Page images
PDF
EPUB

1er Devoir.

Description d'un paysage lunaire.

2ème Devoir. Description d'un voyage fait assis à l'intérieur d'un obus de gros calibre tiré par un canon de siège.

3ème Devoir. Une maison hantée.

Dans le premier de ces devoirs, on pourra laisser la bride sur le cou à son imagination; personne n'ira voir si c'est vrai !

Dans le deuxième, il faudra se rappeler qu'il y a des lois physiques et balistiques que nous connaissons. Il faudra trouver un moyen de ne pas être roussi au départ par la chaleur de l'explosion et d'éviter une percussion cérébrale à l'arrivée. Avec un peu d'imagination et du sens commun ce n'est pas difficile. Relisez plutôt Jules Verne.

II. LE PORTRAIT

Généralités

La différence n'est pas très grande entre le genre précédent et le Portrait qui n'est, à proprement parler, qu'une description de personnes.

Pourtant, il présente généralement plus de difficultés, en raison de l'observation moins sérieuse que nous accordons aux personnes. Le même élève, qui ne commettra jamais la faute d'introduire un chemin de fer, un cuirassé ou un philologue dans la description d'une période préhistorique, n'évitera pas si facilement le défaut d'habiller un Saxon de vêtements de coupe moderne y compris des chaussettes bleu pâle et une cravate jaune d'or. Que de fois avons-nous vu Charlemagne revêtu d'une cuirasse d'acier, les Juifs traversant la mer Rouge le fusil sur l'épaule, ou Napoléon envoyant un télégramme à l'un de ses généraux. Et ses fautes, qui peuvent faire rire ceux que l'expérience a mûris, ne sont pas étonnantes de la part de très jeunes élèves.

Outre les anachronismes, il faut tenir compte de la difficulté pour de jeunes intelligences d'adopter temporairement une mentalité différente, d'autant plus différente que le portrait est plus vieux. Il est plus difficile de se mettre dans la peau d'un aède grec que de représenter un bohémien moderne. Et là est le secret de la difficulté du portrait: il faut échanger sa personnalité propre pour celle du sujet. Voyez Flaubert, Balzac, La Bruyère et vous comprendrez ceci encore mieux. D'autre part, le portrait n'est pas un "signalement"; un trait caractéristique suffit quelquefois; on s'en apercevra à la lecture du morceau suivant.

Exemple 1:

nous.

Le paysan français

Si nous voulons connaître la pensée intime, la passion du paysan de France, cela est fort aisé. Promenons-nous le dimanche dans la campagne, suivons-le. Le voilà qui s'en va là-bas devant Il est deux heures; sa femme est à vêpres; il est endimanché; je réponds qu'il va voir sa terre. Je ne dis pas qu'il y aille tout droit. Non, il est libre, ce jour-là, il est maître d'y aller ou de ne pas y aller. N'y va-t-il pas assez tous les jours de la semaine? .. Aussi il se détourne, il va ailleurs, il a affaire ailleurs Et pourtant, il y va. Il est vrai qu'il passait bien près; c'était une occasion. Il la regarde, mais il n'y entrera pas; qu'y ferait-il ? Et pourtant il y entre. Du moins, il est probable qu'il n'y travaillera pas, il est endimanché, il a blouse et chemise blanche.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

Rien n'empêche cependant d'ôter quelque mauvaise herbe, de rejeter cette pierre. Il y a bien encore cette souche qui gêne; mais il n'a pas sa pioche, ce sera pour demain.

Alors il croise les bras et s'arrête, regarde, sérieux, soucieux. Il regarde longtemps, très longtemps, et semble s'oublier. A la fin, s'il se croit observé, s'il aperçoit un passant, il s'éloigne à pas

lents. A trente pas encore il s'arrête et jette sur sa terre un regard profond et sombre, tout passionné, tout de cœur, plein de dévotion. J. MICHELET.

Dans ce morceau, un trait seul est dépeint, l'amour du paysan pour sa terre, amour si profond qu'il a peur de le montrer. Mais ce trait, c'est tout le paysan français et nous comprendrons ce sentiment, poussé à l'excès si nous nous rappelons que "des siècles durant, les générations ont mis là la sueur des vivants, les os des morts, leur épargne, leur nourriture."

:

Exemple 2:

Le Grondeur

M. Grichard. Bourreau! me feras-tu toujours frapper deux heures à la porte ?

Lolive. Monsieur, je travaillais au jardin; au premier coup de marteau, j'ai couru si vite que je suis tombé en chemin.

