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nsaction de l'assemblée nationale avec la

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cour.

Je vais vous dire maintenant ce qui m'épou nte, ce qui me fait trembler pour la chose blique. Je parle ici avec la liberté et la franise qui conviennent à mon caractère. La réuon la plus étonnante vient de s'opérer au sein l'assemblée; j'en suis témoin, et j'y erois à eine. Des hommes, que l'antipathie la plus ortement prononcée éloignoit les uns des aures, se sont rapprochés tout-à-coup. Ils se déestent, ils se méprisent. Mille fois je les ai enendus s'attaquer avec l'acharnement le plus ruel, se faire les reproches les plus amers, se ermettre les inculpations les plus outrageantes; tils agissent de concert! Peut-il exister de Laison vraie sans estime? auroient ils déposé n un instant toutes leurs haines ? seroit-ce le ésir de sauver l'etat qui les auroit réunis? Que Le puis-je le penser! Mais je me livre malgré moi aux plus tristes présages. Je ne vous parle pas du moment où nous sommes, il est affreux; me fait verser des larmes, de sang; l'image e la force se présente par-tout aux regards du itoyen tremb ant et effrayé; je vois les veneances et les persécutions particulières s'aprocher. Si cet orage n'étoit que passager, il audroit avoir la force d'en supporter les ravaes; mais quel avenir il me semble nous prélire! Je crois voir nos travaux achevés, la charte constitutionnelle dressée, présentée à Louis XVI; Louis XVI proposer des modificaions, des réformes, déclarer qu'à ces condiions il accepte; des troupes étrangères placées de concert sur nos frontières pour en mposer; de prétendus amis de l'ordre et du bonheur public s'élever du sein de l'assemblée, exposer avec chaleur les dangers qui nous me

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» nacent, représenter que, si les conditions exigées apportent quelques changemens à la cons»titution, le fond n'en est point altéré, qu'elle » n'en restera pas moins la plus belle constitu» tion de l'univers; que lorsque nous avons com» mencé, nous ne devions pas espérer aller aussi » loin dans la carrière politique; qu'il est sage » de faire de légers sacrifices pour obtenir une » paix solide et durable; que les mécontens, qui » ont des pertes de toute éspèce, satisfaits des plus foibles restitutions, renonceront à leurs » projets de vengeance, et qu'enfin tous les ci» toyens ne formant qu'un peuple de frères, la » nation ne sera plus agitée par de longues et » douloureuses convulsions; les jadis nobles et » les prêtres approuver la transaction, les hommes » foibles y consentir, les chefs et les orateurs en » soutenir les avantages; quelques vrais 'amis de » la liberté, quelques hommes jaloux de la gloire » et du bonheur de la nation, qu'on traitera de » factieux, s'y opposer, et la grande majorité de » l'assemblée consacrer, par un décret, cette » transaction honteuse. Où nous conduiront ces » premiers pas rétrogrades? Je ne sais, mais j'en » frémis (1) ».

Tu frémis, Péthion! tous les bons citoyens frémissent avec toi. Oui, il vient de s'opérer dans le sein du sénat une réunion aussi scandaleuse qu'étonnante; oui, les représentans de la nation sont mille fois plus à craindre que tous nos transfuges, que tous les tyrans étrangers.

En vain la cour avoit cherché à rappeler au cœur d'hommes libres l'amour des rois, qui n'est que l'amour de l'esclavage.

En vain elle avoit mis en avant d'obscurs conspirateurs, qui ont payé de leur tête.

(1) Lettre de J. Péthion à ses commettans sur les circonstances actuelles.

En

En vain le général Maillebois, de concert avec cet infâme Monsieur, frère du traître Capet, a-t-il voulu mettre sur pied une armée de brigaads dignes du royal projet de rétablir Louis XVI dans

ses droits.

En vain Louis a armé le bras du fanatisme en donnant asile, en promettant une subite réinté gration aux prêtres réfractaires (1).

En vain il avoit donné le commandement des armées d'un peuple libre à des généraux tels que n'en a pas le despote de Constantinople.

En vain des hordes étrangères, aux ordres d'un Condé, d'un d'Artois, semblent projeter une invasion prochaine.

En vain la race impie des tyrans s'étoit croisée pour cerner la France, et mettre à la raison les Français patriotes; tous ces projets restoient sans effet: l'amour de la liberté, l'énergie qu'elle inspire, le sentiment de notre force, six millions de bras armés, tout nous assuroit que nous étions invincibles.

