre. Elle lui envoie une procuration à signer pour consentir, par-devant les notaires, au contrat. Il ne la signe pas. Son nom ne paraît point au contrat. - Par quelle raison. — Obstacles au mariage causés par les hésitations de mademoiselle de Sévigné et par les conseils du cardinal de Retz. - Madame de Sévigné lui écrit qu'elle ne peut avoir aucun renseignement précis sur l'état de la fortune de M de Grignan et qu'elle s'en rapporte à cet égard à la Providence. Réflexions du cardinal à ce sujet. Date de la célébration du mariage, donnée par madame de Sévigné. — Son imprévoyance. - Réflexions à ce sujet.

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En écrivant à Bussy la nouvelle du départ du baron de Sévigné, dans sa lettre en date du 28 août 1668, madame de Sévigné disait : « Je crois que vous ne savez pas que mon fils est allé en Candie avec M. de Roannès et le comte de Saint-Paul. Cette fantaisie lui est entrée fortement dans la tête; il l'a dit à M. de Turenne, au cardinal de Retz, à M. de la Rochefoucauld: voyez quels personnages ! Tous

ces messieurs l'ont tellement approuvé que la chose a été résolue et répandue avant que j'en susse rien. Enfin il est parti : j'en ai pleuré amèrement; j'en suis sensiblement affligée. Je n'aurai pas un moment de repos pendant tout ce voyage; j'en vois tous les périls, j'en suis morte; mais, enfin, je n'en ai pas été maîtresse, et, dans ces occasionslà, les mères n'ont pas beaucoup de voix au chapitre1. »

Non sans doute, quand on a de pareilles inspirations et la ferme volonté de les suivre, on ne consulte point sa mère. Mais, pourtant, Sévigné ne partit pas sans avoir obtenu le consentement de la sienne. La correspondance de celle-ci nous prouve que, malgré ses défauts et les travers de sa jeunesse, Sévigné se montra toujours plein de tendresse et de déférence pour sa mère ; il savait apprécier ses aimables qualités, et se trouvait heureux de lui prouver son affection par ses complaisances et ses attentions. Bien souvent il préféra à tous les plaisirs de la cour et du monde les longues journées de lectures et de promenades passées en tête à tête avec cette mère chérie, dans la solitude des Rochers. Frère aussi excellent qu'il était bon fils, la préférence marquée que madame de Sévigné manifestait en toute occasion pour sa fille ne lui inspira jamais ni jalousie ni envie. Il aimait tendrement sa sœur, et le lui prouva surtout par son désintéressement.

Au commencement de l'année 1679, Sévigné n'était pas encore de retour de son expédition de Candie, lorsque madame de Sévigné recevait quittance de deux cent mille livres tournois par elle payées, à compte2 des trois cent

'SÉVIGNÉ, Lettres (18 août 1668), t. I, p. 148, édit. de M.; ibid., t. I, p. 207, édit. de G. de S.-G.

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<< En louis d'argent, louis d'or et pistoles d'Espagne, »> dit la quit

mille livres de dot qu'elle donnait à sa fille en la mariant au comte de Grignan. Sévigné, la veille du jour où il avait quitté sa mère pour se rendre à Toulon, avait passé une procuration à l'effet de signer en son nom et d'approuver tous les avantages pécuniaires qui seraient faits à sa sœur par son contrat de mariage. Ce contrat fut signé le 28 janvier 1669, et il est utile, pour l'intelligence de ces Mémoires et des lettres de madame de Sévigné, de faire connaître, selon l'ordre où ils sont mentionnés dans cet acte, tous les personnages qui y comparurent alors, soit en personne, soit par procuration 2.

C'est d'abord le futur époux :

<< François Adhemar de Grignan, chevalier, comte dudit Grignan et autres lieux, conseiller du roi, lieutenant général pour Sa Majesté en Languedoc, demeurant à Paris, rue Béthizy, paroisse Saint-Germain l'Auxerrois. >>

Puis ensuite: «< Marie de Rabutin-Chantal, veuve de Henri, marquis de Sévigné, seigneur des Rochers, de la Haye-de-Torré, du Buron, Bodegat et autres lieux, conseiller du roi, maréchal de ses camps et gouverneur pour Sa Majesté des villes et châteaux de Fougères; stipulant pour mademoiselle Françoise-Marguerite de Sévigné, sa fille, et demeurant rue du Temple, paroisse Saint-Nicolas des Champs. >>

Du côté de l'époux comparaissent, pour donner leur

tance annexée au contrat, dont la grosse originale, signée des notaires GIGAULT et SIMONNET, est sous nos yeux. La dot de mademoi. selle de Sévigné était de plus de six cent mille francs, monnaie actuelle. Le 22 août 1668.

2 Nous avons laissé l'orthographe des noms telle qu'elle est dans l'acte, quoique ce ne soit pas toujours celle qui a été suivie dans cet ouvrage, d'après l'usage établi et les livres imprimés..

consentementau mariage: «Jacques Adhémar de Grignan, évêque et comte d'Uzès, oncle paternel'.