M. G. Je voudrais que tu te fusses rompu le cou, double chien; que ne laisses-tu la porte ouverte ?

L. Eh! monsieur, vous me grondâtes hier à cause qu'elle l'était quand elle est ouverte, vous vous fâchez; quand elle est fermée, vous vous fâchez aussi; je ne sais plus comment faire !

M. G. Comment faire ?

Ariste. Mon frère, voulez-vous bien.

M. G. Oh! donnez-vous patience.

Comment faire, coquin !

A. Eh! mon frère, laissez-là ce valet et souffrez que je vous parle de ...

M. G. Monsieur mon frère, quand vous grondez vos valets, on vous les laisse gronder en repos.

A. (à part). Il faut lui laisser passer sa fougue.

M. G. Comment faire, infâme !

L. Oh! çà, monsieur, quand vous serez sorti, voulez-vous que je laisse la porte ouverte ?

M. G. Non!

L. Voulez-vous que je la tienne fermée ?
M. G. Non!

L. Si faut-il, monsieur . . . ?

M. G. Encore! tu raisonneras, ivrogne !

A. Il me semble, après tout, mon frère, qu'il ne raisonne pas mal, et l'on doit être bien aise d'avoir un valet raisonnable.

M. G. Et il me semble à moi, monsieur mon frère, que vous raisonnez fort mal. Oui, l'on doit être bien aise d'avoir un valet raisonnable, mais non pas un valet raisonneur.

L. Morbleu! j'enrage d'avoir raison!

M. G. Te tairas-tu ?

L. Monsieur, je me ferais hacher; il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée: choisissez; comment la voulez-vous ? M. G. Je te l'ai dit mille fois, coquin! Je la veux je la

[ocr errors]

Mais voyez ce maraud-là! Est-ce à un valet à me venir faire des questions? Si je te prends, traître, je te montrerai bien comment je la veux! Vous riez, je pense, monsieur le jurisconsulte?

A. Moi? point. Je sais que les valets ne font jamais les choses comme on leur dit.

M. G. Vous m'avez pourtant donné ce coquin-là.

A. Je croyais bien faire.

M. G. Oh! je croyais. Sachez, monsieur le rieur, que "je croyais" n'est pas le langage d'un homme bien sensé.

A. Eh! laissons cela, mon frère, et permettez que que je vous parle d'une affaire plus importante, dont je serais bien aise

...

M. G. Non, je veux auparavant vous faire voir à vous-même comment je suis servi par ce pendard-là, afin que vous ne veniez pas après me dire que je me fâche sans sujet. Vous allez voir, vous allez voir! As-tu balayé l'escalier ?

L. Oui, monsieur, depuis le haut jusqu'en bas.

M. G. Et la cour?

L. Si vous y trouvez une ordure comme cela, je veux perdre mes gages.

let

M. G. Tu n'as pas fait boire la mule ?

L. Ah! monsieur, demandez-le aux voisins qui m'ont vu passer.

M. G. Lui as-tu donné l'avoine ?

L. Oui, monsieur, Guillaume y était présent.

M. G. Mais tu n'as point porté ces bouteilles de quinquina où je t'ai dit.

L. Pardonnez-moi, monsieur, et j'ai rapporté les vides.
M. G. Et mes lettres, les as-tu portées à la poste? Hein!
L. Peste! monsieur, je n'ai eu garde d'y manquer.

[ocr errors]

M. G. Je t'ai défendu cent fois de racler ton maudit violon; cependant j'ai entendu ce matin . . .

L. Ce matin ? Ne vous souvient-il pas que vous me le mîtes hier en mille pièces ?

M. G. Je gagerais que ces deux voies de bois sont encore

L. Elles sont logées, monsieur. Vraiment, depuis cela, j'ai aidé Guillaume à mettre dans le grenier une charretée de foin ; j'ai arrosé tous les arbres du jardin, j'ai nettoyé les allées, j'ai bêché trois planches, et j'achevais l'autre quand vous avez frappé.

M. G. Oh! il faut que je chasse ce coquin-là! Jamais valet ne m'a fait enrager comme celui-ci ; il me ferait mourir de chagrin. Hors d'ici !

L. Que diable a-t-il mangé ?

A. Retire-toi.

BRUEYS ET PALAPRAT, Le Grondeur, Acte I. scène V.

Au lieu d'être borné à un instant quelconque ou à un seul trait, le portrait peut s'étendre sur plusieurs années. Voir par exemple le portrait de la grande Nanon par Balzac dans Eugénie Grandet ou bien l'exemple suivant.

« PreviousContinue »