La cour a bien senti cette vérité : qu'un grand peuple, qui a pour représentans des hommes honnêtes et incorrompus, est au dessus de toute espèce de force! N'ayant pu vaincre par la violence les représentans de la nation, parce qu'ils étoient soutenus de la force des représentés, elle les a corrompus, elle a acheté ceux qui étoient à vendre, et il n'en est resté qu'un petit nombre pour le peuple.

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Or, ce premier marché conclu, l'on en fit un autre dont voici les clauses: Convenu, 1°. que l'assemblée nationale n'a pas laissé assez de pouvoir au roi ; 2o. que le roi a bien fait de s'en aller, pour prouver aux nations qu'il n'étoit pas

(1) Depuis quelques jours les prêtres réfractaires sont admis à célébrer l'office divin à la chapelle des Tuilede préférence aux prêtres assermentés. No, 107.

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libre; et qu'à défaut de sa libre sanotion, la constitution est nulle: 3o. que lui, roi, restera en uno espèce d'état d'arrestation jusqu'après l'achèvement de cette constitution; 4. qu'alors elle lui sera présentée purement et simplement, comme s'il n'eût encore rien sanctionné ni accepté; 5°. que sa majesté étant mise en liberté dans son château de Rambouillet, tous les comités réunis lui feront passer une liste d'observations qu'elle mettra en marge de la oharte constitutionnelle, et sur les quelles l'assemblée nationale fera droit; 6°. qu'avant cette époque le sénat fera la révision de tous ses décrets antérieurs ; et comme il est maître de son ouvrage, on aura soin d'élaguer de la constitution tout ce qui pourroit blesser la dignité royale et les attributs de la monarchie; 7°. qu'en conséquence, il sera rendu au roi une influence plus Considérable sur Farmée, sur le corps légi latif, sur le pouvoir judiciaire, enfin sur toutes les parties du pouvoir national; 8. que la noblesse esa rétablie soas un autre non, mais sans priviléges pécuniaires; 9. que le roi sera déclaré chef des gardes nationales, comme il l'est de l'armée de ligne ; 10°. que pour faciliter l'exécution du présent traité, sa majesté engagera tous ses confrères et cousins à mettre sur pied une armét considėrable, et à faire attaquer la France le jour même que la charte constitution elle lui sera présentée, afia que, si des sédiție a s'opposent à cette trapsaction, le peuple crie qu'ii la veut, pour obtemir la paix et éloigner les troubles qui le désolent depuis deux ans ; 11°. enfin, que d'ici à cette époque la cour retirera de la circulation jusqu'au dermier écu, s'il se peut et qu'alors elle mettra et fera mettre au jour des mal ions d'écus, et de louis d'or, afin que le peuple ne doute pas que cet état ne soit le monteur des états possibles, afin qu'il naudisse lui-même les auteurs de la révolution, qu'on lui dira être les auteurs de la disette du numéraire.

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Oui, voilà les bases et clauses principales de cette exécrable transaction, dont parle le coura geux député de Chartres; oui, le projet et de faire rétrograder la révolution ; oui, Fon veut que le peuple ne l'ait faite que pour payer de son bien, de son sang, la dette immense du bon roi, et pour consolider, d'une manière constitutionnelle, le féau destructeur de la royauté : c'est cé qu'il faut démontrer.

Avant la fuite de Louis XVI, les membres, de Fassemblée étoient divisés en trois classes; les patriotes, les ministériels et les noirs. Les ministériels étoient une espèce de classo hermaphrodite qui se rangeoient tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, selon qu'on vouloit au conseil; mais les patriotes étoient constans dans la bonne route; s'ils succomboient parfois, ce ce n'étoit que faute d'athlètes. Les patriotes méprisoient aussi hautement les ministériels qu'ils méprisoient les noirs ; les Lameth, Duport, Barnave étoient aussi et plus acharnés contre les Bailly, Duquesnoi, la Fayette (1), que contre Maury, Cazalès et Foueault.

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Aujourd'hui, plus de noirs, plus de ministériels, plus de patriotes: à l'exception de Roberspierre Péthion, Buzot et quelques autres, tous ces partis se sont ralliés; Mallouet applaudit à Barnave, la Fayette est devenu l'ami intime des Lameth on ne rougit plus de parler à Chapelier, à Dandré, à Desmeuniers, etc.; et dans quelle conjoncture et à quel dessein s'opère cette inconeevable réunion? Dans le moment de la protestation de Louis XVI contre la constitution; dans le moment qu'il

(1) It est de fait que ceux qu'on appeloit la faction Lameth icient tellement acharnés contre le général, qu'ils ne pouvoient en entendre parler, sans entrer dans un quasi délire; qu'on se rappelle d'ailleurs les letares amères que Charles lui écrivoit il y a un an € 2

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