Joseph Adhémar de Monteil de Grignan, chevalier, comte de Venosan, capitaine d'une compagnie de chevaulégers; et Louis, abbé de Grignan, aussi frère [c'està-dire tous deux frères du comte de Grignan 3].

<< Charles de Sainte-Maure, duc de Montausier, pair de France, etc.; et dame Julie d'Angennes, duchesse de Montausier, beau-frère et belle-sœur [ du comte de Grignan par le premier mariage de ce dernier avec la deuxième fille de madame de Rambouillet 4 ].

<< Madame du Puy du Fou de Champagne, marquise de Mirepoix, belle-sœur [ par le second mariage de M. de Grignan avec Marie-Angélique, fille du marquis du Puy du Fou et de Champagne et de Madeleine de Bellièvre 5 ].

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SÉVIGNÉ, Lettres, 6 mars, 11 et 28 octobre 1671.

SÉVIGNÉ, Lettres, 9 juillet, 1er novembre 1671, 7 août 1675, 28 octobre 1676 (le chevalier de la Gloire), 1er novembre 1688; 6 juillet, 31 août 1689; 11 janvier 1690.

3 SÉVIGNÉ, Lettres, 30 mars 1672, 9 septembre 1675 (le plus beau de tous les prélats ); 21 août 1680, 9 janvier 1683, 22 septembre 1688 (M. de Carcassonne); 7 février, 16 juin, 17 juillet 1689 (idem); 17 août 1690.- Sur Louis-Joseph Adhémar de Monteil de Grignan, dit le bel abbé, qui fut successivement évêque d'Évreux et de Carcassonne; conférez encore les Lettres inédites et restituées de madame DE GRIGNAN et de l'abbé DE COULANGES, publiées par M. VALLET De ViRIVILLE, t. IV, p. 320 de la Bibliothèque de l'École des Chartes, 1843, in-8° (lettre du 22 décembre 1677), p. 5 du tirage à part.—Catalogue des archives de la maison de Grignan, 1844, in-8°, p. 30-36. 4 SÉVIGNÉ, Lettres, 4 septembre 1668, 16 mars 1672; 7 août, 24 novembre 1675; 21 février 1680, 1er décembre 1688, 15 février 1690. LOUIS XIV, Œuvres, t. V, p. 373.— CONKART, Mémoires, t. XLVIII, p. 64, 76. — MonglaT, Mémoires, t. L, p. 393, sur madame de Montausier. — SÉVIGNÉ, Lellres, 22 novembre 1671. 5 La marquise du Puy du Fou la mère mourut en mars 1696, à

« Pomponne de Bellièvre, chevalier, marquis de Grignan, conseiller du roi en ses conseils et d'honneur en sa cour du parlement, oncle.

« De Crussol, comte dudit lieu, et dame Julie-Françoise de Sainte-Maure son épouse, nièce '.

<< Henri de Lorraine, prince d'Harcourt, cousin germain maternel, et Françoise de Brancas, princesse d'Harcourt, son épouse 2.

«Antoine-Escalin Adhémar de la Garde, chevalier, comte de la Garde, gouverneur de la ville de Furnes, cousin germain maternel 3.

<< Simiane de Gordes, chevalier des ordres du roi, marquis de Gordes, comte de Carser, chevalier d'honneur de la reine, et dame Marie de Sourdis, son épouse, cousine 4. << Toussaint de Forbin, évêque de Marseille 5. << Madame d'Uzès 6.

l'âge de quatre-vingt-trois ans. Voyez le Mercure galant, mars 1696, p. 221. Cf. Archives de la maison de Grignan, p. 32, no 195. 1 Conférez SÉVIGNÉ, Lettres, en date du 15 mai 1671, du 18 novembre 1671, du 22 janvier 1672, t. II, p. 71, 292 et 357, édit. de G. de S.-G. MONT- Vie du duc de Montausier, t. II, p. 15 et 17.PENSIER, Mémoires, t. XLIII, p. 196. TALLEMANT, Hist., t. II, p. 33, édit. in-8°.

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SÉVIGNÉ, Lettres, 23 mai 1667, 6 janvier et 26 décembre 1672, 1er janvier 1674, 20 juillet 1679. CHOISY, Mém., t. LXIII, p. 432. 3 SÉVIGNÉ, Lettres, 7 et 11 août 1675, 28 octobre 1676, 16 juillet 1677, 20 juillet 1689.

4 SÉVIGNÉ, Lettres, 19 février 1672, 19 novembre 1673.

5 Conférez SÉVIGNÉ, Lettres, 28 novembre 1670, 8 avril 1671, 19 et 27 novembre 1673 (il est nommé la Gréle dans cette lettre), 24 novembre 1675 (nommé seulement l'évêque dans cette lettre), 18 août 1680, 22 février 1690 (c'est le cardinal de Forbin).

6 Madame DE GRIGNAN, Lettres à son mari, 1o43, in-8°, p. 18 et 19 du tirage à part.

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